Chronique

Une dette environnementale de 3,2 milliards

Certains s’interrogent sur l’impact des terrains contaminés sur les finances de nos gouvernements, qu’il s’agisse d’anciennes mines, de sites industriels ou autres. Combien les Québécois devront-ils payer pour décontaminer ces sites laissés à l’abandon ?

Eh bien, sachez que la plupart des terrains contaminés font l’objet d’une comptabilisation précise dans les livres du gouvernement du Québec. Plus encore : ils sont inscrits en bonne et due forme dans la dette nette du Québec !

Ainsi donc, au 31 mars 2014, le gouvernement du Québec avait une dette environnementale de 3,2 milliards de dollars, qui concerne les 2196 terrains contaminés répertoriés. Ce « passif environnemental » fait partie de la dette nette de 181,3 milliards du gouvernement du Québec qui est inscrite dans les comptes publics au 31 mars 2014, au même titre que les dettes contractées pour financer des routes et des ponts, par exemple.

Parmi les zones contaminées connues dont a hérité le gouvernement, mentionnons le site minier Barvue, où la décontamination a débuté (19 millions sur 55 millions).

Outre cette ancienne mine d’Abitibi-Témiscamingue, il y a le site minier de Lac Jeannine, sur la Côte-Nord, où presque tout est à faire (37 millions).

Autre facture imposante : la décontamination des terrains et bâtiments industriels longeant le futur échangeur Turcot. Globalement, le gouvernement estime que la facture avoisinera les 100 millions. Il est encore une fois question d’amiante, entre autres.

Selon les normes comptables, la réhabilitation de terrains contaminés sous la responsabilité du gouvernement doit être comptabilisée « dès que la contamination survient ou dès que le gouvernement en est informé et qu’il est possible d’en faire une estimation raisonnable ». Les normes ne précisent pas quand le travail de décontamination doit être fait, cependant.

Le gouvernement du Québec a été un précurseur dans la comptabilisation du passif environnemental. Les coûts de décontamination sont inscrits dans ses livres depuis sept ans, alors que l’Ontario fera une première inscription cette année seulement. Les municipalités du Québec feront elles aussi une première inscription du passif environnemental dans leurs états financiers cette année.

La compilation des terrains contaminés et l’estimation des coûts se sont raffinées avec le temps. Le 1er avril 2006, le gouvernement du Québec avait répertorié 450 terrains contaminés pour un passif de 468 millions. Cette somme est passée à 789 millions au 31 mars 2008 (639 terrains), puis à 1,8 milliard au 31 mars 2010 (1744 terrains).

Depuis trois ans, cette dette environnementale stagne, à quelque 3,2 milliards, un signe que la facture globale est maintenant connue. À l’avenir, le gouvernement devrait être moins embarrassé avec des sites industriels souillés, puisque la loi oblige les entreprises à se constituer un fonds à cette fin.

À Ottawa, on estime avoir identifié 9200 sites possiblement contaminés sous responsabilité fédérale au 31 mars 2014. De ces sites, une action de décontamination est possible pour environ 2500 sites, pour un passif environnemental de 4,8 milliards. Sur les 6700 sites restants, une évaluation est en cours.

LES QUÉBÉCOIS ET L’APPAUVRISSEMENT

Le texte sur l’enrichissement relatif des Québécois depuis 1976, publié le jeudi 25 juin, a suscité de nombreux commentaires. L’étude des chercheurs Luc Godbout et Suzie St-Cerny conclut que le revenu médian de chacun des types de ménages (familles biparentales ou monoparentales, personnes seules, etc.) a progressé significativement entre 1976 et 2011, contre toute attente.

Des lecteurs me font valoir que l’étude ne tient pas compte des dépenses, seulement des revenus, ce qui est juste. Cependant, les chercheurs ont retranché de ces revenus les effets de l’inflation. Ainsi, à moins qu’il y ait eu création de nouveaux besoins de dépenses, les revenus après inflation de l’étude dénotent une augmentation du pouvoir d’achat sur 35 ans pour tous les types de ménages. La hausse nette après impôt varie de 4 à 86 %, selon le quintile de revenus.

D’autres lecteurs me font remarquer qu’aujourd’hui, les deux membres d’un couple travaillent, bien souvent, ce qui n’était pas toujours le cas à l’époque. C’est ce phénomène qui expliquerait la hausse du revenu médian, selon eux. La remarque est pertinente, mais elle doit être nuancée.

D’abord, elle concerne seulement les couples, et plus encore ceux avec des enfants, soit seulement 22 % des ménages aujourd’hui et 37 % à l’époque. Ensuite, le travail des deux membres est un choix, ultimement, et ce choix enrichit le ménage, selon l’étude. Si les dépenses additionnelles de la deuxième personne à travailler surpassaient les gains, la deuxième personne finirait par cesser de travailler, à moins d’en espérer un gain à long terme.

Enfin, il faudrait approfondir les effets de l’endettement sur le budget des divers types de ménages entre 1976 et 2011. Le crédit est plus facilement accessible aujourd’hui et il est possible qu’une part plus grande du budget soit consacrée au remboursement de la dette. Les effets ne sont pas clairs, toutefois, car les taux d’intérêt ont littéralement fondu depuis 35 ans.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.