OPINION

PRÉVENTION DU SUICIDE
Une option : le traitement à domicile

L’histoire tragique de Jean-François Lussier, relatée par Patrick Lagacé, ainsi que celle d’Olivier, relatée par Rima Elkouri, illustrent la situation déchirante dans laquelle se trouvent les personnes qui vivent des crises suicidaires ainsi que leurs familles.

Tout psychiatre qui fait de l’urgence se retrouve régulièrement pris entre une personne suicidaire, mais qui ne veut rien savoir d’être « enfermée avec les fous », et la famille inquiète, épuisée, à bout de moyens, qui espère tant qu’il sera « gardé à l’hôpital ».

Trop souvent, les psychiatres qui font une garde aux urgences sont placés devant deux mauvais choix : garder la personne contre son gré à l’hôpital en invoquant des lois qui contraignent les droits fondamentaux, la retirant de son milieu naturel et l’empêchant de remplir ses obligations et ses fonctions, ou encore la laisser aller affronter seule ses démons à la maison, avec une référence incertaine à des services communautaires ou en clinique externe.

Il faut le dire : ils sont moches, ces deux choix.

Les centres de crise font un travail remarquable et peuvent offrir le soutien psychologique ou l’hébergement de répit pour quelques jours, mais ne peuvent offrir un traitement médical si celui-ci est requis. Les hôpitaux de jour offrent un service intensif et intégré de traitement et d’activités thérapeutiques de réadaptation tout en permettant aux gens de dormir à la maison, mais à condition que le participant vienne tous les jours à son suivi. Mais ce n’est pas tous les hôpitaux qui ont les ressources pour offrir ces services.

Pourtant, il existe une autre voie, largement empruntée dans d’autres pays (le Royaume-Uni notamment), mais encore embryonnaire au Québec : le traitement intensif bref à domicile.

Imaginez une équipe qui peut répondre à une situation de crise dans les 24 heures, qui vient faire l’évaluation de votre situation à la maison : le médecin, l’infirmière pour les prises de sang, les autres intervenants présents pour vous aider à maintenir votre routine, en mesure de venir tous les jours pour vérifier votre situation, suivre votre réponse à la médication, répondre à vos questions, en collaboration avec vos proches.

Vous continuez à nourrir votre chat, sortir et rentrer quand vous voulez, recevoir vos proches, maintenir votre emploi autant que possible. Ils restent présents jusqu’à la fin de votre période de crise, puis s’assurent de vous arrimer à un suivi par la suite.

Cette forme d’hospitalisation à la maison, ça existe. Ce n’est pas plus cher que l’hospitalisation traditionnelle. Elle permet un accès rapide aux soins tout en favorisant le maintien de l’autonomie et des responsabilités sociales de la personne.

M. Lussier qui, en venant à l’hôpital, a regardé sa sœur en lui demandant « qu’est-ce que je fais ici ? », aurait peut-être apprécié une telle option, tout autant qu’Olivier, ballotté entre les multiples consultations aux urgences.

Il n’y aura jamais une seule solution pour prévenir le suicide, mais il est temps que les services soient pensés autrement. Parfois, la maladie mentale mène au suicide malgré tous les efforts, mais pour les personnes comme M. Lussier et leurs familles, on se doit de faire mieux.

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