Possibilité d’un gouvernement minoritaire

La guerre des mots

Ottawa — La « convention moderne » veut que Justin Trudeau présente sa démission si les conservateurs remportent le plus grand nombre de sièges lundi prochain. C’est à tout le moins ce qu’a plaidé hier son rival Andrew Scheer. Le premier ministre sortant ne veut pas se prononcer. Les néo-démocrates et les verts s’insurgent. Les experts tempèrent.

« La convention dans notre histoire moderne, c’est que le parti avec le plus de sièges peut former un gouvernement. L’autre chose qui est claire est qu’un premier ministre qui sort d’une élection avec moins de sièges qu’un autre parti démissionne. Ça, c’est une convention moderne aussi », a lancé le chef conservateur à Brampton, en Ontario.

Son lieutenant québécois, Alain Rayes, abonde dans le même sens. « Là-dessus, je suis catégorique. C’est le parti qui gagne le plus de sièges [qui forme le gouvernement]. Je pense que la population serait offusquée de savoir que quelqu’un essaie de contourner les règles », a-t-il dit en entrevue avec La Presse.

L’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes stipule que « si aucun parti ne détient la majorité, le gouvernement défait peut choisir de rester en poste jusqu’à ce qu’il soit renversé suivant un vote de confiance à la Chambre, ou il peut démissionner ».

Le chef libéral, qui passait une deuxième journée d’affilée au Québec pour galvaniser des troupes un peu sonnées par la progression du Bloc québécois dans les intentions de vote, n’a pas voulu lever le voile sur ses intentions si un tel scénario se concrétisait.

« Je me concentre sur l’élection d’un gouvernement progressiste. »

— Justin Trudeau, chef du Parti libéral

En 2015, alors qu’il tentait de déloger Stephen Harper, il avait épousé la position que ce dernier avait adoptée à l’époque de la crise de 2008 – celle que promeut maintenant Andrew Scheer. « Oui, c’est comme cela que ça s’est toujours passé […] Quiconque récolte le plus grand nombre de sièges a la première chance de gouverner », avait-il dit à CBC.

Néo-démocrates et verts en désaccord

La sortie d’Andrew Scheer a inspiré des commentaires cinglants à la leader du Parti vert, Elizabeth May. « C’est absolument faux, ce qu’il dit. Il devrait faire des études en science politique. La convention, c’est que le premier ministre a le droit d’essayer de former un gouvernement et d’obtenir la confiance de la Chambre », a-t-elle tonné.

« Il tente de convaincre la population du Canada de quelque chose qui n’est pas vrai », a-t-elle ajouté en entrevue avec La Presse.

Le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique (NPD), Alexandre Boulerice, a abondé dans le même sens. « Je trouve ça assez bizarre qu’un ancien président de la Chambre des communes invente une convention comme ça », a-t-il laissé tomber en entrevue avec La Presse, hier.

« C’est comme s’il essayait de jouer avec l’opinion publique en disant : “Ben voyons, c’est sûr que ça devrait être moi le premier ministre si les conservateurs avaient l’avantage des sièges.” Je pense qu’il essaie de se placer dans une position avantageuse au cas où ce scénario se concrétiserait », a-t-il suggéré.

Sa formation est ouverte au fait de travailler avec les libéraux, mais pas avec les conservateurs. Et contrairement à ce qu’a affirmé Andrew Scheer, il n’y aurait pas de négociations en coulisse pour s’assurer que des néo-démocrates siègent au Cabinet.

« Nos conditions sont sur les enjeux. Pas sur des postes de ministre. »

— Alexandre Boulerice, chef adjoint du NPD

Au Parti libéral, si on ne se prononce pas sur l’éventualité d’une alliance avec le NPD, c’est pour une raison stratégique. « On ne veut pas faire “fliper” des votes vers le NPD alors qu’il reste encore quatre jours pour faire sortir le vote libéral », a exposé hier à La Presse une source au parti.

Au Bloc québécois, le chef Yves-François Blanchet a signifié qu’il donnerait son appui à la pièce à un gouvernement minoritaire, qu’il soit libéral ou conservateur. Sur les ondes de Radio-Canada, hier, il a affirmé qu’« évidemment » il n’hésiterait pas à faire tomber un gouvernement dont le discours du Trône irait à l’encontre des demandes du Québec.

