Marathon de Boston

Papa, avocat et machine à courir

Il y a ces athlètes professionnels qui touchent des millions et sont encadrés par une armée de spécialistes s’assurant qu’ils s’entraînent dans des conditions optimales.

Puis il y a les autres : ceux qui tentent de vivre leur passion pour la performance en marge d’une carrière qui n’a souvent rien à voir avec le sport.

Hier, l’un d’eux a pu savourer une belle victoire morale. Non, Philippe Viau-Dupuis n’a pas remporté le marathon de Boston. Le vainqueur s’appelle plutôt Lelisa Desisa, il est Éthiopien et il a mis 2 h 9 min 17 s pour boucler l’épreuve.

N’empêche, Viau-Dupuis avait de quoi célébrer. Il a fini au 23e rang et a réussi le meilleur temps canadien avec 2 h 21 min 16 s, quelques rangs devant un autre Québécois, Christian Mercier (2:24,37).

« Je suis vraiment content. Finir 23e au marathon de Boston, pour moi, c’était inespéré. Je rêvais au top 50 », a expliqué hier Viau-Dupuis dans un entretien avec La Presse

« Je pense que c’est ma meilleure performance à vie. »

— Philippe Viau-Dupuis

À 32 ans, Viau-Dupuis se définit comme un coureur « semi-professionnel ». Il n’est pas un athlète à temps plein. Il est plutôt avocat et procureur de la Couronne. Il apprend aussi à changer des couches depuis la naissance de sa fille, il y a sept mois.

Malgré tout ça, le Québécois court 160 km par semaine en guise d’entraînement. Pour parvenir à avaler tout ce bitume, il se rend au travail et revient chez lui le soir à la course, été comme hiver.

« Mes collègues savent tous que je cours. J’arrive le matin habillé en coureur. Je prends ma douche au bureau. Mes vêtements sont dans mon bureau, raconte-t-il. Je n’ai pas le choix de faire comme ça, sinon je n’aurais pas le temps de m’entraîner assez. »

EN PROGRESSION

Ancien cycliste amateur, Philippe Viau-Dupuis a commencé la course il y a sept ans en disputant des 5 km. Depuis, sous la supervision de l’entraîneur Dorys Langlois, il a tranquillement augmenté ses distances. Le marathon de Boston n’était que son troisième. À Philadelphie l’an passé, il s’était classé cinquième avec un temps de 2:20,42.

Le Québécois espérait donc abaisser son meilleur temps hier. Mais un vent de face l’a empêché de réussir. « D’un côté, je trouve ça plate parce qu’avec de meilleures conditions, j’aurais pu faire mon meilleur temps. Mais compte tenu des circonstances, c’est ma meilleure performance à vie, de loin », dit-il.

Viau-Dupuis a commencé sa course hier en regardant les coureurs africains s’éloigner tranquillement. « Pour moi, ce n’est même pas un problème. On ne va pas au même rythme. On n’est pas dans la même ligue. Ils vont à environ 20 secondes plus vite au kilomètre », explique-t-il.

Il s’est plutôt greffé à un petit groupe d’Américains qui tentaient d’atteindre le plus bas standard pour l’équipe nationale, soit 2 h 18. « Dans mon peloton, on était cinq ou six. Un seul m’a devancé à l’arrivée. Dans ce groupe, deux ou trois gars étaient des athlètes professionnels, précise l’avocat coureur. Certains avaient des meilleurs temps de 2 h 17 ou 2 h 18. Moi, le mien est de 2 h 20, alors j’étais entouré de gars vraiment meilleurs que moi. Je les ai suivis. Ça veut dire que dans de meilleures conditions, j’aurais eu un meilleur temps. »

Viau-Dupuis sait bien qu’il ne vivra jamais de la course. Ça ne l’empêche pas d’y trouver une manière de s’accomplir. « D’ici deux, trois ans, je devrais atteindre mon plein potentiel », dit-il. Il n’y aura pas de millions à la clé. Il n’y aura peut-être pas de caméras. Mais ils sont nombreux à faire du sport d’élite pour d’autres raisons. Et c’est tant mieux.

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