Finances personnelles

Millionnaire, mais pas riche

Le temps donne finalement raison à la célèbre publicité. Un million de dollars, ça ne change pas le monde. Avec les années, l’inflation a érodé le mythe du millionnaire « riche ».

Un dossier de Réjean Bourdeau

Finances personnelles

Un million n’est plus synonyme d’abondance

Un million de dollars accumulés, c’est pas mal d’argent. Et ça permet de bien vivre. Mais ce n’est plus la balise symbolique qui a longtemps marqué l’entrée dans le monde de la richesse. Pour éviter les soucis financiers, il faut maintenant être… multimillionnaire. Explications.

Juste un chiffre 

« Un million de dollars, c’est le baromètre que certains se donnent encore comme objectif financier, dit Vincent Delisle, stratège à la Banque Scotia. C’est un jalon ancré dans l’imaginaire collectif. » Mais est-ce toujours pertinent ? C’était vrai pour le big shot millionnaire des années 60. Ce l’était aussi pour les gros lots de 1 million des années 70. « À l’époque, ça avait du sens de dire qu’on était riche avec un tel montant, ajoute-t-il. Mais la valeur du million s’est beaucoup amoindrie au fil des décennies avec l’effritement du pouvoir d’achat. Aujourd’hui, c’est moins symbolique. C’est un chiffre. Mais un chiffre qui attire l’attention. »

L’impact de l’inflation 

Le concept de l’inflation est peu tangible dans la vie de tous les jours. C’est encore plus vrai alors que son taux annuel oscille entre 1 et 3 % au pays depuis 25 ans. « Mais l’effet cumulatif de l’inflation fait en sorte que la valeur du million de dollars est grandement amputée », explique M. Delisle. Le choc est réel. Il y a 100 ans, un seul million valait une fortune. Pour avoir son équivalent aujourd’hui, une personne doit en posséder 16,3 ! Voici l’impact sur les 50 dernières années.

Combien faut-il de dollars en 2017 pour représenter 1 million en : 

1967 : 7 164 835 $

1977 : 3 846 607 $

1987 : 1 892 598 $

1997 : 1 440 884 $

2007 : 1 164 286 $

Sources : Banque Scotia, Banque du Canada

Moins de maisons 

« Une autre façon de présenter cette perte du pouvoir d’achat, c’est de voir le nombre de maisons que l’on peut acheter avec 1 million », souligne Vincent Delisle. Selon ses calculs, en 1980, on pouvait en acquérir presque 20 dans la région de Montréal. À la fin des années 1990, c’était 10. « Aujourd’hui, en considérant un prix moyen de 350 000 $, c’est seulement trois », précise-t-il.

Plus de millionnaires 

Le million perd de sa valeur. Et la population s’accroît. Ces deux facteurs font en sorte que le nombre de millionnaires augmente au pays. L’an dernier, une étude de BCG (Boston Consulting Group) classait le Canada au 5e rang des pays ayant le plus de ménages millionnaires. Il y en avait 485 000 en 2016, par rapport à 385 000 l’année précédente. Selon ses prévisions, il y en aura 785 000 dans quatre ans.

Le nombre de personnes ayant déclaré un revenu total de 1 million ou plus est aussi en hausse.

Québec 

1995 : 370 

2005 : 1620 

2015 : 3140

Canada 

1995 : 3230 

2005 : 14 510 

2015 : 25 690

Source : Agence du revenu du Canada

Le revenu total établi est basé sur la ligne 150 de la déclaration de revenus et de prestations (formulaire T1). 

Les calculs sont basés sur les déclarations de revenus et de prestations des particuliers initialement évaluées pour les années d’imposition 1995, 2005 et 2015. Les revenus tels qu’initialement évalués pourraient être sujets à changement à la suite des activités d’évaluation des déclarations. 

Les comptes sont arrondis à la dizaine près.

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Oubliez le château et la Lamborghini

Mauvaise nouvelle pour ceux qui pensent vivre une retraite dorée en accumulant 1 million de dollars. Pour se la couler douce, ils devront en mettre plus de côté. Car 1 million n’est plus ce que c’était. Conseils d’un planificateur financier.

