Commissions scolaires

Nouveaux jeux de pouvoir en éducation

Québec abolira les élections scolaires telles qu’on les connaît, mais permettra que certains représentants soient élus au suffrage universel. La décision de déclencher ou non une élection reviendra aux parents. Hier, le ministre de l’éducation François Blais a déposé son très attendu projet de loi « modifiant l’organisation et la gouvernance des commissions scolaires ». Explications en questions et réponses.

Qui serait à la tête d’une commission scolaire, selon le projet de loi ?

Le conseil des commissaires serait remplacé par un conseil scolaire de 16 membres. Contrairement à la situation actuelle, le personnel des écoles serait représenté. Les parents auraient plus de sièges réservés et un droit de vote, pas seulement un droit de parole. Voici la composition d’un conseil scolaire : 

Cinq parents qui ont été membres pendant au moins un an d’un conseil d’établissement, d’un comité ou d’un conseil d’une commission scolaire ; élus lors d’une assemblée du comité de parents (ce dernier est formé d’un parent par école)

Un parent d’un élève handicapé ou d’un élève en difficulté, élu lors de l’assemblée du comité de parents

Un enseignant et un professionnel élus par leurs pairs lors d’une assemblée, à scrutin secret

Deux directeurs d’école, élus par leurs pairs

Six représentants de la communauté

Les élections scolaires sont-elles abolies, comme le gouvernement disait vouloir le faire ?

Sous leur forme actuelle, oui. Mais des élections ne disparaissent pas totalement. Le gouvernement Couillard veut abroger la Loi sur les élections scolaires. Par contre, les six représentants de la communauté pourraient être élus au suffrage universel. La possibilité de tenir des élections pour certains postes « nous a été fortement demandée lors de nos consultations », surtout dans le monde rural et les communautés anglophones, a expliqué François Blais.

Comment des élections seraient-elles possibles ?

Tous les parents seraient consultés afin de décider s’ils souhaitent que ces six personnes issues de la communauté soient élues au suffrage universel. Si le nombre de signataires en faveur d’une élection représente 15 % ou plus des parents de l’ensemble de la commission scolaire, des élections seraient déclenchées pour pourvoir les six postes. Si le seuil n’est pas atteint, les six représentants seraient nommés par l’entremise de l’assemblée du comité de parents. Et dans ce cas, le gouvernement demande que quatre des six postes soient réservés à des secteurs particuliers : le milieu de la culture ou des communications, le milieu municipal, le milieu des employeurs, le milieu du sport ou de la santé.

Quelle forme prendraient les élections éventuelles ?

Elles ne se tiendraient pas selon les règles du Directeur général des élections, contrairement à la situation actuelle. Le vote pourrait se faire par voie électronique, a dit le ministre. La commission scolaire devrait débourser le coût de l’élection, à même son budget. Un coût qui n’a pas été évalué par le gouvernement, a reconnu M. Blais. Il croit que, pour bon nombre des 72 commissions scolaires, il n’y aurait pas d’élection. Les commissaires actuels perdraient leur poste dans les 15 jours suivant l’adoption de la loi. Les nouveaux conseils scolaires seraient en fonction pour la rentrée de 2016.

Cette réforme entraînerait-elle des économies ?

Les membres des conseils scolaires n’auraient pas droit à une rémunération, contrairement aux commissaires actuels. Ces derniers touchent environ 11 millions par année. Par contre, Québec accorderait entre 1 et 2 millions aux membres des conseils scolaires à titre de remboursement de dépenses et de jetons de présence. Les élections scolaires coûtaient 15 millions tous les quatre ans.

Les écoles auraient-elles plus de pouvoir ?

Oui. Les directions d’école sont les « grandes gagnantes » de la réforme, selon le ministre Blais. Par exemple, chaque commission scolaire devrait créer un comité sur la répartition des ressources où les directions d’école seraient majoritaires. Les enveloppes budgétaires seraient également transférées directement aux écoles. Les pouvoirs du conseil d’établissement sont clarifiés pour lui permettre de définir sans entrave le projet éducatif de son école.

Le ministre, lui, se donne-t-il de nouveaux pouvoirs ?

Oui. Il pourrait « recommander ou ordonner » à une commission scolaire « de se soumettre à des mesures de surveillance ou d’accompagnement ou d’appliquer les mesures correctrices qu’il indique ». Et une tutelle de commission scolaire pourrait durer plus longtemps, selon le projet de loi. Le directeur général d’une commission scolaire devrait rendre des comptes au ministre. Ce dernier pourrait le remplacer s’il estime qu’il « pose des gestes incompatibles avec les règles de saine gestion ».

Les taxes scolaires demeurent-elles ?

Le projet de loi n’apporte aucun changement à la taxation scolaire, alors que le ministre disait que le système actuel est désuet et inéquitable. Les travaux doivent se poursuivre sur le sujet, a affirmé M. Blais.

POUR…

« Jamais un gouvernement n’a remis les dirigeants d’établissements scolaires, les enseignants, les parents au centre de la décision. Jamais un gouvernement n’a fait en sorte que les sommes budgétaires liées à la réussite scolaire aillent directement dans les écoles, sans interruption dans le passage entre le gouvernement et l’école. »

— Le premier ministre Philippe Couillard

« Nous avons enfin un projet concret sur lequel nous pouvons travailler. Le gouvernement reconnaît les parents comme des acteurs privilégiés du milieu et valorise leurs compétences. »

— La présidente de la Fédération des comités de parents du Québec, Corinne Payne

« Nos membres demandent depuis longtemps à ce que le système soit recadré et que la prise de décision soit dirigée vers les écoles. [Mais] il est impensable de décentraliser vers les écoles si les budgets ne sont pas eux aussi décentralisés. »

— La présidente de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement, Lorraine Normand-Charbonneau

… ET CONTRE

« Le projet de loi vise essentiellement à mettre fin à une démocratie de proximité. La tenue simultanée d’élections scolaires et municipales en 2017 réglerait la question du faible taux de participation. »

— La présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec, Josée Bouchard, qui fait valoir que la majorité des commissaires élus sont des parents

« C’est un affront à la démocratie. Ce projet de loi ne passe pas l’examen de la Constitution, c’est clair. On va défendre le droit de nos citoyens allophones et anglophones. »

— La présidente de la commission scolaire anglophone English-Montréal, Angela Mancini

« On crée une espèce de système hybride où certains pourront se faire élire, mais tout ça va se faire à géométrie variable. Il n’y a rien dans le projet de loi qui va contribuer à ce qu’il y ait davantage de participation. »

— Le député péquiste et porte-parole en éducation Alexandre Cloutier

« Le ministre prétend que nous sommes des experts essentiels pour la réussite des élèves, alors que dans ce projet de loi, il relègue les profs au rôle d’exécutants. »

— La vice-présidente de la Fédération autonome de l’enseignement, Nathalie Morel

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.