Amour et science

Les dessous de l’expérience

Derrière la séance de rencontres éclair (speed dating) à laquelle La Presse a assisté se trouvent Leigh Kotsilidis et Amy Chartrand – deux Montréalaises qui ont fondé l’organisation Scientists for Love (les Scientifiques pour l’amour). Oubliez les doctorats en chimie : Leigh est poète et artiste visuelle, tandis qu’Amy travaille à l’École nationale de théâtre et multiplie les projets artistiques. Les deux filles défendent néanmoins vigoureusement le caractère scientifique de leurs expériences, qui visent à favoriser les connexions humaines. La Presse s’est entretenue avec elles.

D’où vient l’idée de l’événement ?

Leigh Kotsilidis : Amy et moi nous connaissons depuis des années et voulions collaborer sur quelque chose. Nous avions vu les recherches sur les phéromones, qui expliquent pourquoi on peut être attiré par l’odeur de quelqu’un (voir autre texte). Amy avait lu quelque chose sur des séances de speed dating « silencieuses », où les participants ne font que se regarder. Tout ça nous intriguait. On s’est dit : « Pourquoi ne pas faire un événement organisé autour de chacun des cinq sens ? »

Amy Chartrand : Il faut dire que nous étions toutes deux célibataires et souhaitions rencontrer des gens. On entre souvent dans des endroits où il y a plein de gens intéressants, mais il n’y a pas de cadre, pas de façon de connecter avec eux. On a donc créé un événement auquel nous aurions aimé nous-mêmes participer.

Vous mettez beaucoup de temps à organiser ces soirées. Quelle est votre motivation ?

Leigh : Notre but est de favoriser les connexions humaines. Avec la technologie, les communications sont de plus en plus virtuelles. Les gens, à mon avis, sont plus isolés que jamais. Nous voulons briser cette isolation.

Pourquoi isoler les cinq sens dans des expériences distinctes ?

Amy : Pour porter plus d’attention à chacun d’eux. Quand on rencontre quelqu’un, la vue prend souvent le dessus sur les autres sens. C’est un peu dommage.

Leigh : On peut aussi être attiré par quelqu’un à cause de l’idée du succès, de l’argent ou du statut social. Ces variables sont éliminées dans nos expériences. On donne vraiment toute la place aux sens.

Pourquoi présenter la soirée sous le thème de la science ?

Amy : Il y a plein de niveaux à cette réponse. D’abord, il y a un certain jeu de rôles là-dedans. Nous aimons incarner le personnage des scientifiques. Le simple fait de revêtir des sarraus nous donne une certaine autorité pour mener à bien les expériences.

Ensuite, la définition d’un scientifique est quelqu’un qui a une expertise dans un sujet donné. Or, nous nous considérons comme des expertes dans les relations humaines. J’ai moi-même écrit mon mémoire de maîtrise sur le désir en littérature, et je célèbre des mariages. Je passe des tonnes de temps à parler d’amour et de relations humaines.

Mais est-ce de la vraie science ?

Leigh : Qui a l’autorité pour décréter ce qui est de la vraie science et ce qui n’en est pas ? Nous considérons que ce que nous faisons est sérieux. Nous avons une hypothèse de travail, qui est que lorsque examinés de façon isolée, nos cinq sens font des choix harmonisés qui reflètent notre compatibilité. Nous avons monté des expériences qui permettent de tester cette hypothèse en éliminant le plus de biais possible. La différence avec une expérience traditionnelle, c’est qu’au lieu d’analyser nous-mêmes les résultats, nous les mettons dans les mains des participants.

Ces soirées vous ont-elles permis de rencontrer vous-mêmes l’âme sœur ?

Leigh : Non ! Ce serait mal ! Nous restons très professionnelles. Nous ne voulons pas créer un scénario où les gens se sentiraient en compétition avec nous. Pendant les expériences, les participants se placent dans des situations de vulnérabilité. Nous sommes leur filet protecteur. Les sarraus nous aident à établir cette barrière entre les participants et nous.

Amy : En parlant de vulnérabilité… C’est une partie importante de l’expérience. Elle oblige les gens à s’ouvrir. À la fin, le fait d’avoir passé à travers la soirée ensemble aide les gens à connecter, parce qu’ils ont partagé quelque chose.

SOIRÉE EN FRANÇAIS À VENIR

Tenue en janvier dernier, la soirée de « rencontres éclair pour les sens » en était à sa deuxième édition. Leigh et Amy, deux anglophones, les organisent en anglais, mais plusieurs francophones y participent. Les organisatrices planifient tenir pour la première fois une soirée en français le 21 mars prochain. Une autre en anglais est prévue pour le 7 mars.

+WEB Consultez le site Scientists for Love http://www.scientistsforlove.com/eacuteveacutenements.html

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