ENTREVUE AVEC LA PME EFFIX

Le pouvoir d’attraction du Canadien reste intact

Mardi soir, au Centre Bell. La première période du match entre le Canadien et les Blue Jackets se termine avec une avance de deux buts pour Colombus. Quelques secondes après le signal sonore, alors que les partisans dépités quittent les gradins pour aller se chercher une bière, une demi-douzaine d’hommes se lancent sur la glace pour changer à toute allure le tiers des bandes publicitaires autour de la patinoire.

Sur la galerie de presse, tout en haut de l’amphithéâtre, Nicolas Petit suit la manœuvre avec attention. Depuis le début de la partie, ce jeune employé de la PME Effix note sur sa feuille de route chaque changement de publicité sur les tableaux numériques et sur les bandes. Son objectif : s’assurer que les commanditaires du Tricolore aient toute la visibilité pour laquelle ils ont payé.

Sans faire trop de bruit, Effix a contribué depuis 30 ans à faire passer les revenus de commandites du Canadien d’une poignée de dollars à plus de 40 millions chaque année, au sommet de la Ligue nationale de hockey (LNH).

« À l’époque, il n’y avait pas de publicités sur les bandes, il n’y en avait pas sur la glace, il n’y avait pas d’internet. Grosso modo, il n’y avait rien. C’est pour ça qu’on a pu créer cette affaire-là et mettre l’accent là-dessus. »

— François-Xavier Seigneur, président fondateur de la discrète PME Effix

« F-X » Seigneur, comme tout le monde l’appelle dans l’industrie, était vice-président du marketing du CH depuis plusieurs années déjà lorsqu’il a lancé Effix, en 1986. L’idée était alors d’avoir une entreprise indépendante, entièrement consacrée à la gestion des revenus corporatifs du Canadien.

« Le marketing du sport en était alors à ses balbutiements, et pas juste au Canadien, et pas juste dans la LNH, rappelle Ronald Corey, président du CH de 1982 à 1999. C’était comme ça dans tous les sports en Amérique du Nord. »

Le lancement d’Effix a coïncidé avec le début de la diversification des revenus au sein du CH, souligne M. Corey. Tout le volet du marketing et des commandites est allé à l’équipe de F-X Seigneur, tandis que la promotion des spectacles (au Forum, puis au Centre Bell) a été confiée à Aldo Giampaolo, aujourd’hui gérant de la chanteuse Céline Dion.

AU GRÉ DES MODES

La façon de s’afficher des annonceurs a évolué par phases à partir du milieu des années 80, au gré des modes et des grands courants publicitaires.

« Au début, ce que cherchaient les commanditaires, c’était : "Mets mes annonces partout", souligne le président d’Effix. Je me rappelle m’être promené dans le Forum avec le VP marketing de Coke et il disait : "Tu as un mur libre là, on va mettre une annonce. Et on va la mettre en forme de verre !" C’était la créativité de l’époque. »

Les tactiques se sont raffinées au fil des ans, avec la multiplication des bandes et tableaux interactifs, la création d’espaces associés à des marques à l’intérieur du Centre Bell (Desjardins, Molson, Bell, etc.) ou encore l’implantation des publicités virtuelles derrière les buts.

Pendant notre visite du Centre Bell, cette semaine, de jeunes représentantes de Bell offraient aux partisans d’essayer des casques de réalité virtuelle. L’expérience immersive – filmée pendant le dernier camp d’entraînement du CH – permettait de pénétrer dans le vestiaire du CH, où l’on voit notamment Carey Price faire ses étirements.

VISIBILITÉ 2.0

L’explosion des médias sociaux a constitué la véritable révolution des dernières années, souligne sans surprise F-X Seigneur.

« L’impact et le pouvoir de ça sont immenses. Ça représente un outil très économique qui permet aux entreprises de se faire valoir. »

— François-Xavier Seigneur

À 66 ans, le dirigeant d’Effix ne semble pas prêt à prendre sa retraite. Il navigue dans le Centre Bell – où sont ses bureaux – comme un poisson dans l’eau et décrit avec enthousiasme les innovations récentes. F-X Seigneur s’est néanmoins adjoint deux nouveaux associés en 2007, Luigi Carola et Hubert Richard, en vue d’assurer la relève de l’entreprise.

En plus de ses activités liées au Canadien, Effix gère les commandites des différents festivals d’evenko, dont Osheaga et Heavy Montréal. Le groupe a aussi négocié les contrats de commandites initiaux de BIXI et de Citi Bike à New York, en plus de travailler au projet de la Place Bell à Laval.

Combien de revenus ?

Effix, une société à capital fermé d’une vingtaine d’employés, ne divulgue pas ses résultats financiers, pas plus que le Canadien, d’ailleurs. Dans des documents soumis au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) il y a quelques années, on apprenait toutefois que les revenus de commandites du CH ont atteint 40 millions en 2010, le montant le plus élevé de la LNH. Sans confirmer un chiffre précis, le président d’Effix confirme que les revenus de commandites sont aujourd’hui supérieurs à cette somme. Le CH tire maintenant 20 % de ses revenus des commandites, contre 5 % au milieu des années 80, ajoute-t-il. La valeur totale du CH était pour sa part évaluée à 1,18 milliard US pendant la dernière saison par le magazine Forbes, en hausse de 18 % sur un an.

Mauvaise saison et commandites

L’absence de Coupe Stanley à Montréal depuis 1993 et la mauvaise saison actuelle du Canadien font-elles peur aux commanditaires? Absolument pas, affirme François-Xavier Seigneur. « C’est sûr qu’on est en business pour gagner, mais ça n’a jamais eu d’impact sur notre business. Quand ça va arriver, ça va être une valeur ajoutée dont tout le monde va bénéficier, mais ce n’est pas l’expectative des clients. Il faut qu’on soit capable de leur donner une valeur réelle, tangible, mesurable. » À l'opposé, plusieurs commerçants et restaurateurs montréalais se se plaints cette semaine d'une baisse de leur chiffre d'affaires en raison de la mauvaise passe du CH.

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