OPINION GOUVERNEMENT COUILLARD ET QUESTIONS IDENTITAIRES

Au-delà du message du PLQ

Pour conjurer la dégelée reçue dans la circonscription de Louis-Hébert, les libéraux ont procédé à un jeu de chaises musicales, mais leur problème demeure entier, car il provient de bien plus loin que cette commission sur le racisme qu’ils montrent du doigt.

À mon humble avis, le problème du PLQ n’est pas seulement dans le message, mais aussi dans le messager qui en est chef. Et le problème du messager, c’est qu’une grande partie de la population ne se sent plus fière d’être québécoise et francophone dans son regard.

Pour cause, il lui envoie trop souvent une image pas très flatteuse d’elle-même. Ce désagréable et largement répandu sentiment a été causé par sa rhétorique moralisatrice et culpabilisante qui associe indirectement, mais consciemment aussi, une bonne partie du vote francophone à l’intolérance, la peur de l’autre et la fermeture.

Monsieur Couillard a parlé des démons et des braises de l’intolérance de la province, a associé Jean-François Lisée à l’extrême droite et au négationnisme et a comparé François Legault à Trump. Il parle régulièrement du défunt projet de laïcité du Parti québécois en le qualifiant de charte de la honte et de tous les noms d’oiseaux qui donnent envie, par ricochet, à beaucoup de gens de s’enfoncer la tête dans le sable.

Dès que l’identité pointe son nez, le malaise du chef du PLQ se ressent jusque dans son non verbal.

Et, voulant exploiter à fond la politique de division sous un épais maquillage d’ouverture et de bons sentiments, il a brisé quelque chose qu’aucune performance économique ou promesse électorale juteuse ne pourra réparer.

Quand le simple fait de remettre en question les seuils d’immigration l’amène à classer M. Legault du côté obscur de la force multiculturelle, beaucoup de gens insultés devant leur télé reçoivent personnellement l’attaque et se demandent aussi s’ils devraient s’autoflageller d’avoir eu des pensées aussi mauvaises et condamnables. On revient à la méthode qui a mené à la perte des curés qui jadis abondaient dans la province. Si son pari est de faire ressentir à la population la honte de voter pour ceux qu’il diabolise de cette façon, il risque de payer comme l’avaient fait les curés à qui il semble parfois emprunter ses méthodes.

Ce que ces gens qui vous tournent le dos veulent dissiper, M. Couillard, c’est cette impression que vous leur demandez de toujours s’écraser alors qu’ils s’attendent de leur premier ministre qu’il écoute aussi leurs craintes et trace clairement une ligne à ne pas franchir pour le bien de tous.

Ils voudraient vous entendre dire à une certaine minorité d’extrémistes religieux revendicateurs et flanqués d’un programme politique, que vous semblez toujours défendre avec émotion, que s’ils ne se sentent pas appartenir au Québec, c’est peut-être aussi parce qu’ils s’y comportent en invités alors qu’ils sont depuis longtemps colocataires. Et la colocation impose à chacun de faire son bout de chemin si on veut qu’elle débouche sur un véritable partenariat.

Il est vrai que dans une société de droit, la dictature de la majorité si préoccupante pour le premier ministre Couillard est bien condamnable. Mais toujours demander à coups de sermons à cette majorité de prendre son trou pour permettre à des extrémistes d’exister sans compromis n’est pas plus porteur d’un vivre-ensemble harmonieux.

Au contraire, cette façon de faire génère des frustrations croisées qui profitent aux groupes d’extrême droite qui ont d’ailleurs pris bien du galon dans la province. Une belle façon de leur couper l’herbe sous le pied serait d’entendre parfois M. Couillard dire que tendre la main ne veut pas dire accepter de se faire tordre le bras, car le multiculturalisme n’est pas une compétition d’aïkido.

Si montrer du doigt les problèmes de discrimination et les dérives dans le vivre-ensemble qui sont bien réels dans la province est absolument nécessaire, aborder ces sujets de façon électoraliste comme le font tous les partis est très dommageable.

Récemment, à cause de la cuisante défaite dans Louis-Hébert, M. Couillard a ouvert la possibilité de modifier ou de renoncer à la commission sur le racisme. Puis devant la riposte rapide et cinglante de certains participants dans les médias, le premier ministre, bien conscient du risque de perdre électoralement sur deux fronts, a rapidement refermé la porte.

Mais que l’on soit pour ou contre cette commission, force est d’admettre que le simple fait de penser y renoncer pour sauver la peau du Parti libéral prouve malheureusement que pour lui, l’enjeu semble être plus un outil électoral qu’une volonté réelle de rapprochement. Quand on divise pour gagner, on se comporte comme le chef d’un parti et non comme le premier ministre d’une nation.

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