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La SQDC s’accorde un « sans-faute » malgré les pénuries

Même s’il prédit que la situation des stocks va « se détériorer encore un peu » au cours des prochains jours, le nouveau patron de la Société québécoise du cannabis (SQDC), Jean-François Bergeron, accorde un « sans-faute » à son équipe pour la mise sur pied de la nouvelle société d’État. Les problèmes d’approvisionnement sont imputables aux producteurs, plaide-t-il.

Problèmes d’approvisionnement pancanadiens

La SQDC dit que les six fournisseurs de cannabis avec lesquels elle a conclu des ententes ont honoré seulement 40 % des commandes qu’elle a passées auprès d’eux. Certains bons de commande avaient pourtant été envoyés dès le mois d’avril. « Nous faisons face à un problème d’approvisionnement, qu’on retrouve actuellement dans toutes les provinces canadiennes, peu importe le modèle de vente. Nous, au Québec, on le savait que l’offre des producteurs ne serait pas à la hauteur. C’était écrit dans le ciel », affirme M. Bergeron, qui a remplacé le PDG Alain Brunet la semaine dernière. Selon lui, même si certaines usines sont prêtes à augmenter leurs récoltes, la capacité de production autorisée par Santé Canada est loin d’être encore suffisante pour alimenter le marché. « Santé Canada fait une bonne job pour accréditer les producteurs, c’est un produit qui n’est pas sans conséquence, et on ne veut pas qu’ils escamotent le processus, mais s’ils le font plus vite, ce sera tant mieux. »

« Ils ne sont pas de mauvaise foi »

Sans donner de détails, pour préserver la confidentialité des contrats, le nouveau patron de la SQDC reconnaît que des clauses particulières pourraient être utilisées pour forcer les producteurs à respecter leurs engagements. « On va éventuellement commencer à sévir, mais je ne vais pas sortir le fouet après deux semaines. Ça ne donnerait rien à ce moment-ci : les producteurs n’ont pas de stocks, ils ne sont pas de mauvaise foi », assure M. Bergeron.

Pas d’amélioration avant six mois

Le nouveau patron de la SQDC, qui a été au cœur des négociations avec les fournisseurs, souligne que plusieurs serres qu’il a visitées étaient encore en construction en août dernier. « Mon impression, c’est que les producteurs ont dû puiser dans leurs inventaires pour arriver à livrer la marchandise, et je pense que ça va se détériorer encore un peu », admet-il.

« Après un premier trimestre, on va déjà être ailleurs, mais ça va prendre un bon six mois avant que ça se règle. »

— Jean-François Bergeron, patron de la SQDC

Il estime malgré tout que la SQDC a une position privilégiée dans le marché. « On est le deuxième plus gros acheteur [après l’Ontario]. Les producteurs en sont très conscients. Quand je lève la main, c’est sûr que si les producteurs ont des capacités, j’ai de la traction », dit-il.

« C’est un sans-faute »

Jean-François Bergeron soutient que les prévisions de vente sur lesquelles la SQDC s’appuyait se sont révélées justes. « On s’était dit que ce serait 30 % des ventes sur le web et 70 % en succursale, et c’est ce qu’on a depuis le début. On avait prédit 1000 commandes par jour dans chacune des 12 succursales, et 4000 commandes par jour sur le web. On était rendus exactement là ce week-end. Nos succursales marchent, le web n’a pas manqué. À part quelques petits glitchs à gauche et à droite, pour une start-up de cette envergure, c’est un sans-faute », dit-il.

85 $ par panier d’achat moyen

Selon la SQDC, les ruptures de stock n’ont pas nécessairement eu un impact important sur les chiffres de vente. Le roulement des stocks a fait en sorte que les clients ont toujours pu se rabattre sur d’autres produits. « Au départ, on pensait que ce seraient les produits les moins chers qui sortiraient, et ce n’est pas le cas. Le panier moyen des premières journées est autour de 85 $ », note M. Bergeron.

« Les huiles et les atomiseurs sont plus populaires qu’on pensait, et ces produits peuvent se vendre jusqu’à 110 $. »

— Jean-François Bergeron

Les données de vente ne permettent pas de prendre beaucoup de recul, reconnaît-il, mais les produits les plus vendus tendent à être ceux qui affichent le plus haut taux de THC, la molécule euphorisante du cannabis, note M. Bergeron.

Place aux microproducteurs québécois

La SQDC affirme qu’elle lancera bientôt un nouvel appel d’offres à la suite duquel elle pourrait recruter de nouveaux fournisseurs. « On veut faire rentrer des producteurs québécois, des microproducteurs qui vont par exemple alimenter une seule succursale dans leur région », explique M. Bergeron.

Des problèmes avec le poids des produits ?

