Et le Rocket, dans tout ça ?
Le club-école du Canadien ratera les séries pour la cinquième fois en six saisons
D’un côté de la Place Bell, c’était le branle-bas de combat. Les préparatifs d’une tournée de U2, ce n’est pas banal. Il fallait voir les yeux écarquillés d’un des joueurs à son retour au vestiaire. « J’ai vu l’écran géant. Malade ! »
De l’autre côté, sur l’une des patinoires secondaires du complexe, le Rocket tient un entraînement complet, comme il s’en est fait en octobre, en novembre ou en février. « Business as usual », dira Sylvain Lefebvre, rencontré dans son bureau à sa sortie de la patinoire.
Le Canadien a conclu sa saison samedi dernier. Le club-école en fera de même samedi, pas mal dans les mêmes circonstances : une exclusion des séries éliminatoires que l’on voit venir depuis la mi-saison (pour les plus optimistes).
Sous la gouverne de Lefebvre depuis 2012, la filiale du Tricolore ratera les séries pour la cinquième fois en six saisons. Mais c’est de loin la pire des six campagnes : une fiche de 24-40-10, ce qui place les Lavallois à égalité avec les Monsters de Cleveland au dernier rang du classement général de la Ligue américaine. Tout ça pendant que l’Armada de Blainville-Boisbriand, la plus proche concurrence en fait de hockey abordable, fait partie des aspirants au titre en LHJMQ.
Pour une entrée en matière dans un nouveau marché, c’est plutôt raté…
« On voulait tous des résultats différents pour la première saison ici, c’est évident. »
— Sylvain Lefebvre, entraîneur-chef du Rocket de Laval
Pendant ce temps, à Montréal, il y a un propriétaire, Geoff Molson, qui tape du pied. Il a fait état de son mécontentement envers le CH lors de son point de presse de lundi, et il en a fait autant avec le Rocket hier, en entrevue avec le collègue Philippe Cantin.
« On a du travail à faire, a tranché Molson. Marc [Bergevin] doit regarder un peu partout pour la performance sur la glace. Ça a été un grand succès pour nous côté business, mais pas sur la glace. »
En mars dernier, Molson déclarait que tout le monde devait être évalué. Ça inclut évidemment Lefebvre et ses adjoints, de même que Larry Carrière, directeur général. Au même moment, un entraîneur (Dominique Ducharme) et un entraîneur et DG (Joël Bouchard) sont en gestation en LHJMQ et approchent du moment où un saut dans les rangs professionnels serait logique.
Les facteurs qui pointent vers un remaniement dans la Ligue américaine sont nombreux. Lefebvre n’est pas dupe.
« C’est la même chose chaque année. Même si on a un contrat d’une, deux ou trois saisons, il n’y a rien de garanti, souligne-t-il. Nous, on prépare les deux derniers matchs, on continue à faire preuve de professionnalisme. Le reste, je ne le contrôle pas. On dit aux joueurs de se concentrer sur ce qu’ils contrôlent, mais c’est la même chose pour nous. Mais je sais que, quand une organisation vit ce qu’on vient de vivre, elle va chercher à faire des changements. »
Quand les États-Unis toussent, le Canada attrape la grippe, veut la maxime. La situation s’applique aussi au hockey, avec le CH qui a attrapé l’équivalent du scorbut.
Trois joueurs faisaient partie de la formation des 23 joueurs du CH en octobre et ont dû être remplacés rapidement : Mark Streit (incapable de suivre le rythme), Ales Hemsky (blessé) et Torrey Mitchell (échangé). Ajoutez à cela les autres blessés, et vous avez quatre vétérans qui ont passé l’essentiel de la saison dans la LNH : Daniel Carr, Nicolas Deslauriers, Jakub Jerabek et Byron Froese. « Ça a créé un gros trou », déplore Lefebvre.
En tout, 51 joueurs différents ont porté l’uniforme du Rocket cette saison. C’est le troisième total dans la Ligue américaine. Des huit équipes qui ont employé le plus de joueurs, une seule s’est qualifiée pour les séries : les Comets d’Utica.
L’autre aspect qui milite en faveur de Lefebvre, c’est que pour une très rare fois, des joueurs formés par le club-école ont eu un effet mesurable chez le Canadien. On pense ici à Charles Hudon, Noah Juulsen et Carr, sans oublier Jacob De La Rose, qui a connu ses meilleurs moments en fin de saison. Nikita Scherbak, s’il finit par s’établir en LNH, pourrait aussi redorer un bilan qui était plutôt maigre jusqu’ici.
« Il faut souvent se rappeler ce qu’est notre but en tant qu’entraîneur, souligne Lefebvre. On est souvent porté à mettre l’accent sur les résultats collectifs, mais notre but est d’amener des joueurs qui aident l’équipe en haut. »
C’est toutefois nettement moins (en qualité et en quantité) que ce dont le Lightning de Tampa Bay, les Ducks d’Anaheim, les Bruins de Boston et les Jets de Winnipeg, pour ne nommer qu’eux, ont hérité de leur club-école. Ces équipes participent toutes aux séries à compter de ce soir, pendant que le Canadien fait l’autopsie de sa saison.
La question consiste maintenant à savoir quelle lecture Bergevin fera de la situation. Jugera-t-il que Lefebvre a été victime des lacunes dans le recrutement des joueurs ? Croira-t-il plutôt que c’est à l’étape du développement qu’il y a des défaillances ? On aura une partie de la réponse à compter de dimanche, selon le sort qui attend Lefebvre.