Qu’en pensent les constitutionnalistes ?

Ces jours-ci, à Ottawa, on dépoussière les Rolodex pour retrouver les experts qui, dans les années 2000, alors que les gouvernements minoritaires se succédaient au fédéral (2004, 2006, 2008), étaient appelés à intervenir régulièrement sur la question.

Le professeur titulaire à la faculté de droit de l’Université de Montréal Stéphane Beaulac était de ceux-là. Et il estime que le droit constitutionnel a beaucoup évolué depuis une décennie, notamment à la suite de récentes décisions de la Cour suprême dans le dossier du Brexit.

« M. Scheer n’a ni raison ni tort. Il s’essaie ; il veut sortir de la position traditionnelle qui donne au premier ministre sortant la chance de former le gouvernement. Et il n’a pas tort de le faire. Parce qu’on est en terrain de convention constitutionnelle ; c’est donc non juridique », a-t-il fait valoir en entrevue avec La Presse.

Spécialiste du système de Westminster, le professeur Philippe Lagassé est du même avis. « C’est une tradition. D’habitude, on la suit, mais dans certaines circonstances, on peut la mettre de côté, a-t-il soulevé. La vraie convention, c’est la confiance de la Chambre. »

Une Chambre dont la composition demeure hautement imprévisible à quatre jours du jour J.

Quelques cas de figure

En 1979, Pierre Elliott Trudeau a démissionné après que les progressistes-conservateurs de Joe Clark eurent remporté le plus grand nombre de sièges. Il a finalement fait son retour quand le gouvernement minoritaire a été renversé. Plus récemment, en 2006, le premier ministre sortant libéral Paul Martin a jeté l’éponge après avoir été battu par les conservateurs de Stephen Harper. Là encore, il s’agissait d’une minorité parlementaire.

Sur la scène provinciale, on recense deux cas de figure récents. Au Nouveau-Brunswick, l’an dernier, le premier ministre Brian Gallant a essayé de gouverner même s’il avait fait élire un député de moins que son rival conservateur, Blaine Higgs. Son gouvernement a été défait lors du vote sur le discours du Trône. En Colombie-Britannique, Christy Clark a tenté de faire la même chose, mais ce fut aussi un échec : les néo-démocrates et les verts ont fait front commun et la première ministre sortante a perdu la confiance de l’Assemblée.

— Mélanie Marquis, La Presse

Et en cas de match nul ?

Et si les libéraux et les conservateurs récoltaient le même nombre de sièges ? Cette éventualité, bien réelle quoique peu probable, frappe l’imagination. Or, elle aurait en substance le même effet qu’une courte victoire d’un parti.

Tout dépend, en fait, de la volonté du premier ministre de démissionner ou non après le scrutin.

Dans le cas d’une égalité de sièges, voire d’une défaite serrée, « Justin Trudeau n’aurait aucun intérêt à démissionner », estime Jean-François Godbout, professeur titulaire de science politique à l’Université de Montréal.

En 1925, le premier ministre Mackenzie King et le Parti libéral ont perdu les élections aux mains du Parti conservateur, qui n’avait toutefois pu obtenir la majorité. King a refusé de démissionner et, avec l’appui du Parti progressiste, il est demeuré à la tête du pays.

Six mois plus tard, à la suite d’un scandale politique qui a érodé la confiance de ses alliés, King a demandé au gouverneur général, lord Byng, de dissoudre la Chambre et de provoquer des élections.

Ce dernier a refusé et a demandé au Parti conservateur de tenter de former un gouvernement… qui a été défait en Chambre après quelques jours. Byng a finalement consenti à déclencher des élections, qui ont été remportées par les libéraux de Mackenzie King, cette fois avec un mandat majoritaire.

« C’est la même chose aujourd’hui : aller voir Julie Payette et aller en élections vite, ça peut jouer pour un parti comme ça peut jouer contre lui », conclut Jean-François Godbout.

