SAQ

Québec était prêt à se priver de revenus

Pour que le prix des bouteilles de vin diminue à la SAQ, le ministère des Finances a accepté en 2016 que le dividende que lui verse la société d’État demeure stable pendant quatre ans.

Cette information a été transmise au conseil d’administration de la SAQ en septembre 2016 par le président et chef de la direction de la SAQ, Alain Brunet, révèle des documents consultés par La Presse.

« Le ministère des Finances a accepté le principe du versement d’un dividende stable pour les quatre prochaines années, et ce, afin que la différence entre ce dividende et le résultat net puisse être réinvestie dans des baisses de prix », a-t-il expliqué aux administrateurs.

Le gouvernement du Québec était donc prêt à se priver de revenus, puisque le dividende de la SAQ augmente pratiquement chaque année.

Deux mois plus tard, la société d’État annonçait donc une baisse de prix de 0,50 $ touchant ses 1600 bouteilles de vin les plus populaires afin d’offrir des prix se rapprochant davantage de ceux de son équivalent ontarien, la LCBO. Le communiqué de presse de l’époque précisait que cela était « rendu possible par plusieurs initiatives accomplies au cours des dernières années, notamment une gestion toujours plus serrée de nos charges d’exploitation ». La question du dividende n’était pas évoquée.

En janvier et février 2017, deux autres réductions de prix de 0,40 $ et 0,50 $ sur les mêmes produits ont été décrétées, soit au total 1,40 $ la bouteille de 750 ml.

Finalement, ces chutes de prix n’ont pas eu pour effet de stabiliser, voire amputer la contribution de la SAQ au fisc québécois. Le dividende a plutôt augmenté de 18,7 millions (+ 1,8 %) pour l’exercice clos à la fin mars 2017. Idem l’année suivante, où une hausse de 28 millions (+ 2,6 %) a été enregistrée.

Comparaisons de prix avec la LCBO

Selon une présentation faite au conseil d’administration en mars dernier par Édith Filion, alors directrice de la planification financière de la SAQ, certains vins sont désormais moins chers au Québec qu’en Ontario.

Il appert que « 345 des 486 produits comparables affichent un meilleur prix à la SAQ ». La dirigeante n’explique pas pourquoi sa comparaison porte sur exactement 486 produits, mais elle précise que « les 88 produits présentant un écart défavorable font l’objet de négociations » et elle annonce qu’« une vigie mensuelle des prix a été mise en place ».

En outre, le procès-verbal de la rencontre nous permet d’apprendre que depuis le début des réductions de prix (automne 2016), les magasins à proximité de l’Ontario « ont connu une croissance des transactions, des ventes et des bouteilles vendues, plus élevée que l’ensemble du réseau des succursales ».

Selon des informations transmises par la SAQ aux élus au printemps 2017, lors de l’Étude des crédits (2017-2018), le Québec se classe désormais « au 2e rang des provinces pour les prix des vins les moins chers au Canada et au 1er rang pour les spiritueux ». Le rang des autres provinces n’est pas précisé.

« Changement structurel » et « éventuelle concurrence »

La lecture des documents permet en outre de constater que le contrôle des coûts est une préoccupation récurrente de la haute direction.

Au printemps 2016, le chef de la direction financière, Raymond Paré, rappelle au conseil que « le niveau de performance de la Société a été questionné au cours de la dernière année [et que] les attentes de performance du ministre des Finances sont plus élevées notamment en ce qui concerne les coûts ».

Par la suite, M. Brunet et Mme Filion font régulièrement état des réductions de charge nette pratiquées notamment en abolissant des postes, en restructurant certains services et en renégociant des contrats.

M. Paré déclare dans sa présentation que la SAQ doit « intensifier ses efforts d’optimisation » afin de « répondre aux attentes de son actionnaire et ainsi être en meilleure position si le changement structurel du marché se produisait ». Les membres du conseil n’ont pas posé de questions sur le « changement structurel » en question. Et le sujet ne semble pas avoir été abordé lors des rencontres subséquentes, sinon, peut-être, au cours de discussions à huis clos dont la teneur n’apparaît pas dans les procès-verbaux.

Toutefois, en 2017, lors de la planification stratégique pour 2018-2020, la liste des enjeux auxquels la SAQ devra faire face inclut « sa situation face à une éventuelle concurrence ». Mais le sujet n’est pas davantage exploré.

