Le quotidien Politiken renonce à l’auto... et à l’avion

L’initiative est inusitée. Après avoir accru sa couverture des changements climatiques l’automne dernier, le quotidien danois Politiken a décidé de « joindre le geste au reportage » en adoptant une série de décisions concrètes visant à réduire sa propre empreinte carbone.

Plus d’avion ni d’auto pour des reportages à l’intérieur du pays : à moins de situations exceptionnelles, les journalistes devront dorénavant effectuer leurs déplacements en train ou en autocar. À l’exception des photographes qui pourraient, eux, se déplacer en voiture électrique.

Parallèlement, les pages touristiques limiteront les reportages sur des destinations lointaines, impliquant de lourdes émissions de carbone, à un par semaine. Et enfin, le journal compensera chaque voyage en avion, lorsque nécessaire, par des crédits carbone.

Ce virage vert fait suite à une série de courriels de lecteurs qui réagissaient à la série de reportages publiés sous le titre « Notre climat », à la veille de la conférence sur le climat de Katowice, en Pologne.

« De nombreux lecteurs nous ont écrit pour nous reprocher d’être des hypocrites climatiques », explique Christian Jensen, rédacteur en chef de Politiken, dans un article expliquant la nouvelle politique.

Les lecteurs ont notamment reproché au journal d’essayer de se positionner comme un protecteur du climat tout en publiant de volumineux suppléments avec des annonces faisant la promotion de vols ultranocifs du point de vue climatique.

« Il s’agit d’une critique juste et d’un véritable dilemme. »

— Christian Jensen, rédacteur en chef de Politiken  

Le journal, qui a un bassin de 247 000 lecteurs, a décidé de le résoudre en coupant la poire en deux. Pas question de cesser de publier des reportages sur des destinations lointaines et exotiques ni de se priver des revenus publicitaires qu’elles génèrent. Mais ces sujets auront dorénavant la portion congrue de la couverture touristique, qui se consacrera davantage à des reportages sur des destinations scandinaves.

Au cœur des préoccupations de l’opinion publique

De plus, les lecteurs pourront trouver, sur la page web du journal, des informations sur l’empreinte climatique du voyage proposé et les manières de compenser les émissions de carbone qu’il est susceptible d’engendrer.

Ces initiatives ne transformeront pas Politiken en un « parangon de vertu climatique », mais le conduiront à « faire plus de pas dans la bonne direction », explique Christian Jensen. Ce dernier estime être ainsi en symbiose avec l’opinion publique danoise.

M. Jensen cite un sondage selon lequel les changements climatiques arrivent aujourd’hui en première place des sujets qui préoccupent le plus les Danois, à la veille des prochaines élections législatives.

Cette nouvelle politique s’ajoute au souci de produire un quotidien « carbonégatif », en utilisant du papier recyclé et en prenant soin de faire planter un nombre d’arbres supérieur au nombre de ceux qui ont été abattus pour produire le journal, explique le rédacteur en chef.

Comment les journalistes ont-ils reçu les contraintes associées à cette nouvelle politique verte ? « La réaction a été très positive, autant dans la salle de rédaction que dans le public en général, et nous avons reçu de nombreuses suggestions positives pour des initiatives futures », assure Christian Jensen dans un échange de courriels avec La Presse.

Avec cette initiative, Politiken veut servir de modèle sans faire la morale. « Nous croyons qu’il est possible de nous soucier de l’avenir de notre planète tout en continuant à profiter du plaisir de découvrir le monde », résume le rédacteur en chef.

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