— Simon-Olivier Lorange, La Presse

Groupes féministes

« Nos enjeux ont été complètement ignorés »

À trois jours des élections fédérales, les principaux groupes de femmes du Québec déposeront aujourd’hui une série de demandes aux partis politiques, a appris La Presse, à la fin d’une campagne où les enjeux féministes sont demeurés « invisibles » lorsqu’ils n’ont pas été carrément « instrumentalisés à des fins électoralistes », disent-ils.

Parmi leurs revendications, la Fédération des femmes du Québec, Femmes autochtones du Québec, la Fédération québécoise pour le planning des naissances, qui défend le libre choix à l’avortement, et une dizaine d’autres organismes souhaitent la mise sur pied de comités consultatif permanents dont la mission serait d’analyser chaque nouvelle politique fédérale afin de « s’assurer qu’elles ne sont pas discriminatoires envers les femmes ».

« Un regard féminin éviterait la discrimination systémique », espère Mariane Labrecque, de la Fédération pour le planning des naissances du Québec. De tels comités ont déjà existé, dit-elle, mais ils ont depuis longtemps été remplacés par des consultations sporadiques, qui n’ont pas le même effet.

Les 13 groupes, qui tiennent aujourd’hui une conférence de presse pour publiciser leurs demandes, revendiqueront aussi une réforme du système de justice pour les femmes victimes d’agression sexuelle afin d’en faciliter l’accès, deux ans après le lancement du mouvement #moiaussi. Pour certaines femmes issues des groupes les plus marginalisés, selon Mélanie Lemay du groupe Québec contre les violences sexuelles, la seule idée d’aller voir la police apparaît parfois tout simplement impossible.

« Sonner l’alarme »

À quelques jours du vote, la coalition veut « sonner l’alarme ».

« On veut leur dire : il vous reste seulement quelques jours. Sortez sur la place publique et dites que vous avez un intérêt. »

— Mariane Labrecque, de la Fédération pour le planning des naissances du Québec

« Nos enjeux ont été complètement ignorés, sinon pour en faire une certaine forme d’instrumentalisation, déplore-t-elle. Tout ce qui touche les femmes autochtones, malgré une commission d’enquête [l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées] qui a conclu à un génocide, n’a eu aucune résonance auprès de nos politiciens. Le dossier de l’avortement, qui a été abordé de manière vraiment superficielle, est à peu près le seul sujet touchant les femmes qui a été abordé. Ces enjeux-là ne sont pas priorisés. »

Qu’est-ce qui explique un tel constat ? Mme Labrecque craint que le simple fait de parler des sujets touchant les femmes soit mal vu sur la place publique. « On dirait qu’être identifié comme féministe ou avec des idées féministes a un effet repoussoir, ce qui fait que certains politiciens n’osent pas s’identifier comme tels. C’est comme si le fait d’être féministe pouvait leur enlever des points. »

Élections fédérales

Libéraux et bloquistes à égalité au Québec

La montée du Bloc québécois dans la province ne s’essouffle pas. Un coup de sonde de la firme Léger, mené pour TVA, place les troupes libérales et bloquistes à égalité dans les intentions de vote des électeurs québécois, avec 31 %. De l’aveu même de son chef, la formation politique ne s’attendait pas à une telle ascension « à ce point-là ».

« On constate qu’il se passe assurément quelque chose », a admis Yves-François Blanchet, hier, tout juste après le dévoilement des résultats du sondage Léger. « On aime ce qui se passe, évidemment, mais on ne présumera de rien. On ne ralentira pas nos efforts jusqu’à ce que les bureaux [de vote] se ferment », a-t-il nuancé.

Le Bloc québécois connaît une forte progression tous sondages confondus depuis les derniers jours de la campagne fédérale. Dans les rangs de la formation, on estime que la performance d’Yves-François Blanchet lors des trois débats télévisés, notamment le premier diffusé sur les ondes de TVA, n’est pas étrangère à cette remontée.

Le sondage Léger indique que le Bloc québécois arrive en tête dans les intentions de vote au Québec, à égalité avec le Parti libéral, avec 31 % des voix. C’est à l’extérieur de Montréal que l’influence du Bloc se fait le plus sentir : le parti est en avance en Montérégie (39 %), dans Lanaudière-Laurentides (45 %) et dans le Centre-du-Québec (36 %).

