ÉDITORIAL CENTRES DE LA PETITE ENFANCE

Et la qualité dans tout ça ?

« Les garderies à but lucratif, pour pouvoir survivre et pour pouvoir être rentables, doivent nécessairement offrir un bon service. Sinon, elles se trouveront vides. »

— Carlos Leitão, février 2015

À elle seule, cette citation du ministre des Finances explique en bonne partie le développement cacophonique des centres de la petite enfance (CPE), qui fêtent leurs 20 ans.

Dans sa citation, le ministre présume deux choses : que les parents peuvent facilement évaluer la qualité des services éducatifs, et qu’ils décideront en fonction de ce facteur. Il s’agit de deux énormes « si » dont on attend encore la preuve.

Sur papier, le raisonnement de M. Leitão se tient. Mais le monde en trois dimensions est plus complexe qu’une feuille de papier. Plus vaste que ce qu’on voit à travers ses œillères comptables.

Les CPE ont toujours laissé les libéraux sceptiques. Ils y voient une « patente péquiste » rigide et coûteuse. Au lieu de gérer l’offre, ils ont stimulé la demande avec des incitatifs fiscaux. Et ils ont encouragé le développement des places en privé.

On a toutefois oublié de se préoccuper de l’essentiel : la qualité. Or, que cela plaise ou non, les services éducatifs sont dans l’ensemble supérieurs dans les CPE.

Nous ne voulons pas idéaliser les CPE ou diaboliser le reste du réseau. Il est vrai que les comparaisons entre les types de garderies comportent des limites méthodologiques. Il est aussi vrai que des établissements privés sont exemplaires, tandis que des CPE dépensent trop et offrent des services déficients. Et enfin, il est aussi vrai que les CPE sont sous-utilisés par ceux qu’ils devaient servir, les jeunes de milieux défavorisés.

Reste que dans l’ensemble, les CPE exigent une formation plus poussée des éducatrices et reçoivent moins de plaintes. En l’oubliant, on a empilé les uns par-dessus les autres des réseaux aux normes variables.

Ce glissement a été accéléré en 2015 quand le gouvernement Couillard a modulé les tarifs des garderies subventionnées (CPE, privé subventionné et milieu familial). Les libéraux disaient rendre le financement plus équitable (les parents aisés payeraient davantage) et plus efficace (la modulation permettrait de récupérer des crédits d’impôt du fédéral). Mais encore une fois, ils parlaient bien peu des services éducatifs eux-mêmes.

On rappelle souvent qu’un des grands objectifs des CPE était de permettre aux mères de réintégrer le marché du travail. Mais on oublie l’autre mission : augmenter l’accès aux services et lutter ainsi contre l’inégalité des chances.

Aujourd’hui, le réseau est presque achevé. Il ne reste qu’environ 11 000 places à créer. La prochaine étape est d’améliorer l’accessibilité pour les plus défavorisés, et de contrôler la qualité.

Le nouveau ministre de la Famille, Sébastien Proulx, fait enfin les bons diagnostics. Le ministre a déposé un projet de loi pour resserrer le contrôle des garderies en milieu familial. Et dans le cadre de sa stratégie 0-8 ans, il promet de resserrer le contrôle de la qualité dans le reste du réseau, et de mieux l’arrimer avec la maternelle et le primaire.

Mais il est désolant que les libéraux aient attendu la fin de leur mandat pour se réveiller.

Les coûts n’explosent pas

Contrairement à ce qu’on prétend parfois, les coûts des CPE n’ont pas explosé. Depuis 2003, les salaires ont augmenté en moyenne de 2,3 % par année, et les coûts de 1,8 %.

Source : analyse de l’économiste Pierre Fortin, avril 2017

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