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Petits hamburgers, grand engouement

Les grands-parents n’ont exploité qu’un seul restaurant Dic Ann’s, leur fils a vendu quelques franchises. Et voilà que, 64 ans plus tard, les petits-enfants ambitionnent d’amener la chaîne aux distinctifs hamburgers minces aux quatre coins de la province.

Perpétuer la tradition

Pour ceux qui n’y ont jamais mis les pieds, les restaurants Dic Ann’s peuvent sembler assez mystérieux. Même si l’entreprise a été fondée à Montréal et même si elle existe depuis presque 65 ans. Sans doute parce qu’il n’y a pas de publicité dans les médias de masse et que sa famille fondatrice se montre plutôt discrète. Cela pourrait toutefois changer avec l’arrivée de Delbina Potenza et d’Anthony Zammit, deux trentenaires qui ne manquent pas d’ambition ni d’idées pour faire croître le concept imaginé par leurs grands-parents, feue Ann Collecchia (morte en 1988) et feu Dominick Potenza (mort en 2009). C’est en 1954 que ce couple s’est installé dans un stand à l’angle des rues Papineau et Crémazie pour vendre les 12 hamburgers et 12 hot-dogs cuisinés avec leurs économies. On raconte que le lendemain, ils en ont cuisiné deux fois plus… et ainsi de suite jusqu’à l’ouverture de leur premier vrai restaurant sur Pie-IX, en 1956.

Fermé deux jours pour la famille

Si l’envie de manger un hamburger mince vous prend en début de semaine, vous pourriez être déçu. Car les heures et même les jours d’ouverture de Dic Ann’s ont de quoi surprendre ! Les restaurants – ainsi que le siège social – sont fermés les lundis et mardis. « C’est important, la famille. C’est pour cela qu’on est fermés », explique Delbina Potenza, coresponsable de la vente de franchises avec son cousin Anthony Zammit. Trois établissements font exception : ceux situés dans des centres commerciaux dont les baux forcent l’ouverture des commerces sept jours sur sept. C’est également « pour la famille » que les restaurants ne sont pas ouverts pour le déjeuner. Ces heures d’ouverture réduites permettent aux franchisés d’avoir une vie même si la restauration est un milieu difficile, ajoute Delbina, 36 ans, qui a décidé de travailler pour Dic Ann’s parce que ça la rend « heureuse de passer du temps en famille ».

L’avantage des franchises

Les restaurants Dic Ann’s appartiennent à des franchisés, la plupart étant d’ex-employés « qui connaissent le service et la qualité des produits ». Les premières franchises n’ont été vendues qu’à compter de 1994, par le fils des fondateurs. Anthony Zammit estime que le succès de la chaîne repose en bonne partie sur ce modèle d’affaires puisque les propriétaires sont toujours sur place pour veiller au grain et pour tisser des liens avec les clients. « Les clients connaissent les propriétaires et les propriétaires connaissent les clients », résume Delbina Potenza.

Gestion serrée

Hormis quelques initiatives annoncées sur les médias sociaux comme leurs événements à 99 ¢, les restaurants Dic Ann’s ne font pas de publicité afin de garder les coûts d’exploitation le plus bas possible. Pour la même raison, les cartes de crédit ne sont pas acceptées, sauf dans les camions de rue. Et le menu – le plus court possible « pour éviter le gaspillage » – n’est pas présenté sur des écrans de télévision dernier cri. Cette gestion serrée permet à l’entreprise d’offrir à ses clients des hamburgers à 2,85 $ et des frites à 2,40 $ (un seul format). D’ailleurs, la gestion des coûts, surtout à cause du prix croissant « de la viande et des produits en papier », est clairement le principal défi de l’entreprise, précise Delbina Potenza. Quant aux décors qui semblent figés dans le temps, sont-ils rétro par souci d’économie ou pour créer un certain style ? « Un peu des deux », répond-elle.

Expansion, camions et mariages

En plus de ses 12 restaurants, Dic Ann’s compte deux camions de cuisine de rue qui font le tour des festivals et qui peuvent être loués pour des événements privés. Cela inclut les mariages. « Certains mariés nous disent qu’on réalise leur rêve en leur permettant de manger un burger Dic Ann’s à minuit ! C’est rare que le monde capote sur un produit autant que ça ! », raconte Anthony Zammit. Les camions, dont un est stationné tout l’été dans le Vieux-Port, permettent de faire connaître la marque à une nouvelle clientèle, plus jeune. Mais le bouche-à-oreille demeure la principale et « la meilleure » publicité qui soit, notent les cousins. Ceux-ci croient que dans cinq ans, ils auront inauguré des Dic Ann’s à Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières, notamment, pour un total de « 20 à 25 » restaurants dans la province.

« Un cheese comme dessert »

Tandis que les McDonald’s et Tim Hortons de ce monde carburent aux nouveautés, le menu de Dic Ann’s est plutôt stable. Ce qui facilite « la gestion des stocks », notent Anthony Zammit et Delbina Potenza. Ceux-ci précisent que la recette « secrète » de la sauce qui agrémente les hamburgers n’a jamais changé. Le fournisseur de pain demeure le même depuis le début et la viande – fraîche et achetée du même fournisseur depuis 1968 – a toujours eu la même épaisseur. Par contre, pour répondre à la demande des clients qui réclament des hamburgers plus gros, un sandwich à quatre boulettes avec capicollo et provolone a été lancé le printemps dernier. Ceci dit, le duo cherche à intégrer au menu un burger végétarien, mais il peine à trouver une boulette à la fois mince et goûteuse qui ne s’effrite pas. Quant à l’engouement pour la bouffe santé, il n’effraie pas Dic Ann’s dont le burger de base ne contient que 180 calories (contre 240 pour le hamburger de McDo) et aucun agent de conservation. « On a très confiance dans la qualité de notre burger. Tout est naturel. La tendance nous donne l’occasion de miser là-dessus dans notre marketing », croit Delbina Potenza. Même si les changements de menu peuvent attirer les clients, ils coûtent cher, rappelle Anthony Zammit. « Les grandes chaînes de restauration rapide doivent faire plaisir à leurs actionnaires. Nous, nos franchisés sont contents comme ça. » Mais l’ajout d’au moins un dessert sur le menu ne serait-il pas judicieux ? « Si tu manges un burger, tu peux prendre un cheese comme dessert ! », répond le représentant de la troisième génération dans un éclat de rire.

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