TVA Nouvelles rapporte que les troupes de Justin Trudeau sont toutefois bien en selle à Montréal, où leurs appuis atteignent 43 %. Le Parti conservateur, quant à lui, fait du surplace, en ne récoltant que 16 % des intentions de vote dans la province, un score identique à celui de l’enquête précédente de Léger, publiée la semaine dernière.

Les conservateurs d’Andrew Scheer demeurent néanmoins devant le NPD (14 %), le Parti vert (6 %) et le Parti populaire (2 %).

« Je vais me garder la même réserve que d’habitude parce que les sondages ne sont pas le produit d’une science exacte. Un sondage, ce n’est pas une élection. »

— Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

« Partis de très, très loin »

Il reste que celui qui affirmait en septembre, en entrevue éditoriale à La Presse, que sa formation était « sortie du cimetière » admet qu’il n’aurait pas pu s’imaginer un scénario positif « à ce point-là » en début de campagne. « On est partis en effet de très, très loin », a-t-il réitéré hier. Mais M. Blanchet ne s’aventure pas à revoir à la hausse son « plancher de 20 élus » qu’il s’est fixé.

« Il faut être honnête, j’imagine que la probabilité de dépasser les 20 sièges est assez élevée. J’accueille ça avec du bonheur, c’était très personnel, parce que je considérais que si on n’atteignait pas les 20 sièges, ce n’est pas fait encore, on verra lundi […] j’aurais été déçu moi-même […], mais, non, mon plancher n’a pas bougé », a-t-il soutenu.

Alors qu’il pourrait faire des gains dans plusieurs régions du Québec, le Bloc québécois s’invite aussi dans des batailles sur l’île de Montréal, notamment dans Hochelaga-Maisonneuve et Laurier–Sainte-Marie, deux circonscriptions détenues par le NPD, où la lutte est particulièrement serrée.

Le chef a d’ailleurs fait campagne hier dans ces deux secteurs, en plus de faire un saut dans Rosemont–La Petite-Patrie, défendue par le néo-démocrate Alexandre Boulerice.

Le sondage de Léger a été mené auprès de 3003 répondants du 13 au 15 octobre. Sa marge d’erreur est de 1,79 %, 19 fois sur 20.

Élections fédérales

Dans la tête des indécis

Les nombreuses luttes à trois ou quatre dans la campagne fédérale rendent très difficile le travail des sondeurs. L’une des principales énigmes est le comportement des indécis. S’agit-il d’électeurs qui n’ont vraiment pas encore pris leur décision ? De gens qui cachent leur jeu ? De fiers partisans déçus de leur parti ? Ou simplement des gens qui n’iront pas voter ?

Des sondages difficiles à interpréter

Le résultat des élections de lundi est « extrêmement difficile à prévoir », selon Claire Durand, sociologue de l’Université de Montréal qui est spécialiste des sondages. « On voit une diminution du nombre d’indécis, mais les électeurs qui pensent voter pour les deux principaux partis sont moins certains de leur choix. » Les luttes à trois, quatre ou même cinq compliquent l’évaluation du nombre de sièges que remportera chaque parti. « Avec les deux principaux partis à égalité, et les deux suivants à égalité aussi, avec le Bloc qui remonte au Québec, le moindre point de pourcentage qui bouge peut se traduire par 25, 50 sièges de plus ou de moins. C’est la pire situation pour les agrégateurs de sondages qui tentent de faire une carte électorale. Les sondages régionaux contiennent des erreurs énormes. » Quelques constantes permettent tout de même d’y voir plus clair, selon Mme Durand. « Le vote conservateur est généralement sous-estimé, et le vote libéral au Québec aussi. L’appui à certains partis est souvent surestimé, notamment le Bloc, le NPD et surtout les verts. »

Sept catégories d’indécis

Les indécis ont été classés par diverses études dans plusieurs catégories. « Il y a des gens plus influençables, moins informés, souvent moins instruits », dit Seth Hill, politologue de l’Université de Californie à San Diego qui a publié une étude sur la participation électorale des indécis, en 2017, dans la revue Electoral Studies. « Il y a des indépendants qui se font une idée nouvelle à chaque campagne électorale. Il y a ceux qui hésitent sur le plan affectif entre divers candidats, divers partis. Il y a ceux qui n’aiment pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. Il y a les partisans qui ont des difficultés avec certaines des nouvelles positions de leur parti. Il y a les situations où plusieurs partis correspondent aux préférences économiques d’un électeur. Et il y a les vrais indécis, des gens qui n’arrivent jamais à faire un choix rapidement dans la vie. »

