Espagne

« La Catalogne est prête »

Lisette Lapointe est en Catalogne ces jours-ci, à près de deux semaines d’une élection régionale aux apparences de référendum sur l’indépendance. La veuve de Jacques Parizeau y est à titre personnel pour rencontrer des amis catalans. C’est là, il y a près d’un an, qu'elle a voyagé pour la dernière fois avec son mari.

BARCELONE — « C’était un magnifique voyage », se souvient Lisette Lapointe, les yeux brillants.

Il y a 10 mois, elle goûtait à l’Europe aux côtés de son mari Jacques Parizeau. Paris, Collioure et Barcelone. Ce voyage s’est avéré le dernier de l’homme d’État québécois. Son retour à Barcelone, trois mois après avoir perdu son mari, revêt une symbolique « énorme ».

« Il venait de recevoir la décoration qui l’a le plus touché dans sa vie : son doctorat honoris causa de l’Université de Montréal, poursuit Mme Lapointe, assise dans le hall de son hôtel de la métropole méditerranéenne. On était ici pour le référendum et il a été gagné. Ça fait du bien à l’âme. »

La consultation publique sans valeur légale du 9 novembre dernier – le référendum étant refusé aux Catalans par le gouvernement espagnol – a été remportée à 81 % par les indépendantistes. Aujourd’hui, sans la collaboration de Madrid, les Catalans sont engagés dans un processus non conventionnel pour tenter d’obtenir leur souveraineté.

M. Parizeau avait été marqué par cette ténacité. « Il les trouvait très courageux », témoigne Mme Lapointe.

Mais ce que M. Parizeau a surtout retenu de ce voyage, c’est le temps de qualité passé auprès de sa femme sur les traces de leur première escapade en Catalogne, en 1995.

« On avait pu revivre ensemble ce même circuit, comme si on avait encore 20 ans de moins. Avec la même légèreté de cœur. »

— Lisette Lapointe

À COLLIOURE POUR VIVRE SON DEUIL

M. Parizeau se savait vieillissant, mais jamais n’a-t-il pensé, à ce moment, qu’il vivait son dernier voyage. « Ç'avait tellement bien été qu’il était sûr qu’on pourrait en faire un autre. »

Il n’aura finalement pas eu l’occasion de se retirer une fois de plus dans leur vignoble de Collioure, dans le sud-est de la France. Un endroit qu’il adorait et « qui l’a sauvé après le référendum ».

Mme Lapointe y prévoit un retour « émouvant » au cours des prochains jours.

« C’est dur. Très dur », admet-elle, encore remuée par une mort qu’elle n’attendait pas.

« Les gens sont charmants, ils sont très généreux, rapporte-t-elle, en tenant à remercier le public pour sa sympathie. Mais chaque fois que quelqu’un me voit pour la première fois [depuis la mort de M. Parizeau], il vient me saluer, m’offrir ses condoléances et ça me remet constamment dans tout ça. »

Mme Lapointe prendra trois semaines, loin du tourbillon québécois, pour vivre enfin son deuil. Pour se recueillir sur les 23 années passées avec son mari, « les plus belles ».

Elle espère arriver au vignoble à temps pour les vendanges. Elle a même apporté son sécateur dans ses valises !

Avec M. Parizeau, elle n’a jamais craint de se salir dans leur « petite vigne », qui compte 2000 plants. Elle se souvient avec bonheur de leur première récolte.

« On pensait vraiment qu’on était capables de faire les vendanges, se remémore-t-elle. Ils étaient quatre, venus nous aider. Quand ils ont eu terminé, on s’est rendu compte qu’on avait eu le temps de cueillir le raisin sur 12 plants, pendant qu’eux avaient fait les 1988 autres », lance-t-elle, dans un éclat de rire.

Avant de se rendre à Collioure, Lisette Lapointe témoigne son appui à ses amis indépendantistes catalans.

« La Catalogne est prête, elle est bien préparée. »

« Elle a les outils, les instruments économiques, elle a une culture absolument fantastique. Il ne faut pas avoir peur, il faut y aller. »

— Lisette Lapointe

Ses liens avec la région remontent à 1996, quand le parti de l’actuel président Artur Mas, Convergence démocratique de Catalogne, a invité Jacques Parizeau à venir raconter le référendum québécois. Mme Lapointe a également occupé le poste de vice-présidente de la Commission interparlementaire Québec-Catalogne, du temps où elle était députée du Parti québécois.

Elle déplore l’attitude du gouvernement espagnol, qui « a sorti l’artillerie lourde » pour freiner les démarches indépendantistes.

ENCOURAGÉE PAR PIERRE KARL PÉLADEAU

Aux médias catalans, nombreux à s’intéresser à elle durant son passage, elle parle de 1995, mais aussi de l’élection de Pierre Karl Péladeau à la tête du Parti québécois, qui lui redonne la foi.

Elle souhaite que la mort de son mari puisse contribuer au réveil du mouvement souverainiste québécois. « J’espère qu’il va y avoir une relève rapidement. Il n’aurait pas voulu que ça s’arrête, dit-elle avec émotion. Il n’a pas tout fait ça pour rien. »

Mais ne lui parlez pas tout de suite d’un retour en politique provinciale. « Peut-être dans une autre vie », rigole-t-elle.

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