Cyclisme  Mardis cyclistes de Lachine

Tino Rossi passe le flambeau

Les abords du parc LaSalle se peuplent peu à peu, comme tous les mardis d’été à Lachine. Tout le long de la 10e Avenue, les gens se massent autour des tentes des équipes de coureurs.

Vêtu de blanc de la tête aux pieds, Tino Rossi ressort du lot. Le fondateur des Mardis cyclistes de Lachine s’approche de son interlocuteur. « Je vais donner le départ et on pourra se parler 20 minutes si vous voulez ! » Chemin faisant, vers la ligne de départ, il ne marche pas deux mètres sans être interpellé par des amis ou des connaissances. Il finit par rejoindre les coureurs pour leur livrer un message de départ.

« Très peu de sports peuvent se vanter d’être un véhicule d’éducation et de formation comme l’est le vélo. Ici, au Canada, on n’a pas de régime militaire obligatoire pour discipliner nos Canadiens. Le vélo, c’est la seule alternative.

« Le respect de la personne, c’est votre succès. N’ayez pas d’ennemis. Le sport, c’est une société d’amis. Ceux qui sont amis vont réussir dans la vie. »

Des amis, Tino Rossi n’en manque visiblement pas. Pendant l’entrevue avec La Presse, il sera interrompu une dizaine de fois par des gens venus souligner son départ. « Tout le monde me connaît ici, je connais tout le monde ou à peu près », explique-t-il.

Perdus dans Lachine

Tino Rossi peut bien connaître tout le monde. C’est lui qui a fondé les Mardis cyclistes en 1978. Cette 40e édition, c’est sa dernière. À 77 ans, il cède les rênes de l’événement aux frères Jean-François et Marc Néron.

« On partait de l’île Bizard, on s’en allait au centre-ville, on est arrivés ici par hasard, on était perdus. On a fait un tour et on a dit : Wow, c’est beau !” »

— Tino Rossi, fondateur des Mardis cyclistes

« On a pris une roche à terre, on a dit : “On fait un tour.” On a finalement fait une course de deux tours, entre les voitures stationnées, raconte M. Rossi. On était indisciplinés, mais ça faisait partie de notre plaisir. »

M. Rossi était maître de piste au vélodrome aux Jeux olympiques de Montréal en 1976. C’est là qu’il a constaté la piètre position dans laquelle se retrouvait le cyclisme au Québec, en tant que sport et en tant que simple loisir.

« J’ai réalisé que le sport amateur était méconnu ici. Je faisais du vélo sur les chemins publics et j’étais rejeté. Le langage n’était pas joli. Moi, je suis un homme, je fais attention à mon langage et je respecte tout le monde. Je ne pouvais pas accepter que les automobilistes et les cyclistes soient toujours en conflit dans notre société.

« Beaucoup de travail a été fait. Je pense que mon apostolat, ma volonté comme bénévole, mes rencontres dans les universités, les cégeps, pour prêcher la bonne parole, pour dire aux jeunes de faire du vélo, ça a aidé. On a sauvé beaucoup d’athlètes qui étaient dans le désespoir. C’était l’époque où la drogue, la “malvie”, c’était horrible. Moi, je n’acceptais pas ça. C’est pourquoi je me suis donné corps et âme pour aider la société à devenir une société meilleure. »

La 400e et dernière fois

Pas besoin de côtoyer bien longtemps ce Québécois né en Italie pour constater que c’est un personnage. Sa façon de donner les départs – « Let’s get ready to rumble ! Five, four, trois, deux, un » – fait sa renommée. Ses discours aux coureurs aussi. Le vocabulaire catholique n’est jamais bien loin.

« Il a un ton un peu paternaliste. Si tu l’interromps, il arrête de parler. C’est lui le boss », décrit l’ancien cycliste professionnel François Parisien, aujourd’hui directeur des opérations chez Power Watts International.

C’est Tino Rossi qui signale le départ depuis le début. À 10 courses par année, il le faisait donc pour la 400e et dernière fois, hier.

« C’est un gars coloré, enthousiaste. Quand il donne le départ, il est déchaîné, il donne un bon show. »

— Jean-François Laroche, septuple champion des Mardis cyclistes

« Il a toujours été en mesure d’aller chercher des commanditaires. Ce n’est pas facile d’une année à l’autre, raconte Jean-François Laroche, septuple champion de l’événement. Ça prend une passion, un gars crinqué. Tino, c’est Tino. C’est un malade mental, mais ça prend ça pour maintenir une course de ce genre-là. »

On n’a pas de difficulté à l’imaginer vendre sa salade à des commanditaires. Selon les gens du milieu rencontrés sur place, les courses attirent généralement de 2000 à 3000 spectateurs. Pour Tino Rossi, il y en a plutôt 5000 ou 6000. « Il va probablement vous dire qu’il y aura 20 000 personnes aujourd’hui ! », lance un coureur.

Mais peu importe ses méthodes, les résultats sont là.

« Au Québec, les Mardis cyclistes sont une des raisons pour lesquelles un commanditaire va soutenir une équipe. Si tu n’y vas pas, les commanditaires ne seront pas là, croit Parisien. C’est ce que ça a apporté, en plus d’être une école de vie, d’apprendre aux jeunes à parler aux médias, à bien se présenter, à être à l’heure au podium, à avoir un maillot propre au podium, à respecter la cérémonie. C’est une école en soi pour un jeune. »

Même s’il se retire de l’organisation de l’événement, M. Rossi sait déjà ce qu’il souhaite faire de ses mardis soir à compter de l’été prochain.

« Je vais venir ici, m’asseoir, saluer les gens et regarder les courses. C’est mon bébé, les Mardis cyclistes. »

Ses successeurs hériteront visiblement d’un événement bien rodé.

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