Opinion  Éducation

Rien à voir avec la cote R

Existe-t-il vraiment une corrélation entre la qualité d’un enseignant et la qualité de son dossier collégial ?

À mon époque, les universités utilisaient la cote Z afin d’analyser les demandes d’admission provenant du collégial.

J’imagine que dans mon cas, le Z signifiait « faire le zouave ». Toujours est-il que je suis arrivé à l’Université Laval inscrit au baccalauréat en biologie. Après trois années et mon diplôme en poche, j’ai décidé de faire un petit détour par la Faculté des sciences de l’éducation. Je me suis inscrit au certificat de pédagogie pour l’enseignement secondaire.

À la suite d’une année de cours et de deux stages, j’avais mon brevet. Quelle aubaine ! Surtout qu’on annonçait de grands changements à la formation initiale des enseignants au Québec.

En effet, au milieu des années 90, le super baccalauréat d’une durée de quatre ans fait son apparition. Dorénavant, la preuve de la connaissance du français et une séance d’appréciation par simulation seront obligatoires pour l’admission du candidat. Ces nouveaux critères de sélection plus exigeants provoquent alors un fort contingentement. L’objectif : produire de meilleurs enseignants.

Une vingtaine d’années plus tard, le gouvernement annonce un nouveau rehaussement des critères d’admission en enseignement. J’ai la vague impression de vivre un phénomène de déjà-vu. Le plus triste dans l’histoire, c’est de croire qu’on nous offre la « nouvelle » meilleure idée afin de régler les problèmes en éducation.

Dans le contexte actuel, il s’agit peut-être d’un éclair de génie politique dans la mesure où l’on nous ressert une solution facile qui n’impose pas de changement dans le système et qui ne requiert aucune imagination de la part des principaux acteurs du monde scolaire. Est-ce qu’il existe vraiment une corrélation entre la qualité d’un enseignant et la qualité de son dossier collégial ? Est-ce dire qu’il y a seulement quelques bons collègues de travail dans mon entourage ?

Cette décision laisse supposer que plusieurs enseignants actuels et futurs ne sont pas dignes d’occuper cet emploi.

À croire que la fameuse cote R des étudiants acceptés en enseignement signifie « ringard ». Je dois avouer que c’est un brin vexant. Il est vrai que cette voie universitaire ne doit pas être un choix par défaut. Il s’agit d’une profession exigeante sur le plan humain. L’enseignant doit être empathique, généreux et à l’écoute. Il doit avoir une main de fer dans un gant de velours.

C’est un bénévole dans l’âme qui fait preuve de patience. Il doit être un motivateur. Il sait vulgariser. Il sait convaincre. C’est un communicateur, un organisateur, un rassembleur et un modèle. Bref, tout ça n’a rien à voir avec la cote Z ou R d’un individu. Encore moins avec la définition du zouave ou du ringard.

Je suis incapable de vous convaincre que le dossier scolaire a peu à voir avec l’attitude et les aptitudes requises afin d’exceller en enseignement ? C’est probablement vous qui avez raison. Si j’embrasse votre logique, il serait vivement souhaitable de rehausser les exigences d’admission de plusieurs autres programmes.

Imaginez si tous les intervenants en milieu scolaire provenaient de programmes contingentés. Ah ! Des élèves choyés dans une école parfaite. Et pourquoi pas des entrevues pour les candidats à la Faculté d’administration ? On sélectionnerait enfin de futurs hauts dirigeants moins égoïstes et plus altruistes ou encore des économistes aux visions humanistes. On pourrait faire de même en sciences politiques et en droit. Je rêve du jour où je voterai pour d’excellents politiciens.

À ce moment, je deviendrai sûrement un meilleur citoyen. Et le paroxysme de la démarche ? Créer des critères d’admission dans le but d’obtenir le droit d’être un parent, mais ça, c’est une autre histoire… Même un connard a ce privilège.

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