Opinion : Montréal

Laissons la voie libre aux véhicules à essence en libre-service

Réduire la taille du parc automobile et la dépendance à la voiture privée devraient être les priorités de la Ville de Montréal, pas réduire l’offre des véhicules à essence en libre-service (VLS).

L’autopartage et les véhicules en libre-service (VLS) attirent de plus en plus d’utilisateurs à Montréal. Ces options de rechange sont moins coûteuses qu’un véhicule privé et bénéficient à tous parce qu’elles limitent la congestion routière et la pollution urbaine, tout en réduisant notre dépendance à la voiture privée. Or, la Ville de Montréal entend imposer aux entreprises actuelles, Communauto et Car2Go, un moratoire sur les VLS à essence au profit des véhicules électriques.

À notre sens, cette mesure ne s’attaque pas aux vrais enjeux : la réduction de la taille du parc automobile de Montréal et notre dépendance aux voitures privées.

De 2004 à 2014, la population de l’agglomération de Montréal a connu une croissance de 6 %. Durant la même période, la Société de l’assurance automobile du Québec a enregistré une hausse de 11 % du nombre de véhicules de promenade. Si le nombre d’automobiles a baissé de 4 %, celui de camions dits « légers » (entre 1,5 et 2 tonnes) – y compris les véhicules utilitaires sport – a augmenté de 68 %. Il y a donc plus de véhicules privés sur les routes de Montréal, et ces véhicules sont de plus en plus gros, consomment plus de pétrole et émettent plus de gaz à effet de serre (GES).

TENDANCE COÛTEUSE

Les conséquences de cette tendance n’augurent rien de bon pour la ville de Montréal. Les véhicules dorment plus de 90 % du temps dans un stationnement, souvent le long des rues, dans un espace public. Quand ils circulent, ils affectent la qualité de l’air et peuvent causer des accidents. De plus, la congestion qu’ils entraînent se traduit par une perte de productivité. Enfin, ils nous poussent à toujours dépenser plus pour des routes, ponts et infrastructures. Bref, les élus se retrouvent à devoir immobiliser des millions de dollars pour les faire rouler.

Comme les transports collectifs et actifs, les services de VLS font partie des solutions pour remédier à ces problèmes. Selon une étude menée par le centre de recherche sur la durabilité des transports de l’Université de Berkeley, chaque VLS contribuerait à enlever de 7 à 11 véhicules de la route.

À Montréal, les véhicules partagés ne représentent que 0,1 % de tous les véhicules de promenade sur le territoire – et ces véhicules sont déjà des petites voitures, parfois même hybrides. Il est donc difficile d’imaginer que Montréal réduira ses GES et accélérera son virage électrique des transports par l’électrification des VLS. La raison en est simple : les Montréalais achètent toujours plus de VUS.

Le règlement prévu par la Ville de Montréal ainsi que la hausse du coût du permis risquent d’avoir peu d’impact pour contrer cette tendance et saperont les efforts des entreprises innovatrices en mobilité. En effet, le règlement limitera la croissance de l’offre déjà faible de VLS à cause de l’ajout de barrières administratives et du coût plus élevé lié aux véhicules électriques, lesquels font face aux contraintes actuelles liées à la recharge.

Plusieurs semblent croire qu’encourager les voitures électriques revient à régler le problème des changements climatiques. S’il est vrai que les voitures électriques peuvent constituer une partie de la solution, réduire le nombre de voitures sur les routes de Montréal aurait un impact plus important, tant d’un point de vue économique qu’environnemental.

Les solutions sont pourtant simples : contrer l’auto solo en offrant plus de flexibilité aux VLS, investir dans des transports en commun efficaces, développer le réseau cyclable et les aménagements piétonniers, tout en utilisant l’écofiscalité pour limiter la prolifération de camions légers.

Johanne Whitmore, chercheure principale, Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal ; Pierre-Olivier Pineau, professeur et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal ; Catherine Morency, professeure et titulaire de la Chaire de recherche sur l’évaluation et la mise en œuvre de la durabilité en transport, Polytechnique Montréal (Chaire mobilité) ; Martin Trépanier, codirecteur, Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d’entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT) ; Daniel Normandin, directeur exécutif, Institut de l’environnement du développement durable et de l’économie circulaire (Institut EDDEC)

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