« Il a commencé à crier et dire des vulgarités »
Une femme d’origine algérienne et sa petite fille auraient été la cible d’insultes racistes et misogynes mardi en pleine rue.
Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a ouvert une enquête hier à propos des agissements d’un homme qui aurait proféré des insultes racistes et misogynes à l’endroit d’une femme d’origine algérienne mardi après-midi sur le boulevard Saint-Laurent dans l’arrondissement d’Ahunstic-Cartierville.
Vers 15 h 45, Anaïs* venait tout juste de récupérer sa petite fille à la garderie lorsqu’elle a croisé un homme qu’elle ne connaissait pas et dont l’identité était toujours inconnue hier en soirée.
Ils marchaient dans des directions opposées sur le trottoir quand ce dernier se serait arrêté après avoir entendu Anaïs, qui ne porte pas le voile islamique, parler en arabe à sa fille.
« Ça l’a accroché. Ça l’a dérangé. C’est à ce moment que les attaques ont débuté. Il a commencé à crier et dire des vulgarités. Je n’ai pas tout compris ce qu’il a dit. […] Ensuite, il m’a demandé pourquoi je parlais dans cette langue. Ça l’a dérangé. Je me suis arrêtée et je lui ai dit : “Monsieur, cela ne vous regarde pas, dans quelle langue je parle.” Il a commencé à me crier après et à traumatiser ma petite. »
« Tout ce qui m’importait était la sécurité de ma petite. Et je pensais à ce que je devrais faire s’il nous attaquait. »
— Anaïs
Une partie de la scène, filmée par une autre femme qui sortait aussi de la garderie, montre l’homme s’approcher d’elle et la défier de le prendre en photo.
L’homme se penche par la suite vers la petite fille de 3 ans en pleurs et lui dit : « Demande à ta maman si je peux fourrer ta mère, enfant de salope. » Puis c’est Anaïs qu’il traite de salope. « Il s’en est pris à ma petite. Il s’est mis à sa hauteur », déplore-t-elle.
La vidéo, partagée sur les réseaux sociaux, avait été visionnée près de 440 000 fois hier au moment de publier.
« Il était très agressif. Il ne m’a pas touché physiquement, mais c’est parce que je reculais. […] Ce qui m’a le plus touchée, c’est mon enfant. Il a touché à quelque chose à l’intérieur de moi-même », confie Anaïs.
Toute la scène n’a pas été filmée. La femme d’origine algérienne dit qu’elle souhaitait d’abord et avant tout assurer la sécurité de son enfant. « Mais quand les propos ont commencé à devenir de plus en plus haineux, c’est là que j’ai demandé à une femme qui sortait de la garderie de filmer ce qui se passait. »
Et c’est aussi à sa petite fille qu’elle pense d’abord en racontant son histoire à La Presse. Car à 3 ans, elle n’a peut-être pas compris la signification des mots adressés pendant l’altercation, mais elle a compris que cette fin de journée à la garderie n’avait rien à voir avec les autres.
« Elle était vraiment sous le choc. Je ne l’ai pas emmenée directement à la maison après. Je suis allée avec elle dans un parc pour qu’elle oublie ce qui s’était passé. […] Elle pleurait. »
— Anaïs
« Elle voyait que l’homme était agressif. Elle voyait qu’il s’en prenait à sa maman, raconte Anaïs. Elle m’a dit : “Méchant monsieur.” Je l’ai calmée et lui ai dit qu’elle était en sécurité. Je sais qu’elle n’a pas compris grand-chose, mais elle a compris qu’il était agressif. »
La jeune mère est ensuite allée chercher du réconfort auprès de sa famille et de son mari. Elle s’est renseignée sur les différents recours possibles pour dénoncer l’agression dont elle dit avoir été victime. Hier matin, au lendemain des événements, elle s’est rendue dans un poste du SPVM pour porter plainte.
« Si nous concluons que c’est un crime haineux, des accusations pourraient être portées », a fait savoir Véronique Dubuc, porte-parole du SPVM.
Si tel devait être le cas, Anaïs se dit prête à aller en cour pour témoigner contre l’accusé. « Je ne fais pas ça pour nous [notre famille]. Je fais ça pour mon enfant aussi. Nous vivons tous dans la même société. Il n’y a pas de “nous”, d’“autres”. Dès que l’on commence avec le “nous” et le “vous”, on commence à départager la société. »
« Nous sommes tous Québécois, nous vivons tous dans la même société. Nous travaillons, nous contribuons tous à la société, plaide Anaïs. […] Le Québec accepte le monde tel qu’il est. Ça me touche parce que ce n’est pas dans ses valeurs de ne pas accepter les personnes telles qu’elles sont. »
* Nom fictif, car elle craint pour la sécurité de sa fille