ÉDITORIAL MONTRÉAL

Une promenade… où ça ?

C’est raté.

La promenade fleuve-montagne qui relie les deux éléments les plus emblématiques de la métropole n’a rien d’emblématique.

En fait, la promenade n’a rien d’une promenade. C’est un coup de marketing, un branding accolé à un corridor qui n’existe que dans la tête de ses concepteurs… et sur le détail de la facture de 50 millions qu’a payée la Ville.

Tentez l’expérience ce week-end et vous le verrez tout de suite : peu importe si vous commencez votre marche à la montagne ou au fleuve, vous ne trouverez jamais le point de départ du parcours.

Vous descendrez les marches du mont Royal qui vous mènent à l’intersection Peel et des Pins, et vous ne trouverez pas la moindre mention de la promenade. Rien qui vous invite clairement à marcher vers la rue McTavish. Rien, sinon cette petite borne discrète sur laquelle on retrouve un triangle et l’altitude (93,7 m), sans qu’on sache à quoi ça rime.

Même scénario à l’autre extrémité, au fleuve. Le départ se fait sur le lieu de fondation de la ville, entre Pointe-à-Callière et le Vieux-Port. Encore une fois, pas de panneau ou d’indication évidente d’un point de départ de quoi que ce soit. Ceux qui cherchent trouveront un minuscule autocollant de forme triangulaire collé au sol… s’il est encore là lors de leur passage.

Pourquoi s’attarder autant à l’invisibilité du corridor à ses deux extrémités ? Parce que le reste est à l’avenant. Ce qui est censé être une « occasion déambulatoire unique » ne fait vivre au visiteur aucune expérience qu’il ne pouvait déjà vivre en déambulant au hasard de la ville.

Il y a certes un magnifique tronçon qui parcourt la rue McTavish de l’avenue des Pins à la rue Sherbrooke. La vue sur le centre-ville est à couper le souffle, le mobilier urbain est de qualité, la rue est embellie par un parcours sinueux et fleuri.

Mais il ne s’agit que de 500 des 3800 mètres du corridor. Tout l’argent a été dépensé là. Le reste du tracé a beau avoir le titre de « promenade », le visiteur qui en ignore l’existence risque de ne jamais savoir qu’il l’a croisée.

Les œuvres d’art sont trop peu nombreuses, en plus d’être discrètes (comme ces oriflammes perchées en hauteur sur Beaver Hall).

Les rares « placotoirs » et les fauteuils Adirondack ont beau être invitants, rien ne nous indique qu’ils s’inscrivent dans quelque chose de plus grand.

Le parcours relie le fleuve à la montagne, mais on n’y retrouve rien qui nous rappelle ces deux éléments.

Et la signalisation est d’une grande confusion, en plus de se perdre dans le décor : tantôt on suit des triangles de couleur, tantôt ce sont des pixels peints au sol, des bornes altimétriques ou des autocollants.

La Ville rétorque qu’elle souhaitait une intervention subtile, non agressive. Voilà une description qui s’applique bien à la Freedom Trail de Boston, un parcours historique balisé par une ligne rouge faite de briques. Mais la coûteuse promenade, elle, est davantage invisible que non agressive.

Bref, sans même rêver à un parcours à la High Line, ou à La Rambla, le visiteur ne peut qu’être déçu en arpentant cette promenade qui n’en est pas une.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.