Olympisme

Brassard dénonce « l’omerta » au COC

L’un des athlètes les plus influents du mouvement olympique canadien fustige le Comité olympique canadien (COC) et sa gestion de l’affaire Marcel Aubut. Jean-Luc Brassard menace même de démissionner comme chef de mission des Jeux de Rio si rien n’est fait pour expliquer aux employés ce qui s’est réellement passé.

« Je demande au COC d’être transparent, d’expliquer à ses employés ce qui est arrivé, a expliqué Brassard en entrevue à La Presse. En dernier recours, si j’ai un jour à démissionner, j’ai assez de témoignages pour faire trembler les colonnes du temple. »

« Ce que je demande à l’exécutif et à la direction, c’est de dire franchement ce qui s’est passé, au nom des employés qui ont payé un prix de leur chair et de leur corps. Et ça, c’est inacceptable », lâche Brassard.

Hier, à l’émission Gravel le matin à la radio de Radio-Canada, Brassard a dévoilé avoir envoyé une lettre aux dirigeants du Comité olympique canadien (COC) il y a 10 jours. Dans cette lettre, il explique que le rapport dévoilé par le COC en janvier n’est selon lui pas suffisant.

« Pendant cinq ans il y a eu des lumières rouges qui se sont allumées constamment. Les femmes s’appelaient pour se cacher quand Marcel Aubut arrivait, ça en dit long. Pourtant, rien n’a été fait, déplore Brassard. C’est dur de savoir ce qui s’est passé parce qu’il y a une omerta dans cette organisation-là. En gardant cela comme une omerta, loin des yeux du public, on laisse place à la rumeur. »

RENCONTRE EN FIN DE SEMAINE

La sortie de l’ancien médaillé olympique a fait réagir le COC, dont le conseil d’administration se réunit en fin de semaine. « Toutes ces questions figurent à l’ordre du jour et seront au cœur de nos discussions », a déclaré la présidente de l’organisme, Tricia Smith, dans un courriel à La Presse.

« Jean-Luc comprend que je prendrai les décisions difficiles qui s’imposent pour faire en sorte que notre organisation soit celle qu’elle doit être : une organisation qui garantit à son personnel, à ses athlètes et à la communauté tout entière un environnement sain et sécuritaire », a-t-elle ajouté.

Jean-Luc Brassard connaît bien le COC. Il a été chef de mission adjoint à Sotchi. Il a aussi été nommé chef de mission en vue des Jeux d’été de Rio qui auront lieu en août.

Marcel Aubut a d’abord été suspendu de son poste de président du COC suite à une plainte de harcèlement en janvier. Puis le célèbre avocat a démissionné et a présenté ses excuses. Depuis, Brassard dit avoir tenté de comprendre ce qui s’était réellement passé.

« J’ai eu le privilège de parler à certaines employées qui m’ont dit ce qu’elles ont vécu. C’était devenu une évidence que je devais prendre position. Elles ont eu la peur au ventre », dit-il.

« Pour une femme, dénoncer le harcèlement, c’est risquer d’entrer dans la catégorie des fauteurs de troubles. Elles finissent souvent par perdre leur job et ont de la misère à en trouver une autre parce que les employeurs disent "elle, c’est une folle" », dénonce Brassard.

DES DOUTES SUR OVERHOLT

Par ailleurs, le chef de mission admet que sa confiance envers l’actuel chef de la direction du COC, Christopher Overholt, est ébranlée. En janvier dernier, La Presse a révélé que M. Overholt était au courant des comportements déplacés de Marcel Aubut depuis 2011. Il avait même participé à une réunion pour discuter avec lui de « sérieuses allégations », selon une lettre confidentielle obtenue.

Toujours en janvier, deux dirigeants et un gestionnaire du COC ont été congédiés en rapport avec « l’affaire Aubut », mais M. Overholt a conservé son emploi.

« Ma confiance envers Christopher est diminuée. Je sais qu’il s’est expliqué aux employés de Montréal. Je n’ai pas assisté aux explications. À la lumière de l’article de La Presse, on sait qu’il a participé à une rencontre avec Marcel Aubut, mais qu’après il a gardé ses mains dans ses poches. Pendant quatre années, il n’a pas fait grand-chose pour régler ce problème-là. »

Brassard se demande si Overholt n’a pas « été victime d’intimidation » pour garder le silence sur les agissements d’Aubut.

Le chef de mission remplit aux Jeux un rôle d’ambassadeur et de motivateur. Il s’agit d’un poste bénévole. « Puisque cette crise arrive pendant mon mandat, je ne vais pas me mettre la tête dans le sable, par respect pour les employées », dit Brassard.

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