Arts visuels

Edmund Alleyn en dix temps

1931 : Naissance à Québec

1955 : S’installe à Paris

1962-1965 : Période amérindienne

1965-1970 : Période technologique

1971 : Revient au Québec

1973-1975 : Suite québécoise

1980-1990 : Série Indigo

1990-1995 : Série Vanitas

1995-2000 : Série Les éphémérides

2004 : Décès la veille de Noël

RÉTROSPECTIVE EDMUND ALLEYN AU MAC

L’argonaute de l’art

Trop jeune pour avoir signé Refus global, Edmund Alleyn (1931-2004) occupe tout de même une place de choix dans l’histoire de l’art québécois. Le Musée d’art contemporain de Montréal lui rend hommage cet été avec une rétrospective qui met en relief la polyvalence et le regard résolument actuel de cet artiste dont l’œuvre continue de s’épanouir.

Il est toujours difficile de rendre l’esprit et l’éclat d’un artiste contemporain sans sa présence. Le Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) y parvient pourtant avec cette rétrospective tant attendue consacrée à Edmund Alleyn.

On doit ce tour de main à l’enthousiasme de Josée Bélisle – jusqu’à tout récemment ardente conservatrice de la collection du MAC –, au travail à titre de commissaire de Mark Lanctôt, conservateur au musée, et à la collaboration, pendant trois ans, de Jennifer Alleyn, artiste, cinéaste et fille du peintre.

Mais la fraîcheur qui se dégage de ce parcours d’une soixantaine d’œuvres d’Edmund Alleyn est intimement liée au fait que le natif de Québec a toujours été à la fois « de son temps » et avant-gardiste. Même aujourd’hui, quelque 11 années après que le cancer a brisé son élan.

« À chacune de ses périodes, Edmund Alleyn était un nouvel artiste. Comme s’il avait toujours été trentenaire ! Un surdoué se réincarnant chaque décennie… »

— Mark Lanctôt, conservateur

Ayant désobéi à son père juge qui voulait qu’il soit médecin, Edmund Alleyn est allé de l’avant et se sera totalement consacré à son art. Combinant un talent impressionnant (il faut voir ses dessins…), une soif d’intensité créatrice et une grande acuité vis-à-vis de son environnement, il avait le goût de faire siens tous les médiums. Tel l’argonaute en quête de toison d’or, cet artiste a, durant toute sa carrière, poussé ses recherches au-delà du connu, du palpable, du prévisible. Hors norme, Edmund Alleyn était un explorateur de l’art.

ABSTRACTION LYRIQUE

Influencé d’abord par Riopelle, Borduas et Lemieux, Alleyn prit ensuite son envol pour un demi-siècle de créations personnelles sans être déconnectées de sa réalité. Après l’abstraction lyrique des années 50 et début 60, il fait sienne – depuis Paris – la luxuriance de motifs colorés dans une brève et éclatante série amérindienne. L’exposition nous en montre une demi-douzaine, dont la flamboyante huile sur toile de 1963 au titre interminable (!) Jacques Cartier arrivant à Québec voit des Indiens pour la première fois de sa vie.

Cet artiste d’atelier très solitaire s’est ensuite appliqué à traduire la frénésie technologique de la fin des années 60. Il en ressort des toiles marquées du sceau fluorescent de l’époque électronique et qui révèlent un vocabulaire tiré de son intérêt marqué pour les sciences et une société en mutation. 

Ses sculptures et installations s’attachent alors à décliner les nouvelles découvertes, tel son Introscaphe, un habitacle ovoïde multimédia qui permit au visiteur du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, en 1970, de regarder un film tout en étant isolé du monde extérieur et soumis à des vibrations et des changements de température, comme dans une capsule aéronautique.

« Il était en dialogue permanent avec le futur. Ses œuvres technologiques précèdent la réalité virtuelle et les créations immersives d’aujourd’hui. »

— Jennifer Alleyn, artiste et fille du peintre

Après cette période, Edmund Alleyn revient au Québec et y documente les transformations survenues dans la société qu’il avait quittée. Ses photos prises notamment à La Ronde l’amènent à produire sa Suite québécoise, des œuvres hyperréalistes sur plexiglas qui dépeignent les Québécois des années 70.

Les années 80 sont marquées par un changement de cap et un retour à une certaine intériorisation, avec sa série Indigo puis Vanitas. Sa carrière brutalement interrompue se termine avec ses Éphémérides, sorte de synthèse mélancolique de son œuvre.

« Pour moi, c’est très émouvant de voir toutes ces périodes, dit Jennifer Alleyn. Le choix de Mark Lanctôt permet de suivre le parcours de mon père et c’est seulement maintenant, avec le recul, qu’on peut commencer à faire tous les liens entre ses périodes et comprendre son empreinte. Il s’est toujours réinventé et, en même temps, a toujours cherché, comme il disait, “l’image finale, celle qui en supprime mille”. » 

MONTRÉAL EST ALLEYN

La rétrospective s’accompagne d’une publication explorant les grands espaces créatifs d’Edmund Alleyn. Parallèlement, le MAC présente le film L’atelier de mon père, réalisé en 2008 par Jennifer Alleyn, et organisera une série de conversations en lien avec l’exposition. 

La galerie montréalaise Simon Blais présente aussi une sélection d’œuvres de la série Indigo d’Edmund Alleyn jusqu’au 9 juillet. Et le Musée des beaux-arts de Montréal expose tout l’été son installation Iceberg Blues, créée entre 1973 et 1975.

Edmund Alleyn – Dans mon atelier, je suis plusieurs, au Musée d’art contemporain de Montréal (185, rue Sainte-Catherine Ouest) jusqu’au 25 septembre.

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