« Avec 1 million de dollars, il ne faut pas s’énerver, dit Éric Brassard. Il faut faire attention. On ne manquera pas de l’essentiel, mais on n’aura pas une vie de château et on ne roulera pas en Lamborghini ! »

Le comptable professionnel agréé et planificateur financier chez Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés, rappelle que tout est relatif. Et que tout dépend du train de vie qu’on veut mener.

Il y a plusieurs critères à analyser, précise-t-il. D’abord, s’agit-il de 1 million net ? « Si c’est le cas, il a beaucoup plus de valeur que s’il est dans une entreprise ou dans un REER, où il faudra payer l’impôt. »

À considérer

D’autres critères s’ajoutent. La personne a-t-elle 50 ou 75 ans ? Vit-elle seule ou en couple ? Aime-t-elle voyager, aller souvent au restaurant, rouler en auto de luxe ?

« Est-ce qu’on veut dépenser 40 000 $ par an ou beaucoup plus ? demande-t-il. C’est clair que si on dépense 100 000 $ par année, c’est plutôt 3 ou 4 millions qu’il faut avoir, dit-il. S’il est vrai qu’on peut prendre sa retraite à tous les âges, tout dépend du style de vie qu’on veut avoir. »

Et du rendement de ses placements, s’empresse-t-il d’ajouter. S’agit-il d’une gestion conservatrice à 3 % ou plus « agressive » à 6 % ?

Perte de valeur

Sans compter le rôle de l’inflation au cours des décennies.

« Il ne faut pas oublier que la valeur du placement s’effrite avec le temps. Quand j’étais jeune, j’achetais un Coke et une tablette de chocolat pour 25 cents. Aujourd’hui, c’est 2,50 $. C’est la même chose pour l’argent qu’on épargne. » — Éric Brassard

Bref, le pouvoir d’achat s’érode avec le temps. Une mise en contexte ? Un rendement de 3 % donne 30 000 $ par an pour un placement de 1 million. Mais que pourrons-nous acheter avec cette somme dans 30 ans en considérant la hausse du coût de la vie ? « Ce qui est certain, c’est que ces 30 000 $ auront moins de valeur », précise Éric Brassard.

Six conseils pour bien planifier sa retraite

Formez-vous avant d’épargner. La scolarité permet d’avoir de meilleurs revenus (dans les secteurs que l’on aime, bien sûr). Aimez votre travail, et si le goût est là, la richesse va probablement venir avec… surtout pour les professionnels et les entrepreneurs.

Apprenez à consommer convenablement dans les premières années de votre vie active (famille et début du travail). L’épargne peut attendre au début, mais il faut être raisonnable dans ses dépenses (maison, meubles, auto).

Bien se couvrir en assurances, car l’invalidité est le plus grand risque pour les jeunes. Tout le projet de retraite peut tomber s’il y a une malchance.

Une fois cela fait, autour de 30 à 35 ans, il faut commencer à épargner en prenant bien soin de profiter de tous les programmes et abris fiscaux.

Il faut faire appel à un bon conseiller qui vous guidera dans tous les volets de planification financière intégrée.

Faire des calculs pour voir combien il faut épargner pour atteindre les objectifs de retraite selon la situation de chacun (âge souhaité, coût de vie souhaité, etc.).

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Le millionnaire moyen au Canada

âge moyen : 54 ans ;

la majorité, soit 59 %, est mariéet a des enfants adultes ;

éducation : 28 % détiennent des diplômes d’études supérieures ;

ils ont accumulé leur premier million d’actifs avant l’âge de 42 ans ;

21 % sont nés à l’extérieur du Canada (29 % pour ceux détenant un actif de plus de 5 millions) ; 

40 % sont propriétaires d’entreprises ;

35 % de ceux ayant accumulé plus de 5 millions en actif possèdent encore plus l’esprit d’entreprise ;

49aires se demandent si leurs enfants sont prêts à gérer avec succès leurs héritages ;

90 % estiment qu’il est important que leurs enfants apprennent la valeur de l’argent par le travail accompli.

Sources : HNW (sondage 2010), RBC Gestion de patrimoine (recherche 2010)

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