Élections provinciales Opinion

Quelques réflexions économiques

La campagne électorale entre bientôt dans sa dernière ligne droite. En rafale, voici quelques réflexions sur divers sujets et enjeux.

La taxe « glouton » du PQ

La taxe proposée par le Parti québécois est possiblement bien intentionnée, mais évidemment populiste et sans fondement.

Calculée sur la base d’une compilation de données (Bloomberg) pour 450 grandes entreprises, la rémunération des PDG des grandes entreprises a été en moyenne de 12,2 millions US en 2017. Ce salaire représente 163 fois le salaire médian des employés, 278 $ par employé et 0,55 % de la masse salariale des entreprises. Ainsi, chacun des quelque 20 millions d’employés de ces 450 entreprises contribuerait en moyenne de 278 $ par an à la rémunération de leur PDG ou un demi de 1 % de leur salaire annuel.

La question suivante pourrait être posée aux employés : seriez-vous prêts à contribuer un demi de 1 % de votre salaire annuel (une contribution de 150 $ par an pour un salaire de 30 000 $ ; 250 $ par an pour 50 000 $ ; et 500 $ pour 100 000 $) afin d’engager le meilleur PDG possible pour gérer votre entreprise, en particulier sa rentabilité, sa durabilité et sa croissance, et pour ainsi protéger vos emplois ?

Les inégalités

Les inégalités occupent une place importante dans le discours public, encore une fois mal orienté.

On parle beaucoup d’inégalités de revenu et de richesse, qui sont relativement faciles à mesurer et plus pratiques dans un discours populiste. Mais ce sont les inégalités de consommation qui devraient nous préoccuper.

Or, ces inégalités ont significativement diminué depuis des décennies. Le panier de consommation des moins nantis, comprenant les biens et services publics et sociaux offerts gratuitement ou sans égard au revenu (parcs, divertissements, éducation, santé, mobilité et transports publics, etc.), a beaucoup augmenté par rapport à celui des mieux nantis.

Les très riches épargnent l’essentiel de leurs revenus et investissent l’essentiel de leur richesse dans l’économie, créant ainsi des emplois, de la croissance et des richesses pour tous. L’alternative serait de remplacer l’inégalité des revenus et des richesses comme mécanisme social d’épargne et de choix d’investissement : confisquer les hauts revenus et les grandes richesses pour donner aux politiciens et aux fonctionnaires le rôle d’épargnants et d’investisseurs. Serait-ce mieux ? Évidemment, non.

Le faux débat public-privé en éducation

L’abolition des subventions aux écoles privées (proposition de Québec solidaire) et des programmes sélectifs (sport-études, études internationales et autres) dans le public et le privé est un sujet de discussion éminemment mal orienté.

Bien que la majorité des partis politiques reconnaissent le caractère populiste de cette mesure et l’erreur des économies fiscales potentielles, la proposition perdure. Un bel exemple de lâcher la proie pour l’ombre.

Il faudrait se concentrer sur les enjeux réels, à savoir la qualité de l’enseignement et des services aux élèves, en particulier les élèves en difficulté.

Pour améliorer la performance, il faudrait libérer les directions locales du joug des diktats ministériels et syndicaux et les soumettre à des contrats incitatifs de performance, différenciés selon les caractéristique de leur groupe d’élèves.

En contrepartie, il faudrait donner à ces directions les ressources qu’elles jugent nécessaires à l’atteinte des exigences de performance et leur donner la responsabilité et le pouvoir, dans des limites balisées, de choisir leurs professeurs et professionnels, d’en déterminer les salaires et d’organiser la vie sociale et pédagogique de l’école.

Comment y arriver ? En abolissant les écoles publiques pour les remplacer par des écoles de performance « privées » sous contrats incitatifs avec l’État. À défaut d’atteindre les objectifs fixés, l’équipe-école (direction, professeurs, professionnels, tous partenaires solidaires dans l’équipe) pourrait être remplacée, le tout dans l’intérêt supérieur des élèves.

La réforme de l’État

La réforme de l’État n’est pas un enjeu des élections, mais une réflexion d’envergure sur une nouvelle Révolution tranquille s’impose afin d’adapter le modèle québécois à la nouvelle réalité socioéconomique.

Au premier chef, recentrer le rôle du secteur public sur l’identification des besoins des citoyens en biens et services publics et sociaux et des arbitrages à faire entre ces besoins et surtout sur l’identification, par enchères, concours et mise en concurrence, des organisations du secteur concurrentiel (entreprises, coopératives, OSBL, et autres) pour la fourniture locale de ces biens et services à la population. 

Plutôt que d’être à la fois concepteur, gestionnaire et fournisseur, et évaluateur de performance (une source permanente de conflits d’intérêts), le secteur public devrait se concentrer sur la gestion des contrats et des partenariats avec les organisations concurrentielles choisies.

Cela permettrait de contrer le développement rampant du copinage (cronyism) capitaliste, syndicaliste et corporatiste et réaffirmer les véritables fondements de la social-démocratie. En créant un droit réel à la contestation citoyenne, on donnerait à toute entreprise et tout groupe de citoyens la possibilité de remplacer le cas échéant les fournisseurs en place des biens et services publics et sociaux, par exemple en transport public, en éducation, en santé et autres. Cette contestation potentielle favoriserait la responsabilisation des fournisseurs envers les citoyens, les usagers, les élèves, les patients et autres.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.