COACHING SPORTIF

Mon entraîneur, mon modèle

Et si le sport n’était pas qu’une lutte pour la victoire ? Et si, au passage, les jeunes y acquéraient des aptitudes qui feraient d’eux des adultes heureux et accomplis ? Le défi est grand, mais de plus en plus d’adultes répondent « présent ».

Bien entendu, c’est l’amour du sport qui amène d’abord les entraîneurs derrière le banc. Puis, pour certains… il y a un déclic. « Au début, il y a le camp de sélection. Tu choisis tes joueurs, tu construis ton équipe… c’est la base, raconte Martin Longchamps, président de l’Association de hockey mineur des Braves d’Ahuntsic. Puis, tu commences à voir les yeux étincelants, et des jeunes qui évoluent. Tu les amènes du point A au point B, et là tu comprends qu’être entraîneur, c’est vraiment plus que juste faire une petite équipe et la gérer. »

Fabrice Vil, président de l’organisation Pour 3 points, en est venu à la même conclusion. L’organisme, dont il est le cofondateur, forme des entraîneurs de basketball et les amène à s’engager bien au-delà des murs du gymnase, dans les écoles. « J’ai “coaché” pendant presque 10 ans, et j’ai eu l’occasion de voir l’influence incroyable que peut avoir un coach dans la vie d’un jeune athlète », explique-t-il.

Depuis 2011, Pour 3 points encadre des entraîneurs dans plusieurs quartiers de Montréal, principalement dans des milieux défavorisés. Ces adultes veillent à ce que les jeunes mettent un maximum d’efforts sur le terrain, mais d’abord et avant tout… en classe.

« Il y a deux façons d’aborder la situation des milieux défavorisés : on peut le voir en termes de déficit, et se concentrer seulement sur ce qui manque, ou encore on peut voir ce que les jeunes possèdent. Et ce qu’ils possèdent, c’est la motivation. Je préfère cette approche », explique Fabrice Vil.

PRÊCHER PAR L’EXEMPLE

L’encadrement positif d’un entraîneur est bénéfique pour les garçons comme pour les filles. Cependant, dans certains milieux où la majorité des familles monoparentales sont menées par des femmes, le modèle masculin que représente le coach revêt une importance particulière pour les garçons.

« C’est cette relation qui est intéressante, ajoute Martin Longchamps. Avec certains joueurs, dont le père est absent, je voyais souvent que, dans l’évolution d’une année, ils s’identifiaient aux coachs qui les entouraient. Dans l’élite, on voit souvent les enfants plus que leurs parents ! »

« J’aimerais que tous les jeunes athlètes puissent devenir des adultes heureux et impliqués dans leur communauté. »

– Fabrice Vil, cofondateur de Pour 3 points

D’où l’importance de bien encadrer les entraîneurs. Les cris, les remarques assassines, les engueulades avec les arbitres… très peu pour Guy Bolduc, président du Club de baseball Saint-Laurent, une association qui compte plus de 200 jeunes joueurs encadrés par une quarantaine de bénévoles.

« On veut que nos jeunes deviennent de meilleurs citoyens, résume-t-il. Si l’entraîneur utilise un langage grossier, s’il a un mauvais comportement ou encore s’il blâme tout le temps l’arbitre, quel exemple donne-t-il ? Le jeune qui a un entraîneur comme celui-là comme modèle va apprendre que lorsque ça ne va pas, il peut mettre la faute sur quelqu’un d’autre… »

De la théorie à la pratique, il y a toutefois un pas. Dans plusieurs associations sportives, les entraîneurs ne se bousculent pas aux portes. « Je ne peux malheureusement pas faire une série d’entrevues pour chacun de mes postes d’entraîneur bénévole, explique M. Bolduc. Parfois, même, je dois convaincre des parents de s’impliquer. »

Malgré un code d’éthique clair pour les entraîneurs, il arrive que le président doive rajuster le tir en cours de route. À de rares occasions, il a dû suspendre des entraîneurs au comportement inacceptable.

AVANT TOUTE CHOSE… VOULOIR

N’empêche, le sport n’est pas une panacée. « Le sport parascolaire, ça fonctionne uniquement si le jeune le veut. On arrive à des résultats positifs si le jeune est bien encadré », explique Christopher Plante, enseignant à l’école secondaire Antoine-de-Saint-Exupéry, à Saint-Léonard.

Ces limites, les entraîneurs doivent les accepter. Ils ne peuvent pas « vouloir » à la place des jeunes et sauver tous les adolescents égarés. « Il a fallu que je m’ajuste et que je me détache un peu, confie Thierry Joubert, entraîneur à Pour 3 points. Je mets tous les outils en place pour qu’ils puissent réussir, et si, malheureusement, ça n’aboutit pas, je ne vais plus me mettre cette pression-là. Ce serait fou de penser que je peux sauver tout le monde. »

Finalement, toutefois, une expérience positive sur le terrain peut donner le goût à certains jeunes de s’impliquer à leur tour.

« Beaucoup de jeunes avec qui j’ai travaillé sont devenus entraîneurs aujourd’hui, constate Martin Longchamps. Ils me disent : “Tu m’en as donné, moi aussi je veux en donner.” Tout ça, c’est la paie, en fin de compte. »

LA MÉTHODE POUR 3 POINTS

L’organisme Pour 3 points demande à ses entraîneurs de s’engager dans une formation de deux ans, qui fera d’eux des coachs de vie. Ils passent alors de la théorie à la pratique, encadrés par un mentor. Actuellement, environ 150 adolescents profitent du programme, encadrés par 12 entraîneurs. Au menu: du basket, oui, mais aussi de l’étude supervisée, et la présence d’un adulte qui se soucie de « ses  » jeunes. « On n’a pas la prétention de réinventer la roue, mais en prenant de bons coachs et en les amenant à un autre niveau, on maximise leur impact », explique Fabrice Vil.

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