La SQDC assure par ailleurs avoir pris très au sérieux les plaintes de plusieurs acheteurs qui disent avoir reçu des produits au poids inférieur à ce qui était promis. « J’ai un chimiste qui a été dégagé, et on s’est mis à faire de l’échantillonnage. Après vérification, il n’y a aucun produit qui est inférieur aux normes tolérées par Santé Canada », soutient M. Bergeron. Dans les pires cas, les produits avaient un poids inférieur d’environ 5 % à ce qui était annoncé. « La loi autorise ces écarts de plus ou moins 5 % sur les sacs de chips et les sacs de patates. Mais nous avons quand même communiqué avec nos fournisseurs pour leur demander de mettre leurs montants plus élevés pour s’assurer qu’ils soient dans le haut de la fourchette », indique-t-il.

achat de cannabis par un mineur de 16 ans

« Inacceptable », dit la ministre fédérale de la Santé

Ottawa et Montréal — La ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, juge « inacceptable » qu’un mineur de 16 ans ait pu commander des produits de la Société québécoise du cannabis (SQDC) et récupérer la marchandise au comptoir postal de son quartier sans le moindre problème.

Mme Petitpas Taylor, qui a piloté le dossier de la légalisation du cannabis à des fins récréatives pour le gouvernement Trudeau, a indiqué que Postes Canada serait rappelée à l’ordre pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir.

La Presse a révélé hier matin avoir pu constater, avec l’aide de Julien, un cobaye de 16 ans, que les règles édictées par la SQDC pour éviter que les mineurs aient accès au cannabis étaient très faciles à contourner. Le jeune Julien a en effet commandé des produits de la SQDC sur le web et les a facilement récupérés au comptoir postal de son quartier.

« La vente de cannabis à des mineurs est inacceptable. Je suis très contente que la province de Québec ait déjà fait un suivi auprès de Postes Canada. Encore une fois, c’est inacceptable. »

— La ministre Ginette Petitpas Taylor, en entrevue avec La Presse à l’issue d’une réunion du cabinet

« Nous ne voulons pas que cela se reproduise au Québec ou ailleurs. C’est toujours une possibilité. Je suis convaincue que les provinces et les territoires prennent cette question très au sérieux. Nous sommes allés de l’avant avec la légalisation justement pour s’assurer que les jeunes n’aient pas accès au cannabis. Quand j’apprends que des incidents de ce genre arrivent, je ne suis pas contente », a-t-elle aussi affirmé.

La ministre a indiqué que son bureau avait soulevé dès hier matin ce dossier avec le bureau de la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Carla Qualtrough, qui est aussi responsable de la société d’État Postes Canada.

Un jeu d’enfant

Dès le jour de la légalisation du cannabis, le 17 octobre, Julien – La Presse lui a donné un pseudonyme afin de protéger son identité – s’est rendu pour le quotidien sur le site de la SQDC afin de faire sa commande. Deux joints préroulés de marque Aurora, qui sont, à 10,90 $, l’un des produits les moins chers de la SQDC. Il a bien sûr menti sur son âge, devançant sa date de naissance dès son entrée sur le site. Plutôt que 2002, il a inscrit 1999.

Pour commander, il faut évidemment avoir accès à une carte de crédit, ce que n’ont pas la plupart des mineurs. Cependant, on a tablé sur le fait qu’il aurait pu « emprunter » la carte de ses parents, ou encore d’un frère ou d’une sœur aînés. Julien a donc fait sa commande le 17 octobre, avec un délai de livraison de deux à cinq jours ouvrables.

Le mardi suivant, la commande est arrivée. Le facteur a réclamé la présence de Julien. Lorsqu’on lui a répondu qu’il n’était pas sur place, le facteur a erronément indiqué qu’il lui était impossible de livrer le colis, puisque le client devait obligatoirement être présent et montrer une carte d’identité établissant son âge (le colis aurait pu être remis à n’importe quel adulte présentant une pièce d'identité, nous a assuré lundi la SQDC). Le carton d’absence a donc été laissé au domicile de Julien.

Quelques jours plus tard, l’adolescent s’est présenté au comptoir de Postes Canada de son quartier, dans le nord de Montréal. Lorsqu’il a donné le carton d’absence laissé par le facteur, on lui a demandé une pièce d’identité. Il a présenté sa carte d’assurance maladie, où la date de naissance était évidemment visible. La commis lui a tout de même remis son paquet, en lui faisant signer dans un espace où la mention « 18+ » était pourtant bien en évidence.

Julien a donc pu repartir, sans plus de questions, avec ses deux joints préroulés.

« J’ai été vraiment surpris qu’elle me donne mon colis après avoir vu ma carte d’assurance maladie. »

— Julien, 16 ans

Précisons que nous n’avons évidemment pas laissé le cannabis entre les mains du jeune homme : le produit a été remis à La Presse.

« C’est une situation inacceptable », a déclaré d’emblée Mathieu Gaudreault, porte-parole de la SQDC, interrogé par La Presse sur cette situation. « La question de l’éthique de vente est au cœur de notre mandat. Tous nos mandataires ont reçu des consignes très claires au sujet de la validation de l’âge. Nous avons des attentes très élevées envers nos mandataires. Ils ont été mis au courant de l’importance de cet enjeu et on va le leur rappeler. »

L’appel d’offres de la SQDC, remporté par Postes Canada, précise clairement que l’adjudicataire doit effectuer « la validation en tout temps de la preuve d’âge avant de remettre le colis au client ou à la personne majeure mandatée à la récupération du colis au nom du client ». On précise que les pièces admises sont le permis de conduire, le passeport ou la carte d’assurance maladie.

« L’adjudicataire doit s’assurer de respecter cette exigence névralgique et nous entendons effectuer des audits nécessaires en ce sens », explique M. Gaudreault.

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