Hockey

Bob Cole, 48 ans plus tard

Quand les plans du Centre Bell ont été dessinés, il a été consulté au sujet de l’emplacement des cabines des descripteurs. Quand Wayne Gretzky a été échangé des Oilers aux Kings, c’est lui qui a annoncé la nouvelle à Grant Fuhr.

Pendant la Série du siècle de 1972, en pleine guerre froide, l’entraîneur-chef des Soviétiques, Vsevolod Bobrov, lui a levé son verre. À son retour d’URSS, il était dans l’avion du premier ministre de l’époque, Pierre Elliott Trudeau, pour rentrer à la maison, à Terre-Neuve.

S’il ne fume plus aujourd’hui, c’est grâce aux bons conseils de Pat Burns.

Si les phrases les plus marquantes de Bob Cole sont aujourd’hui connues de la plupart des amateurs de hockey, sa vie l’est moins. Le vénérable descripteur de la CBC l’a racontée dans Now I’m Catching On, une biographie rédigée par le collègue Stephen Brunt, de Sportsnet, et parue ces derniers mois.

On y découvre donc le parcours d’un homme né à Terre-Neuve – à l’époque où l’île n’était pas encore une province canadienne ! – et qui pratique encore son métier, 48 ans après avoir décrit son premier match à la radio, et plus de 35 ans après son premier match télévisé. On peut maintenant l’entendre sur les ondes de Sportsnet et de la CBC, qui diffusent des rencontres en simultané le samedi.

On parle souvent de l’évolution du hockey, d’un sport qui se joue de plus en plus rapidement. S’il y a une personne qui est bien placée pour en juger, c’est bien Bob Cole ! Il a essentiellement tout vu depuis l’expansion de 1967.

« Pour un descripteur, l’idée est de rendre le match fluide, et c’est plus dur de le faire quand le jeu est plus rapide. Dans un espace de 5000 pi2, tu as cinq joueurs d’une équipe qui attaquent six joueurs adverses, et il y a quatre arbitres. Le rythme est incroyable ! »

— Bob Cole, en entrevue téléphonique avec La Presse

« Doug Harvey était le meilleur défenseur de son époque. Il prenait la rondelle, arrivait derrière le but, s’arrêtait et restait là de longues secondes. Aujourd’hui, personne ne s’arrête. Les présences durent 30, 40, 50 secondes. J’ai fait des matchs où il y a des séquences 7-8 minutes sans sifflet. Ça veut donc dire qu’il y a une vingtaine de changements de joueurs pendant la même séquence ! On ne voit plus de Rocket Richard qui explose à l’aile, de Gordie Howe qui arrive avec ses grandes enjambées. On ne voit plus ça, car l’ensemble du jeu est trop rapide pour permettre ça. »

S’adapter aux changements

À l’époque où Bob Cole a commencé à travailler en permanence à la télévision, pour les matchs des Maple Leafs à la CBC en 1981, la qualité de l’image n’était évidemment pas celle d’aujourd’hui. De plus, le nombre de caméras était limité.

« Le téléspectateur aujourd’hui voit mieux le match qu’un commentateur. On est si loin de l’action, surtout à des endroits comme Pittsburgh. C’est dur, ça exige beaucoup de concentration, de préparation et d’anticipation, pour transmettre au téléspectateur le rythme du match. »

— Bob Cole

« Tu dois penser les jeux à l'avance. Au Centre Bell, par contre, on voit parfaitement, on est près de la glace, des baies vitrées, on voit d’en haut. Tu peux sentir le match et la foule aide aussi à cet égard. »

Les changements technologiques se mesurent aussi quant à la propagation de l’information. « Aujourd’hui, tout le monde sait tout sur les joueurs, sur leur enfance, leur famille », note-t-il, un brin nostalgique. C’est que Cole a décrit à la radio la Série du siècle, là où tout était à apprendre : l’identité des joueurs, la prononciation de leur nom, leur style de jeu. En tant que commentateur, Cole avait un travail d’éducation à faire, ce qui est moins le cas aujourd’hui.

« Il y avait un élément de surprise quand les Soviétiques sont débarqués à Montréal. Oui, on avait vu quelques vidéos. Mais ils avaient leur propre système, leur propre approche. C’était mystique de les voir arriver au Reine Elizabeth. Ils avaient l’air frais, malgré le long voyage. Ça faisait un peu peur. C’était vraiment formidable. On n’aura jamais une autre série du genre, c’était un rêve devenu réalité. J’ai des frissons à y repenser. L’élément de surprise à cette époque faisait partie de l’excitation. »

Enfin, un autre changement, survenu au tout début de sa carrière, lui a aussi donné des maux de tête !

« À mes débuts à la radio, Danny Gallivan me disait que les casques allaient compliquer notre travail. Je l’ai compris à mon premier match en séries. Je décrivais un match des Blues de St. Louis et je voyais les joueurs pour la première fois à l’échauffement. Je prenais des notes. Je notais par exemple que Red Berenson et Terry Crisp étaient roux, donc ça m’aidait à les identifier, puisqu’ils n’avaient pas de casque. Mais quand ils sont revenus sur la patinoire pour le match, ils avaient tous des casques ! Ça m’a appris à me trouver d’autres trucs. »

Malgré ces évolutions, Bob Cole n’a toujours pas l’intention de s’arrêter. Comme tout bon vétéran du hockey, il dit y aller « une saison à la fois ». En attendant la retraite, il continue à faire ce qu’il a toujours fait : encore aujourd’hui, il réécoute ses descriptions et fait chaque semaine l’aller-retour entre Terre-Neuve et la ville où il est appelé à décrire un match.

Comme le hockey, Bob Cole n’a pas vraiment changé.

1976

« They’re going home ! »

Les affrontements entre les joueurs de la LNH et les Soviétiques dans les années 70 ont créé leur part de moments inoubliables et Bob Cole a été au centre de l’un d’eux. L’Armée rouge affronte les Flyers au Spectrum le 11 janvier 1976, à une époque où les « Broad Street Bullies » frappaient les adversaires avec à peu près tout sauf la bonne vieille chaise de métal. En première période, au terme d’une séquence particulièrement robuste, au cours de laquelle Bill Barber et Ed Van Impe distribuaient leur part de coups de coude et de bâton, l’entraîneur-chef de l’Armée rouge, Konstantin Loktev, ordonne à ses joueurs de rentrer au vestiaire. « They’re going home », répétera Cole trois fois de suite.

1991

« Oh baby ! »

Revenons à du hockey un peu plus gracieux. En 1991, les Penguins sont en quête de leur première Coupe Stanley et les voilà rendus en finale, propulsés par un Mario Lemieux en train de bâtir sa légende. Dans le deuxième match, il inscrit un but que l’on voit encore 25 ans plus tard. Le 66 sert une tasse de café au défenseur Shawn Chambers, avant de sortir Jon Casey de ses jambières. « Oh baby ! », s’exclame Bob Cole.

2002

« Surely, that’s gotta be it »

En 2002, le Canada a soif de médaille d’or. Après avoir raté sa chance à Nagano en 1998 lors du premier tournoi olympique organisé avec une panoplie de joueurs de la LNH, le pays a la chance de se racheter quatre ans plus tard. Pour y parvenir, le Canada doit toutefois battre les États-Unis devant le public américain de Salt Lake City. Les unifoliés mènent 4-2 quand Joe Sakic s’amène en échappée et enfile le but d’assurance avec moins de deux minutes à jouer. « Surely, that’s gotta be it », lance Bob Cole.

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