CHRONIQUE RAPPROCHEMENT DES FORCES SOUVERAINISTES

L’arithmétique de la convergence

La convergence, le rapprochement des forces souverainistes pour défaire le gouvernement Couillard, repose, quand on y pense un peu, sur des raisonnements arithmétiques.

Les libéraux sont très difficiles à déloger en raison de la fragmentation des forces souverainistes – un problème de division. La convergence entre le Parti québécois (PQ) et Québec solidaire (QS) permettrait d’obtenir la masse critique pour les déloger – une solution qui passe par une addition.

Des arguments politiques puissants permettent de douter du succès d’une telle stratégie. Mais les principaux obstacles sont, eux aussi, de nature arithmétique. Le grand problème qui confronte les souverainistes, ce n’est pas la division, mais la soustraction. Et ce qui les menace, c’est une autre addition.

La division

Sur papier, c’est une division qui permet de croire que la convergence pourrait être une bonne idée. Selon le dernier sondage politique dont nous disposons, le Léger réalisé à la mi-mars pour Le Devoir et Le Journal de Montréal, le Parti libéral du Québec (PLQ) recueillait 34 % des intentions de vote. Par contre, les deux partis souverainistes en obtenaient 39 % : 25 % au Parti québécois et 14 % à Québec solidaire. C’est cette division qui assure le pouvoir aux libéraux. Le calcul est toutefois moins convaincant avec les résultats du CROP de décembre publié dans La Presse, où l’alliance entre le PQ et QS – 25 % et 9 % – ne suffit pas à dépasser les 38 % des libéraux.

L’addition

Le fait que la convergence repose sur une alliance des forces souverainistes oblige toutefois à faire une addition. Si on fait le total de tous ceux qui sont en faveur de la souveraineté, on arrive, avec le sondage Léger, à 36 % des intentions de vote, contre 64 % qui s’y opposent. Ce serait 30 % – 70 % avec le CROP.

Même si elle était un succès total, la convergence n’assure pas la victoire.

Voilà pourquoi la stratégie fait face à un méchant problème d’addition. Sauf si elle se limite à quelques ententes ponctuelles dans des circonscriptions où un candidat libéral a réussi à se faufiler.

La transitivité

À cela s’ajoute un problème politique évident, que l’on pourrait décrire avec un autre terme mathématique un peu plus savant, la transitivité. Ce n’est pas parce que Québec solidaire prône la souveraineté et que le PQ prône aussi la souveraineté, qu’un vote QS aille automatiquement au PQ, ou vice versa. L’objectif commun de la souveraineté n’efface pas les profondes différences idéologiques entre les deux partis. Bien des partisans de QS ne se rallieront pas à un parti qui, à leurs yeux, n’est pas tellement mieux que le PLQ.

La soustraction

En plus, un autre processus entrera en jeu, celui de la soustraction. QS est un parti souverainiste, plus fervent en apparence que le PQ de Jean-François Lisée, puisqu’il promet un référendum dans un premier mandat. Mais dans les faits, son ciment est moins la souveraineté que son projet de société. Tant et si bien qu’une très forte proportion de ceux qui appuient QS, 42-43 %, voterait Non à un référendum sur la souveraineté. Il faudrait donc les soustraire.

Les inégalités mathématiques

Les messages que le chef péquiste multiplie pour séduire QS – leur laisser la voie libre dans Gouin, l’idée gauchiste de réduire la rémunération des grands commis de l’État – peuvent avoir l’effet pervers d’éloigner du PQ ses éléments les plus conservateurs, qui ne reconnaîtront plus leur parti et qui pourront être tentés d’aller regarder ailleurs, par exemple à la CAQ. Cela nous amène au concept bien utile d’inégalité mathématique. Est-ce que « a » – les gains obtenus grâce à la convergence – seront supérieurs à « b » – les départs du PQ ? a b ? Tout est là !

La multiplication

On peut également s’attendre à un effet boomerang parce qu’une forme d’alliance entre souverainistes risque de créer une polarisation constitutionnelle et donc de provoquer une réaction chez les non-souverainistes, lourdement majoritaires, rappelons-le. Ils pourraient être tentés d’appuyer l’option fédéraliste la plus susceptible de barrer la route à une stratégie souverainiste, jusqu’à nouvel ordre celle des libéraux. Les « convergistes » – ou encore les convergents – seraient ainsi confrontés à une autre réalité arithmétique, la multiplication de leurs opposants. N’oublions pas que le vote fédéraliste est lui aussi divisé entre le PLQ et la CAQ, et qu’une convergence d’un bord peut provoquer un phénomène similaire de l’autre.

Les fractions

La convergence est devenue une espèce d’obsession pour le PQ de Jean-François Lisée. Cela tient à la difficulté du courant souverainiste à composer avec un nouveau paradigme. Le vrai problème, ce n’est pas la division des forces souverainistes, mais leur érosion. Celle-ci peut s’illustrer par deux fractions, 1/2 contre 1/3 – la proportion des Québécois qui ont voté Oui en 1995, et celle que décrivent les sondages des dernières années. Cela fait de la convergence une mauvaise solution à un problème mal posé.

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