Étude sur la sexualité des Québécois

Stigmatisation

« Des gens qui s’amusent à s’attacher en privé ou qui sont excités par des vêtements sont soudainement stigmatisés, dit Christian Joyal. On ne parle pas ici de gens qui ont des troubles mentaux, mais qui vivent une sexualité entre adultes consentants derrière des portes closes. Or, leur intérêt sexuel se retrouve, écrit noir sur blanc, dans un manuel de diagnostics en psychiatrie. Ça crée chez eux de la détresse, divers sexologues l’ont noté. Étiqueter comme anormaux des intérêts sexuels légaux peut être lourd de conséquences. »

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50 nuances de gris

« La sexualité, c’est 50 nuances de gris, illustre M. Joyal. Elle s’exerce dans un continuum dont on ne fait pas état dans le DSM-5. Il ne faut pas confondre le trouble mental et le comportement paraphilique. En cour, les avocats et les juges feront-ils la différence ? » Il explique : « Il y a présence de trouble psychologique seulement si le comportement sexuel est associé à une souffrance et un mal-être, s’il y a une fixité et une rigidité. » La récurrence, l’intensité et l’illégalité sont aussi à considérer. « Si on pratique le sadomasochisme avec un partenaire consentant le samedi, une fois de temps en temps, où est le problème ? »

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Fétichisme, exhibitionnisme et frotteurisme

Jusqu’à 44,5 % de la population exprime des fantasmes sexuels impliquant l’érotisation d’un objet ou d’une partie du corps, selon l’étude québécoise. Les femmes (47,9 %) ont davantage de désirs fétichistes que les hommes (40,4 %), même si ces derniers sont plus nombreux à expérimenter la pratique : 30,1 % des hommes contre 23,2 % des femmes. Parmi tous les répondants, le tiers (30,1 %) a déjà vécu un épisode d’exhibitionnisme en couple, tandis que le quart (26,1 %) a expérimenté le frotteurisme (recherche de contacts physiques avec des personnes non consentantes).

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Masochistes et comblées ?

Presque deux fois plus de femmes (23,7 %) que d’hommes (13,9 %) ont déjà fait l’expérience du masochisme. Une femme sur quatre (27,8 %) a des fantasmes de soumission. « On peut penser à un effet négatif de la pornographie, dans laquelle la femme est habituellement soumise, mais ce n’est pas si simple, dit Christian Joyal. Les femmes qui ont des fantasmes de soumission sont de loin celles qui sont les plus satisfaites de leur vie sexuelle. On voit aussi une corrélation presque parfaite entre le niveau d’éducation et la diversité des pratiques sexuelles. Est-ce donc anormal ? »

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Le DSM-5 fait fausse route

Puisque plusieurs attirances et pratiques sexuelles licites ne sont « ni rares ni inhabituelles », Christian Joyal est d’avis que le DSM-5 fait fausse route en les jugeant anormales. « On tente très malhabilement de définir la normalité des comportements sexuels. Si vous n’entrez pas dans leur petite case et que, de temps en temps, vous avez une attirance ou un comportement atypiques, vous êtes anormaux. Sur quelle base établissent-ils la norme sexuelle ? Ça relève d’un jugement de valeur plutôt que de données probantes. Certains intérêts paraphiliques sont plus communs que l’on croit », dit le chercheur. La perception de la sexualité est malléable et dépend de facteurs socioculturels, dit le chercheur. « Il y a 100 ans, le sexe oral était considéré comme un symptôme dégradant d’un trouble psychologique sévère. Dans les années 50, c’était illégal dans plusieurs États américains. C’est maintenant le fantasme numéro un tant chez les hommes que chez les femmes. »

Anormale, la sexualité des Québécois ?

Près du tiers des Québécois ont déjà fait l’expérience d’une pratique sexuelle jugée anormale dans le DSM-5, bible diagnostique des troubles mentaux, comme le masochisme ou le fétichisme. C’est ce que révèle une étude menée par des chercheurs de l’Institut Philippe-Pinel de Montréal, dont les résultats sont publiés dans The Journal of Sex Research. Le DSM-5 serait-il trop prude ?

Près du tiers des Québécois ont déjà fait l’expérience d’une pratique sexuelle jugée anormale dans le DSM-5, bible diagnostique des troubles mentaux, comme le masochisme ou le fétichisme. C’est ce que révèle une étude menée par des chercheurs de l’Institut Philippe-Pinel de Montréal, dont les résultats sont publiés dans The Journal of Sex Research. Le DSM-5 serait-il trop prude ?

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Le voyeurisme en tête

Près de la moitié (46,3 %) des Québécois sont excités à l’idée d’être voyeurs, tandis que le tiers (34,5 %) a déjà vécu une expérience du genre au moins une fois dans sa vie. Le voyeurisme émoustille particulièrement les hommes : la moitié (50,3 %) a déjà manifesté ce comportement sexuel et jusqu’à 60 % en expriment le désir. Chez les femmes, le tiers (34,7 %) souhaiteraient être voyeuses. « Même si c’est illégal, on voit que c’est un intérêt et une pratique répandus », note Christian Joyal, coauteur de l’étude et chercheur à l’Institut Philippe-Pinel. Il est aussi professeur en psychologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Les résultats de l’étude ont été obtenus en 2014 par téléphone et internet auprès de 1000 répondants, selon un échantillon représentatif de la population générale. L’objectif ? Déterminer la norme dans les désirs et expériences sexuels.

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