ACCÈS AUX SOINS DE SANTÉ

québec amorce un grand virage

Le gouvernement Legault veut permettre aux infirmières praticiennes spécialisées de poser des diagnostics tout en augmentant leur champ de pratique. Des mesures qui s’annoncent dures à avaler pour les médecins.

QUÉBEC — Le gouvernement Legault annoncera au printemps un coup de barre important pour améliorer l’accès aux soins de santé. Une petite révolution pour la première ligne, à partir à la fois d’engagements électoraux de la Coalition avenir Québec (CAQ) et des travaux amorcés sous l’ancien ministre Gaétan Barrette.

Selon les informations recueillies par La Presse auprès du ministère de la Santé, un des éléments importants de la stratégie sera l’élargissement de l’autonomie des infirmières praticiennes spécialisées (IPS), un poste qui nécessite sept années d’études. Déjà, depuis un an, celles qu’on appelle communément « super-infirmières » pouvaient amorcer un traitement pour une maladie chronique. On leur conférera à l’avenir le droit de poser un diagnostic et de le communiquer au patient, elles auront les mêmes pouvoirs que leurs collègues de toutes les autres provinces.

On veut aussi augmenter leur champ de pratique – les interventions qu’elles peuvent faire sans la tutelle d’un médecin – dans les soins palliatifs, par exemple. Le Québec compte environ 400 IPS actuellement, mais ce contingent augmentera rapidement pour atteindre 2000 en 2024.

Ces avancées sont toujours difficiles à faire avaler aux médecins. 

On s’est rendu aux déclarations de guerre l’an dernier, mais la nouvelle ministre de la Santé Danielle McCann est déterminée à aller de l’avant, même s’il faut imposer par une loi cette décision aux omnipraticiens, assure-t-on. 

Ces infirmières veulent obtenir l’affranchissement des médecins, un maximum d’autonomie pour les problèmes mineurs. En prime, Mme McCann compte aussi conférer aux pharmaciens le pouvoir d’inoculer des vaccins – une décision qui était déjà avancée au Ministère avant les dernières élections. Les nouvelles règles risquent d’avoir des conséquences pour les médecins : le médecin qui parraine une telle infirmière a une compensation de 30 000 $ pour la superviser et une autre somme de 30 000 $ pour compenser l’espace bureau qui leur est nécessaire.

Depuis le 1er octobre, les grands paramètres de la santé au Québec n’ont guère bougé : la proportion de Québécois qui ont un médecin de famille plafonne toujours à 80 %. Seulement 65 % des patients qui nécessitent une intervention en oncologie ont une opération en moins de 28 jours – la norme internationale est de 90 % et l’Ontario y est presque.

Première ligne renforcée

Pour Danielle McCann, le plan de match doit nécessairement passer par une première ligne renforcée – c’était sa matière forte quand elle était directrice générale du CSSS du Sud-Ouest–Verdun, la solidité de la première ligne était citée en exemple partout au Québec, même par son futur adversaire Gaétan Barrette. Dans sa stratégie, une « révolution de l’accès », qu’on prévoit rendre publique en avril, elle prévoit de nombreuses mesures pour accélérer et faciliter l’accès aux soins.

Première mesure, Québec veut faire en sorte que tous les patients aient un accès direct à tous les groupes de médecine familiale (GMF), qu’ils y soient inscrits ou non. Les patients pourront se présenter au GMF de leur choix, sans entrave.

On compte aussi faire en sorte que les patients aient accès à leur médecin dans les 36 heures, une cible promise par la CAQ en campagne, à atteindre pendant son mandat de quatre ans.

Finalement, on veut revoir la partie ambulatoire des urgences pour la réorienter vers la première ligne, les CLSC, une infirmière ou un pharmacien.

Pour l’heure, on estime que toutes ces modifications peuvent se faire avec les budgets existants. D’autres mesures sont à prévoir : le passage à la « capitation » pour une partie de la rémunération des médecins suppose des coûts supplémentaires. Ce principe circule à Québec depuis des décennies : les médecins seraient rétribués pour veiller à la santé d’un contingent de patients, sans égard au nombre d’actes faits.

Certains voient dans cette formule un risque que les médecins allègent leur tâche, tout en bonifiant leurs revenus. Déjà, le ministère de la Santé est aux prises avec une carence de productivité chez les médecins. Ainsi, 2000 omnipraticiens sur environ 8000 – souvent parmi les plus jeunes – ont moins de 500 patients. Or il n’est pas rare que leurs aînés aient jusqu’à 3000 dossiers.

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