La planète économique

La Chine ralentit, « China 2.0 » caracole

Avec ses récents progrès spectaculaires, l’empire du Milieu pourrait bientôt dominer le marché mondial des hautes technologies

Dans une maternelle à Pékin, les enfants tentent de résoudre une énigme lancée par leur nouveau professeur : un petit robot de 60 cm baptisé Keebo, plutôt mignon avec son visage rond à écran tactile, qui peut aussi enseigner les mathématiques simples. On trouve ces androïdes dans au moins 600 écoles en Chine, affirme l’AFP…

Dans les grandes villes, de plus en plus de consommateurs paient avec leur téléphone intelligent, même pour acheter un fruit dans les marchés publics. Les banques chinoises ont traité 14,9 milliards de transactions par paiement mobile au deuxième trimestre – une hausse de 73 % sur un an, selon la Banque populaire de Chine…

Sur le somptueux boulevard Bund, à Shanghai, les employés de la start-up Yitu entrent au travail sans présenter de badge ou de carte magnétique, racontent des médias asiatiques. Un œil électronique conçu par cette entreprise de réputation mondiale dans le domaine de la reconnaissance faciale établit l’identité des travailleurs et leur ouvre les portes…

Ce ne sont là que quelques exemples des progrès de la Chine dans les technologies de pointe. Et ce n’est qu’un début, si l’on se fie aux ambitions du gouvernement.

Deux fois plus vite

Alors que l’économie chinoise ralentit, frappée par la guerre commerciale avec les États-Unis qui pèse sur les secteurs traditionnels comme le textile, la fabrication et l’industrie lourde, l’autre « China inc. » se porte à merveille.

La « nouvelle économie », qui comprend l’électronique, la robotique et l’intelligence artificielle notamment, croît de 15 % par an en moyenne depuis 2015, selon le National Bureau of Statistics (NBS).

Cette progression est au moins deux plus fois plus rapide que l’ensemble de l’économie (croissance de 6,5 % prévue en 2018, selon le FMI).

Les secteurs de pointe, quasi inexistants il y a 20 ans, représentent aujourd’hui 16 % de la deuxième économie mondiale, selon les chiffres officiels.

En robotisation, la croissance est d’au moins 30 % par an, soutient le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information. La production annuelle de robots « made in China » a franchi le seuil symbolique des 100 000 unités l’an passé et dépassera les 130 000 cette année, soit le double en trois ans.

Et des robots de toutes origines sont à l’œuvre dans de plus en plus d’usines.

Cap sur 2025

L’offensive chinoise dans les secteurs de pointe est le résultat d’une stratégie longuement mûrie et, surtout, financièrement bien appuyée par l’État.

L’empire du Milieu a d’ailleurs dévoilé son jeu au monde entier dans le plan « Made in China 2025 », présenté par le président Xi Jinping en 2015. L’objectif : faire de la Chine un leader mondial des technologies.

De toute évidence, le pays fait des pas de géant pour y arriver, indique l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

L’office chinois de la propriété intellectuelle a reçu le plus grand nombre de demandes de brevets au monde en 2017, avec un record de 1,38 million. Viennent loin derrière les États-Unis (606 956), le Japon (318 479), la Corée du Sud (204 775) et l’Europe (166 585).

Au Canada, Innovation, Sciences et Développement économique évalue que nos innovateurs font de 35 000 à 37 300 demandes de brevets par an depuis 2012.

Le nerf de la guerre

Pour plusieurs experts, les hautes technologies sont le nerf de la guerre commerciale entre les Américains et les Chinois.

« L’objectif de la guerre commerciale est en réalité d’enrayer la montée en gamme technologique de la Chine. »

— Alicia Garcia Herrero, chef économiste/Asie chez Natixis, dans une note financière

À coups de tarifs douaniers, Donald Trump espère ralentir les entreprises chinoises. Mais il est peut-être déjà trop tard.

La Chine est déjà, et de loin, le plus grand fabricant de panneaux solaires et de voitures électriques du monde, par exemple. La Chine a produit 595 000 véhicules électriques l’an dernier, soit plus que tous les autres pays réunis, selon le groupe Atlas.ti.

Et avec « Made in China 2025 », Pékin a promis d’allouer entre 25 et 60 milliards US par an à l’intelligence artificielle (IA), alors que le secteur privé y ajouterait 110 milliards US.

Par comparaison, le budget de Washington frôle à peine les 10 milliards US, auxquels s’ajouteraient 55 milliards US d’investissements privés par an, évalue le McKinsey Global Institute.

C’est sans compter que la Chine table sur un marché intérieur de 1,3 milliard d’habitants pour faire croître ses entreprises nationales.

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