Ironman 70.3 Mont-Tremblant

Jean-Philippe Leclerc
Frôler la mort, viser le podium

Dimanche, plus de 3000 athlètes prendront part à l’Ironman 70.3 de Mont-Tremblant. Des sportifs de tous les horizons et de tous les âges tenteront d’y repousser leurs limites. Aujourd’hui et demain, nous vous présentons l’histoire de quelques participants au parcours inspirant.

C’était il y a cinq ans, en 2012. Alors qu’il nageait au milieu du lac Mirror, à Lake Placid, tout s’est mis à tourner autour de Jean-Philippe Leclerc. Le ciel bleu, la surface de l'eau, les arbres au loin valsaient dangereusement devant ses yeux. Il s’explique mal comment il a réussi à rejoindre la rive. L’instinct de survie ? Sur la plage, il a été pris de violents vomissements, incapable de se tenir debout. Un vertigo, a-t-on cru à tort à l’hôpital, où on l’a conduit d’urgence. Son état n’a fait que décliner. Pendant des mois.

« J’étais en train de mourir peu à peu. Personne ne savait ce que j’avais, mais ma santé se détériorait à vue d’œil », confie le Montréalais de 35 ans. Pertes d’équilibre constantes, fatigue chronique, maux de tête, vomissements. Rien n’allait plus dans la vie de ce triathlète aguerri. Il a peu à peu cessé de nager, de courir, de rouler.

« Dès que je tournais la tête, j’étais pris de vertiges. Je devais m’accrocher au bras de ma copine pour me lever de table, sinon je risquais de tomber. Au travail, j’allais dormir dans les toilettes. Je vomissais dans une petite poubelle à côté de mon bureau. Même un raisin, ça ne rentrait plus. Je maigrissais, ma vue baissait. Je n’étais même plus capable de regarder la télé, plus capable d’écrire. »

Repartir à zéro

Prescrit par une urgentologue, un examen de tomodensitométrie (scan) a finalement dissipé tout mystère.

« Elle m’a annoncé que j’avais une tumeur au cerveau. Je me voyais déjà mort. »

— Jean-Philippe Leclerc

La masse, qui s’est révélée non cancéreuse, était si grosse qu’elle écrasait son cervelet et certaines régions du cerveau. Elle bloquait la circulation du liquide céphalo-rachidien. « Je souffrais de migraines monstres, ça frôlait l’évanouissement. »

Rapidement, il a fallu retirer la menaçante excroissance. La délicate intervention s’est déroulée en septembre. Un succès. « Parce que j’étais déjà en grande forme, que j’avais un mental d’athlète et que je suis fonceur, la réadaptation s’est faite rapidement », explique-t-il. Natif de Jonquière, il a vécu sa convalescence au Saguenay, auprès de sa mère et de sa copine.

« Au début, ma blonde devait me laver à la débarbouillette, je marchais avec une marchette. Je repartais de zéro. Je me sentais comme un vieillard de 90 ans, j’avais perdu beaucoup de masse musculaire, mon cou était atrophié. Je n’avais aucune concentration, aucun équilibre. »

Peu à peu, la vie a repris son cours normal. « J’ai décidé de courir tranquillement, sans montre. Je voyais les choses différemment. J’étais tellement heureux de pouvoir respirer, regarder, courir et manger. »

Reprendre le triathlon, c’était hors de question. « J’avais eu une expérience tellement mauvaise que j’en avais gardé un traumatisme. » Il s’est inscrit à quelques courses, a fait de bons résultats, et la roue a recommencé à tourner. Il a remis sa montre. Est remonté en selle. Et a plongé. Comme avant.

Paternité et longue distance

« Je suis excessif et intense. J’aime pratiquer trois sports à la fois, c’est là que je performe. Je n’aime pas que le triathlon, j’aime le triathlon longue distance, précise-t-il. Ce sont deux univers différents. » 

« Sortir pour un événement d’une heure, ça ne m’intéresse pas. Ce qui me plaît, ce sont les défis de taille, les longs entraînements, le volume, le millage. Je suis très tough, c’est payant. »

— Jean-Philippe Leclerc 

Cette année, il doit cependant mettre la pédale douce. La santé, ça va. C’est plutôt la vie qui le rattrape : il est père depuis trois mois. Il travaille chez Bombardier, il entraîne des athlètes pour Bart Coaching. Il a donc choisi de mettre une croix sur les compétitions Ironman.

« Si je veux être présent pour mon bébé et aider ma blonde, je ne peux pas tout faire, dit-il sans regret. Avec le temps que j’ai présentement pour l’entraînement, je ne serais pas à la hauteur. Je me verrais mal participer sans résultats satisfaisants, puisque je suis très compétitif. »

Une participation au demi-Ironman est plus réaliste, plus motivante. « J’optimise tous mes entraînements. Je donne le biberon à 1 h, la nuit, ou à 4 h. Après, je peux rouler seul ou m’entraîner en groupe. Je cours à l’heure du lunch au bureau. Je me couche très tôt, je me sens en pleine forme. La shape est là. » Il s’entraîne moins, mais mieux, croit-il.

Jean-Philippe est monté sur le podium (dans son groupe d’âge) à deux reprises en deux ans. L’an dernier, il a fait un chrono de 4 h 28 min, pour une médaille d’or chez les 34-39 ans. Un troisième podium ? « C’est mon objectif. Trois en trois, avec un jeune bébé, ce serait merveilleux. Mais on ne sait jamais, le vent peut se lever, je peux avoir une crampe ou faire une erreur de nutrition. » Rien n’est acquis. Il le sait, désormais, plus que jamais.

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