Sears ne s’est pas adapté assez rapidement à la popularité croissante de la vente en ligne. « Ils avaient le catalogue, ils auraient dû être des précurseurs », croit JoAnne Labrecque. De plus, le détaillant n’a pas su séduire les jeunes générations dont les parents et les grands-parents étaient de fidèles clients de Sears. « L’enseigne n’a pas été énergisée pour s’adapter à la demande des milléniaux » et elle n’a pas assez innové, résume Jean Rickli, qui ne peut s’empêcher de nommer Amazon parmi les causes des malheurs de Sears. En changeant peu, Sears continue de plaire aux personnes âgées, mais celles-ci dépensent beaucoup moins.

En gros, mode, outils et tondeuses ne font pas bon ménage, font valoir les experts. En d’autres mots, ce n’est pas facile d’attirer les fashionistas et d’avoir bonne réputation au rayon des vêtements quand on vend aussi des matelas, des sécheuses, des lits de bébé, des souffleuses à neige et des tournevis. Certes, les outils Craftsman ont été vendus, et d’autres types de biens durables ont été retirés des tablettes, mais trop tard. « Ils n’ont pas de profondeur [de choix] par rapport aux grandes surfaces et dans la mode, ils ne l’ont pas, l’affaire », résume Jean-François Grenier.

Dans les années 90, les grandes surfaces spécialisées telles que Réno-Dépôt, Future Shop, Bureau en Gros, Winners et Best Buy ont poussé comme des champignons alors que les mégacentres gagnaient en popularité. C’est le règne de l’efficacité grâce aux spécialités (on stationne devant un commerce, on fait ses achats et on repart le plus vite possible plutôt que de butiner pendant des heures d’une catégorie de produits à une autre). C’est d’ailleurs à cette époque qu’Eaton a disparu. « Le marché s’est déplacé vers les formats Walmart et Costco, et il est très difficile pour les anciens concepts de s’adapter », ajoute David Soberman.

Pour attirer les clients, un commerce doit leur donner de bonnes raisons de s’y rendre. Or, « Sears n’offre pas les meilleurs prix et il n’offre pas la marchandise la plus cool non plus », fait valoir Craig Patterson. Dans la mode, la concurrence du « fast fashion » est de plus en plus forte avec les H&M, Zara, Uniqlo, Forever 21 et autres détaillants à bas prix qui séduisent les jeunes. « Dans les années 90, Sears s’est positionné famille et c’est grâce à cela qu’il a survécu jusqu’ici, dit JoAnne Labreque. Mais le positionnement d’aujourd’hui n’est pas clair, juge-t-elle. Qu’est-ce qu’il offre d’exclusif qu’il n’y a pas ailleurs ? »

« Sears est détenu depuis des années par des sociétés de financement, dont des fonds de capital de risque, qui ont été plus intéressées à réaliser un gain à court terme qu’à investir pour l’avenir », explique David Soberman. C’est ce qui explique la lenteur des changements, à son avis. « Par exemple, ils envisagent seulement maintenant de vendre des produits d’épicerie alors que ça fait des années que cette approche a été adoptée par Walmart. Ils sont très lents aussi en ce qui concerne le développement de solides collections de vêtements de marque privée. »