Opinion : Légalisation du cannabis

Le cannabis et ses conséquences sur la fertilité

Le débat actuel sur la légalisation du cannabis a été récemment une bonne occasion pour les psychiatres canadiens d’intervenir publiquement et de rappeler certains de ses effets négatifs sur la santé, notamment sur le développement du cerveau de l’adolescent, la détérioration de fonctions cognitives et le déclenchement potentiel de maladies psychotiques latentes, comme la schizophrénie.

Les impacts du cannabis, de 300 à 400 % fois plus puissant qu’il y a 30 ans, ne se limitent toutefois pas au cerveau, car son ingrédient actif, le tétrahydrocannabinol (THC), interagit avec plusieurs organes du corps et peut donc influencer leur fonctionnement. C’est notamment le cas du système reproducteur. En tant que spécialistes en médecine de la reproduction, nous jugeons donc utile d’intervenir également dans le débat public afin de mettre en garde les jeunes quant aux effets nocifs du cannabis sur leur fertilité et leur progéniture et de responsabiliser les gouvernements québécois et canadien face à leur devoir d’en informer la population.

Nos craintes sont d’autant plus justifiées par la croissance exponentielle des ventes annuelles de marijuana au Colorado depuis sa légalisation. Alors qu’elles n’étaient que de 199 millions en 2012, elles dépasseraient le milliard de dollars en 2016.

À l’heure actuelle, on estime qu’environ 17 % des couples sont incapables de concevoir, soit trois fois plus qu’il y a 30 ans à peine. Face à cette augmentation en flèche du taux d’infertilité au Canada, une attention particulière est de plus en plus accordée à l’identification des habitudes de vie (alimentation, exercice, tabagisme) et des toxiques environnementaux (perturbateurs endocriniens) qui pourraient contribuer à cette tendance.

De nombreuses études indiquent que la consommation régulière de marijuana pourrait être l’un de ces facteurs, notamment en raison de son effet négatif sur la qualité du sperme.

Les jeunes hommes qui déclarent son utilisation quotidienne affichent une concentration significativement plus faible de spermatozoïdes par rapport aux non-utilisateurs, tandis que leur niveau sanguin de testostérone est plus élevé. Sur une période de cinq ans, la consommation plurihebdomadaire de cannabis entraîne non seulement une diminution du volume et du nombre de spermatozoïdes, mais également une atteinte de leur morphologie et de leur mobilité ainsi qu’une diminution de leur pouvoir fécondant.

Il faut tenir compte de ces effets, car jusqu’à 22 % des hommes qui ont l’intention d’avoir des enfants affirment avoir consommé de la marijuana au cours des 12 derniers mois. Le métabolisme du THC au niveau du foie est lent et son élimination complète du corps peut requérir jusqu’à 30 jours chez les gros consommateurs, ce qui ne peut qu’accentuer son caractère nocif sur la qualité du sperme.

Impact sur les femmes

Du côté féminin, l’impact du cannabis a été beaucoup moins étudié, mais les résultats obtenus soulèvent de nombreuses inquiétudes. Chez la souris, le THC supprime la sécrétion d’hormones impliquées dans la physiologie de l’ovulation comme l’hormone folliculo-stimulante (FSH), l’hormone lutéinisante (LH) et la prolactine, et retarde l’ovulation de 24 heures. Une étude a également montré que chez les femmes qui ont recours à l’aide médicale à la procréation, la consommation de marijuana est associée à la production d’ovules de moins bonne qualité et à un taux de grossesse plus faible.

Il est aussi important de mentionner que le cannabis exerce un impact négatif sur le développement fœtal.

Le cannabis est la drogue la plus consommée par les femmes enceintes, avec, selon différentes études, de 3 à 34 % des femmes qui avoueraient en consommer pendant leur grossesse, en particulier durant le premier trimestre. Or, le THC traverse librement le placenta et sa consommation pendant la grossesse a été associée à un retard de croissance, à un faible poids à la naissance, à la prématurité ainsi qu’à des effets néfastes sur le développement neurologique du fœtus, ce qui peut entraîner à plus long terme des effets délétères en termes cognitif et comportemental.

Avec la légalisation imminente de la marijuana au Canada, il est à espérer que les gouvernements saisiront l’occasion de mieux informer la population sur les effets négatifs de cette drogue sur la santé, incluant en reproduction humaine.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.