Chronique

Questions (sans réponse) pour une championne

Est-ce que Julie Snyder plante une pancarte à vendre devant la société qu’elle a fondée en 1997 ? Non. Est-ce que la démone de TVA démissionne de ses fonctions de présidente de Productions J ? Non plus.

Est-ce qu’elle se retire du showbiz en raison de ses liens amoureux avec le nouveau chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, qu’elle épousera en août ? Toujours non. Est-ce que l’animatrice du Banquier se prépare, elle aussi, à sauter dans l’arène politique ? Encore non.

Est-ce que Julie songe à poursuivre le gouvernement de Philippe Couillard, qui prive dorénavant son entreprise de précieux crédits d’impôt ? Même réponse : non.

Concrètement, personne ne sait ce qui découlera de l’annonce faite hier après-midi par Julie Snyder, à savoir qu’elle abandonnait, pas du tout par choix, elle l’a martelé plusieurs fois, les productions télévisuelles chapeautées par son entreprise. Tout ça, en raison de sa situation conjugale, insiste-t-elle.

La suite du parcours professionnel de Julie demeure extrêmement floue. Par exemple, qu’adviendra-t-il de la téléréalité Vol 920 pilotée par Yan England, qui doit décoller en septembre, ou des auditions de la quatrième saison de La voix ? Mystère. Chose certaine, TVA mise énormément sur ces deux canons pour engranger des recettes publicitaires. Et pas question de les annuler.

Si Productions J n’exploite plus les franchises d’Accès illimité, La voix ou Vol 920 à partir de ce matin, qui s’en occupe ? Allez savoir. En conférence de presse, dès que les questions se précisaient, Julie Snyder, 47 ans, buvait une gorgée d’eau, comme pour reprendre ses esprits, et s’en remettait aux déclarations officielles imprimées sur les feuilles étalées devant elle.

C’est évident que la fougueuse animatrice aurait aimé en dire davantage aux reporters assis devant elle. Julie Snyder, comme Fabienne Larouche, ne se défile jamais. Elle répond aux critiques en pondant des lettres ouvertes percutantes. Elle monte constamment au créneau pour les causes qui lui tiennent à cœur (traitements de fertilité, allaitement, végétarisme, souveraineté, mouvement des Janette). Bref, que l’on aime ou pas son style survolté, Julie Snyder est une battante.

Hier, ce n’est pas du tout l’image d’une guerrière qu’elle a présentée aux caméras. Julie Snyder, avec une demi-heure de retard, s’est installée au micro avec un air d’enterrement et un filet de voix. Elle s’est quasiment cachée derrière les quatre alliés (le producteur Roger Frappier, l’avocate Sylvie Schirm, l’auteure Léa Clermont-Dion et l’ancien président de la SODEC Pierre Lampron) venus témoigner en sa faveur, des alliés dont elle n’avait aucunement besoin, soit dit en passant. Leurs témoignages n’ont rien apporté de bien transcendant.

La championne des cotes d’écoute au Québec a essuyé des larmes à plusieurs reprises, notamment quand elle a abordé sa séparation d’avec le secteur télé de Productions J. « C’est super dur, c’est mon bébé. C’est comme donner un bébé à quelqu’un d’autre », a-t-elle constaté.

Une mère à qui on arrache le bébé de force aurait tendance à être pas mal plus combative, non ? C’est ce qui me fait croire que l’annonce d’hier s’inscrit dans une stratégie d’attaque pas mal mieux orchestrée que ce qui a été transmis aux médias.

Cette histoire de crédits d’impôt torpillés est complexe et potentiellement explosive sur le plan politique. D’où cette prudence extrême affichée par Julie Snyder.

Ne l’oublions pas : la société Productions J, qui brasse des millions, a eu plusieurs mois pour élaborer un plan B. Car Julie Snyder sait depuis la fin mars que le banquier gouvernemental lui retirera son offre. C’est évident que des pistes de solution ont été explorées, même si Julie Snyder ne les a pas évoquées publiquement.

Pourrait-elle céder La voix en sous-traitance à un producteur de confiance ? Julie Snyder ne le sait pas encore. Ce qui compte présentement pour la démone, c’est de protéger le travail de ses collaborateurs et de placer son bébé télévisuel entre bonnes mains. Et qui possède de « bonnes mains » au Québec ? Choisissez la réponse : je ne sais pas, je ne peux pas répondre tout de suite ou j’en ai aucune idée. Ce fut comme ça pendant de longues minutes, peu importe la formulation des questions.

Ce qui est intrigant, c’est qu’entre octobre 2008 et février 2014, Productions J a fonctionné sans les fameux crédits d’impôt, et personne n’a frôlé la faillite. À l’époque, se défend Julie Snyder, la vente de disques rapportait beaucoup plus d’argent et la division spectacles de Productions J épongeait les pertes de la télé.

Autre élément à ne pas négliger dans l’affaire Snyder : la présence du stratège Louis Aucoin de la firme de relations publiques Octane, qui a habilement tiré toutes les ficelles hier après-midi. On a tous vu Mirador. Quand un spin doctor débarque, c’est signe que quelque chose de gros mijote. Quoi exactement ? Choisissez la réponse : je ne sais pas, je ne peux pas répondre tout de suite ou j’en ai aucune idée. C’est encore plus efficace (ou agaçant ?) qu’une pub de 30 secondes pendant Le banquier.

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