Le français en milieu de travail

La connaissance du français : essentielle à la réussite en affaires

« Il y a une fausse croyance qui veut que les nouveaux arrivants ne souhaitent pas apprendre le français. Mais le plus souvent, c’est une contrainte de temps qui les en empêche », explique Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). Depuis 2016, grâce à un partenariat avec le milieu universitaire, à plusieurs arrondissements montréalais, à diverses associations et au gouvernement du Québec, la CCMM propose une nouvelle approche mieux adaptée à la réalité des non-francophones. En voici les grandes lignes.

Petits commerces, grandes responsabilités

Beaucoup de petits commerçants issus de l’immigration ne parlent pas français–ni même parfois l’anglais. Bien que des cours gratuits soient offerts, y assister avec assiduité s’avère souvent difficile. « Ce sont des gens qui travaillent de longues journées, qui sont seuls à s’occuper de leur entreprise et qui ont des responsabilités familiales. Ça laisse peu d’énergie pour suivre des cours le soir et la fin de semaine, et c’est encore plus difficile pour eux de s’absenter du travail pendant les heures d’ouverture de leur commerce », ajoute M. Leblanc.

Les gens d’affaires sont pourtant bien conscients de l’impact négatif qu’une connaissance insuffisante du français peut avoir sur leur petite entreprise. « Si un francophone demande à un nettoyeur d’ajuster ses bords de pantalons, mais que les deux n’arrivent pas à communiquer ensemble, ça commence mal, illustre M. Leblanc. Si ça occasionne une file d’attente, c’est tout aussi frustrant pour les clients d’avoir à patienter que pour le commerçant qui n’arrive pas à servir sa clientèle assez rapidement. »

Et même chez les immigrants qui sont prêts à apprendre, un scénario se répète souvent:un francophone bilingue, se trouvant face à un commerçant qui a de la difficulté à s’exprimer dans la langue de Molière, a souvent le réflexe de basculer vers l’anglais. « Or, de cette façon, le commerçant n’a pas l’occasion d’apprendre le français », soulève M. Leblanc.

Le jumelage linguistique: une solution mieux adaptée

C’est pour ces raisons que la Chambre de commerce du Montréal métropolitain a mis sur pied un programme de jumelage linguistique mieux adapté à la réalité des commerçants et qui s’inscrit dans une approche adaptée et positive. Il consiste à réunir des étudiants universitaires et des commerçants sur le lieu de travail de ces derniers pour y tenir des cours personnalisés de français.

« Le jumelage linguistique répond aux besoins de formation d’une clientèle difficile à joindre avec l’offre classique en francisation, soit les commerçants de proximité », indique Nathalie Roy, ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de la langue française. « L’apprentissage se fait à l’intérieur même du commerce plutôt que dans une salle de classe, durant les heures d’ouverture de l’établissement, poursuit-elle. C’est là le caractère novateur de la formule: plutôt que d’exiger d’une personne qu’elle aille vers la langue, c’est la langue qui vient vers elle. Il s’agit d’un programme exemplaire qui contribue à valoriser l’utilisation du français, véritable instrument d’intégration et de cohésion sociale au Québec. »

« J’apprends le français:encouragez-moi ! »

Des macarons et de l’affichage portant la mention « J’apprends le français – encouragez-moi! » invitent les clients des commerces participants à faire l’effort de s’exprimer en français, en ralentissant le débit et en enseignant de nouveaux mots, par exemple. « L’étudiant vient donner un cours sur place deux heures par semaine, mais l’apprentissage se poursuit en tout temps, grâce à la participation des clients », précise M. Leblanc.

Il s’agit d’une expérience de travail bien concrète pour les étudiants, qui reçoivent en retour une rémunération intéressante. M. Leblanc souligne cependant que l’apport des universités partenaires–McGill, Concordia, Université du Québec à Montréal, Université de Sherbrooke et Université de Montréal–va bien au-delà de la main-d’œuvre: « On offre surtout le bagage de connaissances et les outils d’évaluation de gens formés et compétents. »

Le français comme vecteur d’intégration

Les enfants d’immigrants sont généralement tenus de fréquenter une école francophone. « Ça crée une dynamique familiale où les enfants parlent français, mais où les parents ne sont pas à l’aise d’en faire autant », explique M. Leblanc. L’apprentissage du français peut alors devenir une source de fierté, lorsqu’un parent démontre qu’il peut lui aussi converser en société. « C’est la clé pour l’intégration dans la vie sociale et familiale », dit-il.

M. Leblanc salue la collaboration du ministère de la Culture et des Communications, qui a offert son soutien financier dès le lancement du projet-pilote en 2016. Il continue en outre d’assurer l’élargissement du territoire couvert. Plusieurs arrondissements et associations commerciales participent aujourd’hui au programme et aident notamment à trouver des entreprises souhaitant bénéficier de ce jumelage linguistique.

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