À propos des électeurs pivots

Les études sur les indécis se concentrent aux États-Unis sur les « électeurs pivots », les swing voters. « Comme nous avons seulement deux partis présidentiables, un électeur indécis passe de l’un à l’autre, donc il pivote, explique Seth Hill. C’est une image qui rend le concept moins fade. » Une distinction importante est que la catégorie américaine inclut aussi les électeurs dont le choix est arrêté mais fragile, selon William Mayer, politologue de l’Université Northeastern à Boston qui a publié un livre sur le sujet en 2008. « Ce sont des électeurs très importants pour les partis, dit M. Mayer. Les algorithmes qui ciblent les médias sociaux vont les viser en priorité. » Tout comme au Canada, les « électeurs pivots » américains sont moins instruits et s’intéressent moins à la politique, mais ils ont une caractéristique supplémentaire : ils sont centristes, selon M. Mayer.

Un demi-siècle d’études

Les premières études sur les indécis remontent aux années 60. « Le taux d’indécis a commencé à augmenter avec l’affaiblissement de l’identification à un parti, dans le cadre de la libéralisation générale des mœurs en Occident », explique Spyros Kosmidis, politologue de l’Université d’Oxford qui a publié plusieurs études sur la question. André Blais, lui, pense que le nombre réel d’indécis est plus bas que ne le disent les sondages. « On peut avoir une idée, mais ne pas être prêt à dire qu’on a fait son choix, dit M. Blais. C’est pour ça qu’on commence à poser des deuxièmes questions, dernièrement, pour voir si les indécis tendent quand même vers un parti plutôt qu’un autre. » Les indécis sont-ils moins susceptibles d’aller voter ? « Par définition, il est très difficile d’étudier les gens qui ne votent pas, dit M. Blais. Mais en général, ne pas voter est un comportement qui se reproduit. Si une personne est indécise mais a déjà voté par le passé, elle va probablement retourner voter. »

Élections fédérales 2019

Le Pacte appelle à barrer la route aux conservateurs

Le Pacte pour la transition a sauté dans la campagne électorale en appelant à voter contre le Parti conservateur, dans un courriel envoyé hier matin à certains de ses signataires.

Le message, envoyé à quelque 57 000 signataires du Pacte habitant dans 16 circonscriptions électorales où les sondages prévoient une lutte serrée, invite à y voter « pour le parti qui a le plus de chances de vaincre le Parti conservateur ».

Les responsables du Pacte ont ainsi voulu cibler des « comtés pivots qui pourraient faire une différence le 21 octobre », a expliqué à La Presse l’écosociologue Laure Waridel, co-porte-parole de cette initiative citoyenne.

« Ce n’est pas un geste qu’on aurait posé au début de la campagne électorale », précise-t-elle, mais la « possibilité réelle de l’élection d’un parti anti-climat, en l’occurrence le Parti conservateur », les a convaincus.

« On sent qu’on a l’obligation, à quelques jours des élections, d’informer les signataires du Pacte de l’importance de voter pour l’environnement. »

— Laure Waridel, du Pacte pour la transition

Initiative « non partisane »

Le Pacte estime que son intervention n’est pas partisane, puisqu’il prend position « en faveur d’une transition énergétique de la société » et non pas d’une formation politique, affirme Laure Waridel.

Elle ajoute que ce sont les réponses du Parti conservateur lui-même aux questions d’une coalition de groupes environnementaux qui démontre que la formation d’Andrew Scheer prévoit « clairement mettre en place des politiques publiques qui vont nuire à l’environnement ».

« Ce n’est pas nécessairement un appel à voter libéral », dit-elle, expliquant que dans certaines circonscriptions, les sondages montrent que ce sont des candidats bloquistes ou néo-démocrates qui ont le plus de chances de défaire le candidat conservateur.

Le Pacte n’a pas consulté Élections Canada avant d’envoyer son appel à voter contre les conservateurs, mais dit avoir obtenu un avis juridique statuant que la démarche ne contrevient pas à la Loi électorale.

