OPINION

Que vaut la vie humaine ?

Que vaut la vie humaine ? Celle de l’autre ou la sienne ? Comment peut-on froidement tirer une balle dans la tête d’une femme inconnue couchée par terre, sans défense ?

Prendre sa vie comme ça, en fléchissant l’index. Comment peut-on ensuite se faire exploser, comme ça, à 28 ou 29 ans, avec toute la vie devant soi ? Remarquez, la kalachnikov aurait pu être remplacée par une bombe ou même une seringue remplie de poison. Et la ceinture d’explosifs par une chute d’un édifice ou une voiture de métro. Moins spectaculaire, moins bruyant ou moins salissant, mais avec la même affirmation : que la vie en soi vaut très peu. En tout cas, moins que la cause ou la somme des haines et des souffrances qu’on porte en soi.

Notre civilisation occidentale a toujours conféré une valeur extrême à la vie d’une personne. Bien sûr, homicide et suicide ont toujours existé, mais ont toujours été combattus, prévenus et dénoncés comme étant le contraire de l’affirmation de la valeur de la vie d’une personne.

Or les forces nihilistes réduisent cette « sacralité » de la vie (sacralité au sens large, tant religieuse que laïque) à un simple utilitarisme : objet de plaisir, de pouvoir, d’utilité. Ainsi, quand la vie n’est plus jouissive, utile ou productive, elle ne vaut plus rien, et on peut s’en débarrasser sans en faire cas. La plupart du temps, c’est subtil, soft. On ne dira pas « meurs ! », mais on dira « trop vieux pour être soigné ». On ne dira pas « toi l’itinérant, tu peux crever ! », mais si on le voit inconscient sur le trottoir, on passe son chemin. Sans réaliser qu’en niant la valeur de ces vies humaines, on nie aussi la sienne. C’est le nihilisme doux qui s’installe progressivement dans nos villes, nos CHSLD et nos hôpitaux : certaines vies ont de la valeur, certaines un peu moins, et d’autres à peu près aucune.

COURAGE, INTELLIGENCE, LUCIDITÉ

Mais quand le nihilisme hard nous saute à la figure comme ce fut le cas à Paris, on se rend bien compte qu’on ne peut le laisser s’installer et dominer, car on comprend qu’il détruira tout si on le laisse faire. On doit lui résister et le combattre. Comment ? D’abord en affirmant haut et fort que chaque vie humaine est précieuse et mérite d’être protégée, en résistant au nihilisme qui envahit notre propre mentalité et nous fait dévaluer la vie de ceux et celles que nous côtoyons (les vieux, les malades, les étrangers, les « différents »).

Ensuite, en ayant le courage de nous dresser contre les menaces externes, tout comme nos ancêtres qui ont dû combattre de telles forces nihilistes, qu’elles soient barbares, nazies ou communistes, et qui les ont vaincues. Ne nous faisons pas d’illusions : si nous aimons la vie, nous devrons faire les sacrifices nécessaires pour la soigner et la protéger. Que ces événements douloureux servent à éveiller notre humanité et à nous faire aimer la vie avec courage, intelligence et lucidité.

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