Défi sportif AlterGo

Le sport qui sauve

Le dimanche 20 janvier 2008, Charles Moreau est tombé en panne sur le pont Laviolette. Après un week-end chez lui à Victoriaville, il rentrait à Trois-Rivières pour ses études en chiropractie. Le coffre de sa voiture contenait l’équipement de ski de fond qu’il venait d’acheter dans l’après-midi.

Ses feux de détresse allumés, il a passé huit minutes immobilisé sur une voie de circulation que personne n’a fermée. Un camion de 53 pieds l’a embouti. Les skis ont transpercé le siège du passager avant. Moreau a subi une lésion à la moelle épinière au niveau de la dixième vertèbre thoracique. À 25 ans, sa vie prenait un tournant.

Malgré la gravité de sa blessure, Charles Moreau n’est resté que 12 jours à l’hôpital. Ancien joueur de soccer élite, il s’était lancé à fond dans le triathlon à l’université, au point d’atteindre un bon niveau sur la scène provinciale. Durant son séjour en traumatologie, 140 personnes se sont relayées à son chevet. Parents, amis, collègues de classe et sa gang du triathlon.

Son excellente forme physique et ce large réseau allaient s’avérer cruciaux dans sa rééducation rapide. Il a passé cinq semaines au centre de réadaptation François-Charron à Québec. Deux fois par semaine, ses camarades de l’Université du Québec à Trois-Rivières lui ont apporté notes et travaux.

« Quand tu as fait ton deux heures de réadaptation avec l’ergo, la physio, le médecin, le reste de la journée, c’est là que le hamster se met à tourner et que tu peux tomber dans une spirale qui descend profond », a raconté Moreau, rencontré hier au complexe sportif Claude-Robillard en marge du Défi sportif AlterGo.

« Je n’ai pas eu de grosses périodes noires. J’avais ce projet sur lequel me concentrer. »

— Charles Moreau

Il a obtenu son diplôme peu après sa sortie de l’institut. En même temps que le reste de sa cohorte.

Charles Moreau s’est tout de suite replongé dans son autre passion, le sport. Avec l’aide de ses amis, il s’est naturellement tourné vers le triathlon. Il a d’abord dû s’adapter à la nage sans les jambes, un défi énorme pour celui qui ne contrôlait plus son bassin. Il s’est ensuite familiarisé avec le cyclisme à mains et avec la course en fauteuil roulant.

« Après l’accident, le sport était une portion de ma vie antérieure que je pouvais transposer en fauteuil, a-t-il souligné. J’avais du fun quand même à en faire. Je n’ai juste pas arrêté et je me suis nourri de cette énergie-là. En voyant les résultats apparaître progressivement, je me suis dit : je peux y aller. Et j’ai clenché. »

En 2009, il a gagné une médaille d’argent aux championnats du monde de paratriathlon, terminant quatrième lors des trois années suivantes. Se heurtant aux coûts prohibitifs de l’équipement et à l’absence de soutien de Triathlon Canada, il s’est spécialisé dans le cyclisme à mains à partir de 2013.

Trois ans plus tard, Moreau s’est qualifié pour les Jeux paralympiques de Rio, où il a remporté deux fois le bronze dans la catégorie H3. Si sa troisième place au contre-la-montre l’a laissé un peu sur son appétit, il était fier d’avoir déjoué les plans des Italiens le lendemain à la course sur route.

« J’étais fou comme de la marde ! », a-t-il dit en riant après avoir reçu une bourse du programme Loto-Québec de la Fondation de l’athlète d’excellence.

À 35 ans et maintenant père d’un petit garçon de 1 an, Moreau se voit poursuivre sa carrière jusqu’aux Jeux paralympiques de Tokyo en 2020.

« C’est le fun d’avoir un impact sur les gens autour de moi, mais je ne pense pas que je suis un surhomme ou meilleur que mon voisin. J’ai eu de bons outils et un bon réseau de soutien qui m’ont permis de surmonter ça. »

— Charles Moreau

Le plus grand deuil a été professionnel. Avec le temps et des instruments adaptés, il a trouvé de nouvelles façons d’exercer son métier de chiropraticien, comme son père et quatre de ses six frères et sœurs.

Puisqu’il était encore à trois mois de l’obtention de son diplôme au moment de l’accident, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) a cependant refusé de le considérer comme chiropraticien. En 2011, il a perdu un litige juridique avec l’agence provinciale, qui préfère lui donner le statut d’invalide plutôt que de l’indemniser pour de potentiels revenus plus bas en tant que professionnel, a-t-il déploré. La SAAQ a rouvert son dossier récemment et il garde toujours espoir de fonder sa clinique.

« J’ai une certaine amertume par rapport à ça, mais je me concentre sur les conférences dans les entreprises et les écoles, le sport à temps plein et mon rôle de papa. »

Ralenti par une bactérie qui lui a valu trois jours d’hospitalisation la semaine dernière, Moreau disputera le contre-la-montre (demain) et la course sur route (dimanche) du Défi sportif AlterGo, là où il a découvert le parasport en 2009. « Pour le plaisir. » Et la passion.

Hommage

Le paranageur Jean-Michel Lavallière a rendu hommage au médaillé paralympique Nicolas-Guy Turbide, hier, à la remise de bourses Loto-Québec. Invité de dernière minute aux Jeux de Rio après l’exclusion des athlètes russes, l’été dernier, Lavallière a retenu ses larmes dans la chambre d’appel en voyant son ami Turbide monter sur la troisième marche du podium au 100 m dos. En recevant sa bourse à son tour, Turbide a demandé au public d’applaudir celui qui a été un mentor pour lui à ses débuts à Québec : « Jim, ta place à Rio était amplement méritée. Je n’ai jamais vu quelqu’un s’entraîner aussi fort que toi. » Pour la 10e année de son programme, Loto-Québec a remis 15 bourses d’une valeur totale de 41 000 $ à des athlètes ayant une limitation physique ou sensorielle, en plus de prolonger son engagement jusqu’en 2020.

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