Rémunération de la nouvelle PDG

Entrée en fonction le 1er mai dernier, la nouvelle PDG Catherine Dagenais a obtenu un salaire de base de 419 704 $, ce qui se compare à 410 067 $ pour son prédécesseur Alain Brunet (en date du 25 mars 2017). Son boni au rendement pourra atteindre 15 % de son salaire annuel de base et la SAQ lui fournit une automobile de fonction dont elle assume les frais d’immatriculation, d’assurances, de fonctionnement et d’entretien, sauf pendant ses vacances. Mme Dagenais peut aussi se faire rembourser l’achat de boissons alcooliques « jusqu’à concurrence […] de 2750 $ par année ». Ce montant constitue un avantage imposable, précise-t-on dans les documents consultés par La Presse.

SAQ

L’absentéisme demeure un gros problème

Le fort taux d’absentéisme des employés fait partie des grands enjeux avec lesquels la SAQ doit composer. D’ailleurs, le problème qui lui coûte chaque année des millions a maintes fois été abordé depuis 18 mois par les dirigeants et les membres du conseil, qui ont décidé de le calculer autrement.

Presque trois fois plus

Printemps 2017, la vice-présidente aux ressources humaines, Madeleine Gagnon, déclare au conseil « que des initiatives doivent être déployées afin de réduire le taux d’absentéisme des employés, qui se situe à 9,7 %, incluant les accidents de travail et les congés maladie ».

En comparaison, le taux d’absentéisme pour le commerce de détail est de 3,4 %, selon Statistique Canada, ajoute-t-elle. Il s’agit de la proportion moyenne d’employés qui sont absents du travail une semaine entière, ou une portion de celle-ci.

Coût supérieur à 27 millions

Pour son exercice clos au printemps 2016, le coût de l’absentéisme pour la SAQ a dépassé 27 millions, a indiqué Mme Gagnon.

La durée moyenne des invalidités est « supérieure à la médiane du marché ». La vice-présidente cite « le manque d’incitatif financier à revenir au travail et les limites des conventions collectives » comme les principales causes du problème.

Les pratiques de gestion doivent également être revues, selon elle, « afin d’inciter la présence au travail et rendre les gestionnaires imputables du suivi de ce type de dossiers ».

Peu de résultats

Automne 2017, la présidente du comité des ressources humaines, Lucie Martel, explique aux autres membres du conseil d’administration que « des contraintes liées à la convention collective du SEMB (Syndicat des employé(e)s de magasins et de bureaux de la SAQ) [limitent] fortement la capacité de la Société à intervenir au niveau de l’absence invalidité de plus de 7 jours ». Elle ajoute que « beaucoup d’efforts sont déployés par l’équipe de gestion des réclamations », mais qu’ils génèrent « peu de résultats concrets pour ce groupe d’employés ».

Nouvelle façon de compter

En raison des informations mentionnées par Mme Martel, la direction de la SAQ recommande d’« exclure pour le calcul de la bonification 2017-2018, les absences pour invalidité SEMB du résultat SAQ ».

En outre, « après discussion, les membres du conseil d’administration sont d’accord de ne pas tenir compte des absences pour invalidité du groupe SEMB dans le calcul du taux d’absentéisme pour l’année 2017-2018 », lit-on dans le procès-verbal de la rencontre.

Rappelons qu’environ 80 % des 6684 employés de la SAQ sont membres du SEMB (5500 travailleurs)

Le document précise en outre que pour l’exercice 2017-2018, le taux d’absentéisme à atteindre est établi à 7,0 %. Selon le dernier rapport annuel, le taux a connu « une belle diminution de 8,1 % », mais on ne précise pas à quel niveau il s’établit désormais.

Cibles du plan stratégique

L’enjeu de l’absentéisme est tel pour la SAQ que son plan stratégique 2018-2020 prévoit des cibles précises de réduction des taux annuels.

L’objectif est de réduire l’absentéisme de 20 % en trois ans par rapport aux résultats de 2016-2017, soit : - 5 % en 2018, - 7 % en 2019 et - 8 % en 2000.

Fin novembre 2017 (exercice 2018), l’« amélioration » était de 5,9 %, précise le procès-verbal.

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