HOMMAGE BENOÎT AUBIN 1948-2017

Le monde de Benoît Aubin

Beaucoup de choses étaient remarquables chez le collègue Benoît Aubin, qui vient de nous quitter. Remarquables chez le journaliste. Remarquables chez l’homme.

Ayant exercé sa profession pendant plus de quatre décennies, Aubin a été reporter, patron de rédaction, chroniqueur – il a signé son dernier texte, trois jours avant de partir, dans Le Journal de Montréal.

Il a touché à tout, comme c’était courant jadis chez les scribes, affinant une manière de voir le monde et une écriture qu’on ne retrouvait chez personne d’autre.

Comme les grands musiciens dont on reconnaît tout de suite la touche, il meublait en effet ses papiers de points de vue originaux, parfois étonnants, souvent pleins d’humour.

Ainsi que d’assemblages de mots dont la tournure était instantanément reconnaissable.

Je me souviens d’un petit bijou qu’il avait sculpté, débarquant en Égypte, où il décrivait Le Caire comme « la fille au cégep qui est moins jolie que les cheerleaders, mais qu’on finira par demander en mariage parce qu’elle a une âme ». En une douzaine de mots, la mégapole ainsi décrite aguichait irrésistiblement le lecteur. De fait, Aubin excellait lorsqu’il partait en mission à l’étranger (en particulier dans ses phases L’actualité et Maclean’s, car il a officié tout aussi magistralement dans les deux langues, entre La Presse et le Globe and Mail).

***

Benoît était un être extraordinairement attachant.

Il était brillant, cultivé, drôle à se taper sur les cuisses, pas compliqué, sans appétit pour les brouets idéologiques dans lesquels beaucoup se noient aujourd’hui.

Il aimait d’amour ses amis et le disait volontiers. Il aimait d’amour les humains en général – presque trop, à mon sens. Ces humains dont il était inlassablement curieux et dont il pardonnait facilement les défauts et les excès, parce qu’il ne prétendait pas être un saint et n’aurait jamais songé à faire la morale.

Benoît était, comme moi, un gars de Québec. Cela nous a beaucoup rapprochés : même après des décennies d’exil, en effet, on n’oublie jamais les vieux murs, les côtes, les Plaines, les quais. Il nous est arrivé de partager un pichet rue Sous-le-fort, où je suis né, où il a logé ses extravagances de jeune adulte. Benoît était dans une forme splendide et, sous le soleil, s’abandonnait au plaisir de vivre, de rire, de flâner, de contempler…

C’est l’image que je garderai de lui. L’image de l’homme, autant que celle du journaliste.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.