Idées d’ailleurs

Métro, boulot, « fika », dodo

Le problème : le manque de cohésion entre employés
Une solution : en Suède, la « fika » permet aux collègues de se réunir deux fois par jour dans un cadre informel

Au fil des décennies, les Suédois ont mis en place une pause café quasi sacrée appelée « fika », observée par tous les membres d’une organisation, qui sert à relaxer et à faire tomber les barrières entre patrons et employés. Le concept commence à prendre racine à l’extérieur de la Suède.

qu’est-ce que la « fika » ?

Le site The Local décrit la « fika » comme « un moment, souvent planifié, seul ou avec des amis ou des collègues, où l’on savoure une tasse de café ou de thé ou bien un jus, tout en mangeant quelque chose de sucré, typiquement une brioche à la cannelle. » Elle a lieu deux fois par jour : vers 9 h 30 ou 10 h, et vers 14 h 30 ou 15 h.

Viveka Adelswärd, professeure émérite en communications à l’Université de Linköping et spécialiste des conversations informelles, a décrit la tradition comme suit : « Nous nous rencontrons dans des circonstances informelles, échangeons et commentons ce qui se passe. La hiérarchie cesse d’exister pendant la fika ; tout le monde est au même niveau, peu importe notre influence ou notre rang dans l’entreprise. »

Comment l’idée est-elle née ?

Le mot « fika » trouverait son origine il y a une centaine d’années. À l’époque, boire du café était considéré comme une habitude masculine en Europe. Au fil des décennies, la fika est devenue une institution sociale pour les Suédois, hommes et femmes, qui comptent parmi les plus grands buveurs de café du monde, écrit Mme Adelswärd. « De nos jours, si quelqu’un refuse de faire partie de la fika, il attire l’attention. C’est presque vu comme quelque chose de déplacé. »

Quel est le but recherché ?

Relaxer, favoriser les échanges informels entre amis et collègues, et se changer les idées. Plusieurs études montrent que la pratique est bénéfique. L’une des plus souvent citées est celle menée il y a quelques années par Alex Pentland, chercheur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui a étudié les interactions entre les employés d’un centre d’appels. Il a recommandé de tenir des pauses-café auxquelles tous les participants d’une équipe prendraient part en même temps. Sur papier, cette façon de faire aurait dû réduire la productivité. Or, le contraire s’est produit : l’augmentation de la productivité engendrée par les échanges sociaux a permis à l’entreprise de faire des gains, et les employés ont rapporté un taux plus élevé de satisfaction au travail.

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les travailleurs suédois figurent parmi les moins stressés et les plus heureux du monde, avec ceux du Danemark, de la Finlande et des Pays-Bas.

La tactique est-elle employée ailleurs ?

L’idée de marquer une pause en matinée ou l’après-midi est présente dans bien des cultures. Les Britanniques ont leur thé d’après-midi, les Espagnols et les Italiens ont la merienda, mais la fika suédoise est différente en ce qu’elle est systématique et régulière, deux fois par jour.

Hanna Månsson, une Suédoise qui habite à Londres depuis près de 12 ans, dit que ce qui lui manquait le plus de la Suède à Londres était la fika. Elle a convaincu ses patrons l’an dernier d’essayer une fika l’après-midi pendant deux semaines. Chaque employé était responsable d’apporter des pâtisseries à tour de rôle.

« Au départ, je devais convaincre les gens d’y aller. Mais bien vite, ce sont mes collègues qui ont pris le contrôle, écrit-elle dans son compte rendu publié sur The Local. Au bout de deux semaines, tous les travailleurs ont rapporté avoir aimé l’expérience. Les gens ont dit que ça les rapprochait, et que ça augmentait leur niveau d’énergie l’après-midi. À la demande générale, nous avons décidé de garder la fika. »

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