À Élections Canada, on n’a pas voulu se prononcer précisément sur l’initiative du Pacte.

« On ne commente pas sur la légalité des cas particuliers “sur le tas”. C’est le mandat du Commissaire aux élections fédérales de faire enquête et de prendre les mesures d’application de la loi appropriées, basées sur les plaintes qu’il reçoit », a écrit à La Presse Natasha Gauthier, porte-parole de l’organisme.

Elle signale toutefois qu’une opération ne comportant aucune dépense n’enfreint pas les règles qui encadrent les activités de ce que l’on appelle les « tiers partis » pendant la campagne électorale.

« Si leurs activités ne comportent aucune dépense (messages affichés sans coûts sur les médias sociaux, courriels d’un compte gratuit) ou si leurs dépenses n’atteignent pas le seuil des 500 $, les règlements ne s’appliquent pas », a-t-elle expliqué.

Blanchet perplexe

Le chef du Bloc québécois, signataire du Pacte, s’est toutefois dit perplexe devant cette initiative.

« Je l’interprète comme quelqu’un qui a signé le Pacte. On est combien parmi les signataires à se dire : “Une minute, je n’ai pas signé en voulant être utilisé pour la promotion d’un parti politique.” »

— Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois, interrogé par des journalistes sur la question

De passage ce matin dans Hochelaga, M. Blanchet a par ailleurs indiqué qu’il s’expliquait mal la position de M. Champagne, à quelques jours du scrutin général du 21 octobre.

« Son appel m’est apparu, tout en étant totalement légitime, comme un peu isolé. Je ne lui ai pas parlé, je le connais très peu, mais je reste un peu étonné qu’on puisse se dire environnementaliste et soutenir une formation politique dont le programme dit qu’on va augmenter l’extraction, le transport et la transformation de carburant fossile », a-t-il aussi indiqué.

« Je ne porterai aucun jugement sur M. Champagne ni sur aucun militant environnemental, mais je peux assurer que notre programme à nous ne va pas dans le sens de l’augmentation du pétrole », a ajouté M. Blanchet, qui fait campagne aujourd’hui dans la métropole.

Pour sa part, le Nouveau Parti démocratique (NPD) invite les électeurs à « voter avec leur cœur » et à prendre les projections électorales avec un grain de sel. Le chef adjoint Alexandre Boulerice assure d’ailleurs ne pas avoir interprété le geste des auteurs du Pacte comme un appel au vote libéral. « On le voit comme un appel au vote pour l’environnement, et le NPD est une des meilleures options sur la table à ce sujet », a-t-il affirmé à La Presse.

Au Parti conservateur, la réaction à cette offensive a été plutôt laconique.

« Nous nous concentrons sur la campagne sur le terrain en demandant un gouvernement conservateur majoritaire et nous ne nous laissons pas distraire », a déclaré à La Presse un porte-parole de la formation, Rudy Husny.

Publicités contre le Bloc et les libéraux

Le groupe Québec Fier visé par une plainte électorale

Le groupe de pression Québec Fier est visé par une plainte électorale. Selon l’organisme Democracy Watch, le groupe, très actif sur les réseaux sociaux, reçoit de l’argent d’un groupe de réflexion (think tank) albertain, ce qui contrevient à la loi. La plainte a été envoyée hier au Commissaire aux élections fédérales. La Presse a écrit récemment que Québec Fier avait reçu, 12 jours après le déclenchement de la campagne fédérale, un chèque de 45 000 $ du Manning Centre, groupe de réflexion de droite proche des sociétés pétrolières. Avec cet argent venu de l’ouest, Québec Fier se paie des publicités sur Facebook et des appels automatisés afin de nuire aux libéraux et au Bloc québécois. Québec Fier invite plutôt les Québécois à voter pour les conservateurs d’Andrew Scheer. — Gabriel Béland, La Presse

Logement social

Blanchet exige un réinvestissement massif d’Ottawa

Le chef du Bloc québécois a demandé hier un réinvestissement massif en matière de logement social. Jugeant que le Québec est le mieux placé pour connaître les besoins sur son territoire, Yves-François Blanchet s’est engagé à exiger d’Ottawa qu’il réinvestisse 3 milliards de plus pour le logement social et de transférer l’argent sans condition au Québec. Il a rappelé que l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité, le 9 octobre dernier, une motion réitérant que le Québec a compétence exclusive en matière de logement et d’habitation et dénonçant l’ingérence du gouvernement fédéral dans son champ de compétence exclusif. La motion demandait également le transfert sans condition des sommes prévues à la Stratégie nationale sur le logement vers les programmes québécois. 

