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Édition du 25 janvier 2017,
section ACTUALITÉS, écran 10
Une équipe de chercheurs de la Direction de santé publique de Montréal rend publics aujourd’hui les résultats de sa recherche qui a permis de cartographier les secteurs présentant une grande concentration de risque. Les Montréalais les plus vulnérables par rapport aux problèmes de jeu habitent dans Parc-Extension, La Petite-Patrie, Saint-Michel, Centre-Sud, Hochelaga-Maisonneuve et Pointe-Saint-Charles, où ils sont six fois plus exposés aux ALV que les autres résidants de l’île et où l’accessibilité à des points de vente de loterie est élevée, comme le démontrent les secteurs orange et rouges dans la carte ci-dessous.
Dans certains secteurs de Montréal où il y a une forte densité de population, l’accessibilité aux ALV est en moyenne de 300 mètres, c’est-à-dire qu’une personne n’a qu’à marcher trois minutes pour se rendre de chez elle à un bar ou à un restaurant qui exploite des ALV. L’intégration des ALV « dans les milieux de vie rend ces activités de jeu propices à ce qu’elles s’inscrivent dans les habitudes de vie des individus, en plus d’en assurer de facto une visibilité dans l’espace public », peut-on lire dans l’étude.
Pour obtenir le portrait le plus précis possible de la situation qui prévaut dans l’île de Montréal, les chercheurs ont superposé plusieurs facteurs de risque qui composent l’indice de vulnérabilité aux problèmes de jeu : concentration de personnes sans diplôme, vivant sous le seuil de faible revenu, vivant seules, sans emploi, fréquentant les refuges et les lieux de thérapie pour trouble de jeu, ainsi que les hommes âgés de 18 à 44 ans. « Quand on ajoute une variable, ça n’augmente pas le problème, ça permet de raffiner l’analyse », explique le chercheur Jean-François Biron.
Comme le rappelle l’étude, « les ALV sont fortement associés à des pratiques de jeu préjudiciables et au trouble de jeu (jeu pathologique) ». Ils favorisent les excès qui ont des conséquences sur les joueurs, mais également sur leur famille. Ils génèrent des risques pour la santé physique et mentale, pour la qualité de vie, les finances personnelles, l’emploi, les relations amoureuses et sociales. C’est pour mieux anticiper ces risques que la Direction de santé publique de Montréal a décidé de mesurer l’accessibilité et la vulnérabilité des populations par rapport aux ALV.
Année après année, les ALV génèrent environ la moitié des profits de Loto-Québec. Ce n’est toutefois que 4 % de la population adulte du Québec qui s’y adonne. En comparaison, 61 % des Québécois achètent des billets de loterie, ce qui représente 35 % des profits de la société d’État. Quant au pourcentage de joueurs problématiques, il diffère d’une catégorie à l’autre : 3 % chez les acheteurs de Lotto Max, Banco et autres Lotto 6/49, alors qu’on en compte 16 % chez les adeptes des ALV.
La DSP a adopté une approche environnementale, c’est-à-dire que l’on a pris en compte plusieurs éléments qui expliquent la problématique. Ainsi, la présence de points de vente de loterie dans de nombreux dépanneurs, épiceries et pharmacies est présentée comme un incitatif à la participation aux jeux de hasard et d’argent. L’étude souligne d’ailleurs que dans les zones les plus vulnérables, la distance moyenne pour se rendre dans un endroit où l’on vend des billets de loterie n’est que de 193 mètres, comparativement à 795 mètres dans les secteurs les moins vulnérables.
Quatre recommandations concluent l’étude : que les secteurs montréalais les plus à risque soient pris en compte dans le plan de retrait des ALV ; qu’une étude indépendante établisse le nombre d’ALV nécessaire pour « freiner les activités de jeu illégal sans exacerber les risques pour la qualité de vie des populations » ; que l’offre de jeu et ses impacts potentiels soient suivis à la trace par le ministère de la Santé ; qu’un monitorage systématique du respect des règlements dans les sites d’ALV soit mis en place.
Québec souligne que « les conclusions du rapport d’étude […] rejoignent l’analyse qui a été faite avec Loto-Québec » pour le plan de réduction des ALV, annoncé en décembre dernier. « Cela confirme donc les orientations retenues pour prioriser nos actions et l’objectif d’arriver à un nombre inférieur à 10 000 ALV dans le réseau des bars en diminuant le nombre d’appareils prioritairement dans les secteurs jugés vulnérables. Cependant, Loto-Québec doit le faire en s’assurant d’un équilibre afin de ne pas favoriser l’émergence d’appareils illégaux », a-t-on précisé.