Notre choix

Méfiez-vous du volcan qui dort…

Miss Islande
Auður Ava Ólafsdóttir
Traduit de l’islandais par Éric Boury
Éditions Zulma
3 étoiles et demie

Hekla rêve d’écrire. À 21 ans, la jeune femme quitte la ferme familiale pour Reykjavík, où elle souhaite se consacrer à sa passion. Nous sommes dans les années 60, la capitale islandaise ne compte même pas 200 000 âmes.

Une ville étouffante pour Hekla et ses amis : Isey, jeune maman débordée par les tâches domestiques, mais non moins animée par l’irrépressible besoin d’écrire elle aussi. Jon John, homosexuel à une époque où il est difficile de l’affirmer, surtout dans une si petite communauté. Trois jeunes adultes prisonniers des stéréotypes que la société leur impose : la femme-objet, la maternité, la virilité…

Comme le volcan dont elle porte le nom, Hekla semble endormie, mais menace d’entrer en éruption à tout moment. Les jours, elle les passe à travailler comme serveuse, mais les nuits sont entièrement consacrées à l’écriture.

On la harcèle afin qu’elle participe à un concours de beauté, car une femme, jolie de surcroît, ne peut prétendre au titre d’écrivain. La preuve : elle a déjà publié sous un pseudonyme et son livre jouit d’une réputation fort enviable, mais c’est son amoureux, surnommé simplement « le poète », qui s’approprie le rôle d’écrivain. Or, « le poète » passe plus de temps dans les cafés à discuter de littérature qu’à écrire. Comme il voudrait qu’elle lui prépare des repas et s’occupe de leur intérieur plutôt que de lui porter ombrage ! Car c’est Hekla qui a le talent, pas lui. Son ego de mâle ne le tolère pas.

À la fin, la jeune femme devra se résigner à quitter l’Islande pour pouvoir exister comme créatrice.

On devine qu’il y a une grande part autobiographique dans ce nouveau roman de l’excellente Auður Ava Ólafsdóttir. Comme un écho à Virginia Wolf, l’auteure de Rosa candida raconte avec pudeur la quête d’une « chambre à soi », cet espace pour exister en tant que femme ET artiste. Avec une langue à la fois simple et poétique, c’est toute la difficulté de créer au féminin qui est évoquée ici avec beaucoup de finesse et un soupçon d’humour. On s’en délecte à chaque page.

Critique

Disparition dans la brume anglaise

Liquide inflammable
Robert Bryndza
Belfond Noir
416 pages
3 étoiles et demie

On se retrouve en terrain familier dès les premières pages de ce polar britannique, troisième titre d’une série policière mettant en vedette l’inspectrice Erika Foster. Par une froide journée d’automne, près de Londres, le squelette d’un enfant est retrouvé dans une ancienne carrière inondée – un fait divers qui rappelle La coupure, de Fiona Barton. Les ossements sont identifiés comme étant ceux d’une fillette de 7 ans disparue 26 ans plus tôt. L’inspectrice insiste auprès de son supérieur pour être responsable de la réouverture de l’enquête. Toute son équipe replonge dans les archives, mais s’enlise rapidement en l’absence de nouvelles pistes. Erika Foster, qui a perdu son mari, également policier, dans une descente il y a deux ans, a tout de l’héroïne à laquelle on s’attache immédiatement, comme si on la connaissait depuis des lustres. Son dévouement à l’affaire, ses soucis personnels et ses doutes en font le genre de policière exemplaire à la « Olivia Benson ». Voilà un polar très réussi qui plaira aux amateurs d’enquêtes traditionnelles et donnera immanquablement l’envie de lire (si ce n’est pas déjà fait) les deux premiers romans avec Erika Foster.

— Laila Maalouf, La Presse

Critique

Au cœur de la féminité

Fécondes
Anne Genest
Leméac
128 pages
3 étoiles

Avec Fécondes, l’autrice Anne Genest livre ici un premier roman, après le recueil de nouvelles Les papillons boivent les larmes de la solitude, paru l’an dernier. Dans ce court récit touchant et tout en délicatesse, à l’écriture imagée et poétique, elle aborde de façon très sensible la féminité, la maternité, les liens du sang et les relations amoureuses, et tous les questionnements qui viennent avec. Le personnage d’Anne, qu’on présume son alter ego fictif, y raconte son histoire, alternant entre ses souvenirs d’enfance avec sa jumelle et ses parents marginaux, narrés avec ses yeux d’enfant, de très jolie façon, et son présent, sa rencontre avec P., son désir de procréer et l’angoisse de la gestation. Entre force et fragilité, doutes et certitudes, solitude et plénitude, magie de l’imaginaire et platitude du quotidien, elle offre un portrait juste, jamais manichéen, de la féminité et de la création comme manière d’être au monde.

— Iris Gagnon-Paradis, La Presse

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