Chronique : UNESCO et Israël

Un djihad diplomatique

On sait depuis longtemps qu’une grande partie du monde musulman voudrait effacer Israël de la carte du Moyen-Orient. On connaît l’ampleur meurtrière du sectarisme islamiste, qui a procédé ces dernières décennies à l’un des plus grands nettoyages ethniques de tous les temps en chassant (quand on ne les exterminait pas carrément) les chrétiens et les juifs d’une région dans laquelle leur enracinement précède de plusieurs siècles la conquête arabo-musulmane.

La présence juive en Palestine remonte au XIIe siècle avant Jésus-Christ si l’on en croit les archéologues, et bien avant si l’on en croit la Bible. Les chrétiens, ensuite, essaimèrent partout au Moyen-Orient, bien avant que des hordes de Bédouins venus d’Arabie n’envahissent la région sous le drapeau de l’islam au VIe siècle de notre ère.

Cela, on le savait, et ce n’est une surprise pour personne que de voir réitérés dans le discours arabo-musulman les appels à l’annihilation de l’État d’Israël et du peuple juif. Pas une surprise non plus de voir les minorités chrétiennes pourchassées partout ailleurs qu’au Liban.

Mais qu’une organisation internationale comme l’UNESCO participe, ne serait-ce que verbalement, à cette vaste entreprise de délégitimation d’Israël, voilà qui constitue un événement de nature à discréditer une organisation théoriquement vouée au respect de l’histoire et à la sauvegarde du patrimoine culturel mondial.

Les mots peuvent tuer autant que des boulets, et c’est bien le cas de la résolution que vient de voter le conseil exécutif de l’UNESCO : dans le but de dénoncer l’occupation israélienne sur Jérusalem-Est, cette résolution est rédigée de manière à nier toute présence juive en Israël.

Les lieux les plus sacrés du judaïsme sont occultés au profit de leurs seules dénominations arabes.

Comme le dit le délégué d’Israël à l’UNESCO, c’est l’équivalent d’un « djihad diplomatique ».

Le mont du Temple n’est mentionné que comme Al Haram Al Sharif. Le mur des Lamentations, comme « la place Al Bourak »… Cet endroit serait passé à l’histoire parce que Mahomet y a déjà attaché son cheval ! Le tombeau d’Abraham à Hébron, lieu saint autant pour les juifs que pour les musulmans, n’est mentionné que sous son nom arabe, et le tombeau de Rachel à Bethléem, lieu de pèlerinage pour les trois grandes religions monothéistes, est désigné comme « la mosquée Bilal Bin Rabah ».

La résolution a été présentée par sept pays arabes, dont ces fleurons de la démocratie que sont l’Algérie, l’Égypte, le Qatar et le Soudan. Seuls six pays ont voté contre, dont les États-Unis et l’Allemagne ; 26 pays, dont la France et l’Espagne, l’ont lâchement laissé passer en s’abstenant, vraisemblablement pour s’assurer dans l’avenir quelque faveur de la part des pays arabo-musulmans, qui sont nombreux et influents dans les organisations internationales.

Le Canada ne s’est pas prononcé, n’étant pas membre du conseil exécutif de l’UNESCO. Mais qu’attendent le premier ministre Trudeau et son ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion pour dénoncer cette résolution, comme vient de le faire le premier ministre italien Matteo Renzi ?

À moins que le désir d’obtenir un siège temporaire au Conseil de sécurité des Nations unies ne soit si fort qu’il pousse nos dirigeants à jouer les carpettes face au bloc arabo-musulman ?

La résolution reprend une revendication classique des Palestiniens en réclamant le retrait d’Israël de Jérusalem-Est, mais cette revendication géopolitique ne correspond aucunement à la mission essentiellement culturelle de l’UNESCO. C’est pourquoi l’on a procédé par le biais des lieux religieux et culturels.

La résolution demande aussi le retour de la Jordanie comme administrateur de l’esplanade des Mosquées et de ses environs, ce qui ne manque pas de piquant quand on sait que de 1948 à 1967, sous la domination jordanienne, les lieux saints étaient inaccessibles aux juifs, et le mur des Lamentations, seul vestige visible du temple juif érigé au VIe siècle avant Jésus-Christ, réduit à l’état de dépotoir.

Israël a conquis Jérusalem-Est en 1967 lors d’une attaque préventive menée six ans après que le pays eut failli être anéanti le jour du Kippour par une attaque-surprise montée par une coalition de pays arabes. Israël a ouvert les lieux saints aux musulmans et aux chrétiens comme aux juifs.

Dans le contexte explosif de Jérusalem-Est, la coexistence ne va pas sans heurts et il y a constamment des provocations des deux côtés. Mais ce n’est pas en occultant l’histoire et en blessant les Israéliens dans ce qu’ils ont de plus cher (leur mémoire historique) que les Palestiniens obtiendront gain de cause. De telles provocations sont contre-productives et ne feront que compromettre à jamais les possibilités (déjà bien ténues) d’une reprise des négociations.

Une autre résolution du même acabit, sur « la vieille ville de Jérusalem et ses remparts », sera débattue demain au comité du Patrimoine de l’UNESCO. On y reprend la même terminologie.

Matteo Renzi a promis que, cette fois, l’Italie ne fera pas que s’abstenir mais votera contre la résolution. « Soutenir que Jérusalem et le judaïsme n’ont pas de rapport, c’est incompréhensible et inacceptable, c’est nier la réalité », a-t-il dit.

On attend d’Ottawa le même genre de réaction, à moins que le gouvernement Trudeau ne veuille se faire le complice de ce détournement de l’histoire.

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