— La Presse canadienne

Nouveau Parti démocratique

Singh se défend d’avoir associé le Bloc au Front national

Jagmeet Singh a été invité à revenir sur des propos tenus mercredi soir, alors qu’il a noté qu’« il y a des fans de Marine Le Pen et du Front national » au sein du Bloc québécois. Lorsqu’on lui a demandé s’il regrettait d’avoir associé le Bloc à un parti d’extrême droite, le chef néo-démocrate a rappelé qu’il avait parlé de « fans », et non pas d’« associés ». « Ce que j’ai dit, c’est qu’on a des membres du Bloc qui sont des fans de ce groupe, et ça, c’est quelque chose qui est troublant », a-t-il insisté. Il a profité de la question pour s’inscrire à nouveau comme l’unique choix progressiste pour la province. « Les propos, les révélations des dernières semaines montrent que pour plusieurs personnes au Québec, le Bloc ne représente pas une option progressiste et j’ai voulu donner une ouverture que nous sommes l’option pour les gens qui veulent avoir une option progressiste. »  — La Presse canadienne

Rassemblement à Montréal pour Trudeau

« Le Bloc québécois n’a pas le monopole sur la fierté québécoise », a lancé Justin Trudeau sous les cris enthousiastes de centaines de partisans. Le chef libéral s’est adressé à la foule lors d’un rassemblement, hier soir, dans le quartier Rosemont, à Montréal. Il a affirmé sa fierté d’être québécois et l’importance d’avoir « des Québécois sur la glace, et non sur le banc », en référence au rôle d’opposition du Bloc à Ottawa. Justin Trudeau était accompagné de plusieurs candidats de son équipe. Le chef libéral a insisté plusieurs fois sur le « progressisme » de sa formation politique. « Il y a un seul parti qui est capable de livrer un gouvernement progressif, et c’est le Parti libéral », a tonné M. Trudeau. — Janie Gosselin, La Presse

Élections fédérales

Obama payant pour les libéraux

Le Parti libéral a fait le plein de dons électoraux, depuis que l’ancien président des États-Unis, Barack Obama, a appuyé la candidature de Justin Trudeau. « Hier, nous avons connu notre meilleure journée depuis le début de la campagne en matière de financement de la base », a écrit la formation dans un courriel envoyé hier par l’entremise d’une liste de distribution. L’ex-président américain s’est invité dans la campagne électorale en publiant mercredi un tweet en appui à Justin Trudeau. Il a exhorté les Canadiens à confier un deuxième mandat au premier ministre sortant, « travaillant » et « efficace ». Ce tweet, qui a jusqu’à présent été « aimé » plus de 300 000 fois, a fait sourciller. Mais selon Élections Canada, il ne contrevient pas à la Loi électorale et ne constitue pas une ingérence étrangère dans le processus démocratique canadien. Le chef libéral Justin Trudeau a refusé de dire si lui ou son équipe avaient sollicité l’ancien locataire de la Maison-Blanche. Il s’est contenté de souligner que Barack Obama était capable de « se faire sa propre idée ». Il n’a pas été possible de savoir quelle somme le Parti libéral a recueillie. — Mélanie Marquis, La Presse

Au Québec aujourd’hui

Le chef conservateur Andrew Scheer fera campagne avec le candidat Richard Lehoux à Saint-Georges et prononcera une allocution en soirée à Drummondville. Le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet rencontrera le maire de Shawinigan Michel Angers en matinée avant de se rendre à Québec, La Pocatière, Montmagny et Acton Vale. Maxime Bernier, chef du Parti populaire, fera le bilan de sa campagne à Québec en après-midi. Justin Trudeau sera en Ontario. Elizabeth May et Jagmeet Singh feront quant à eux campagne en Colombie-Britannique. — D’après La Presse canadienne

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