Abolition des élections scolaires

Un quatrième bâillon qui enrage l’opposition

Le gouvernement de la Coalition avenir Québec imposera vendredi un quatrième bâillon pour adopter son projet de loi abolissant les élections scolaires. À la première semaine de la rentrée parlementaire, la tension est déjà vive à l’Assemblée nationale. Excédé, François Legault promet une réforme du parlementarisme. Mais il devra s’entendre avec les oppositions, qui l’accusent déjà de « bulldozer » leur travail.

« Ce n’est pas efficace »

Le premier ministre François Legault est irrité du temps que passent ses ministres en commission parlementaire. « Actuellement, ce n’est pas efficace », a-t-il plaidé, jeudi, promettant une réforme du parlementarisme. Pour la quatrième fois depuis son arrivée au pouvoir, la CAQ impose le bâillon, cette fois pour adopter, vendredi, le projet de loi 40 abolissant les élections scolaires. Quand il était dans l’opposition, le parti réclamait pourtant de limiter le recours à cette procédure d’exception.

Un projet de loi « fourre-tout »

Cette décision enrage les partis d’opposition. Une « démocratie par minuterie », a dénoncé jeudi le Parti québécois. Un projet de loi « fourre-tout », a ajouté le Parti libéral. Le projet de loi 40 abolit les élections scolaires et transforme les commissions scolaires en centres de services, entre autres. Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, souhaite que la transition soit complétée à temps pour le 1er juillet, ce qui justifie une adoption rapide. « Au rythme du blocage des oppositions, ça nous prendrait mille heures pour adopter le projet de loi. C’est ridicule ! », a-t-il tonné jeudi.

Parlement inc.

Les partis d’opposition dénoncent la vitesse à laquelle le gouvernement Legault impose son programme législatif. Certains ont déjà déploré que la CAQ agisse à la tête de l’État comme si elle était aux commandes de Parlement inc., d’une entreprise privée. Dans le dossier Bombardier, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a rejeté cette semaine l’idée d’une commission parlementaire où entendre les dirigeants de l’entreprise. « Une commission parlementaire, ça ne donne rien », a-t-il dit. « La session commence et on voit ces gens revenir de vacances déjà campés de façon polarisée. Ça ne présage pas d’une session agréable, paisible et sereine », constate Thierry Giasson, directeur et chercheur principal au Groupe de recherche en communication politique.

Une rhétorique classique

Le gouvernement de la Coalition avenir Québec « bulldoze »-t-il davantage les travaux parlementaires que ses prédécesseurs ? Pas nécessairement, nuance M. Giasson. « On est vraiment dans la rhétorique d’opposition convenue et attendue, parce que le travail de l’opposition, c’est de forcer le gouvernement à rendre des comptes », explique-t-il. Le premier ministre a rappelé hier qu’il avait chargé son leader parlementaire, Simon Jolin-Barrette, d’accoucher d’une réforme du parlementarisme. La dernière remonte à 2007. « On va proposer beaucoup de changements […] sans enlever du pouvoir aux députés de l’opposition. Ça va empêcher d’avoir des ministres qui sont pendant 60, 70 heures à répondre toujours à répétition aux mêmes questions », a dit M. Legault.

La recherche de consensus

Le directeur scientifique de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, Eric Montigny, rappelle que le Québec est un cas pratiquement unique quant à la présence des ministres en commission parlementaire. « En Ontario ou au Parlement d’Ottawa, par exemple, ce sont les adjoints parlementaires qui répondent aux questions [des partis d’opposition] sur les projets de loi étudiés en commissions parlementaires. Le ministre n’accapare pas le temps et ça valorise les députés de la majorité ministérielle », dit-il. Mais pour réformer le Parlement, la Coalition avenir Québec devra chercher un consensus avec les autres formations politiques. « Actuellement, la mainmise de l’agenda législatif appartient au gouvernement, rappelle M. Montigny. Ailleurs, on a donné un [meilleur] partage législatif. Si le gouvernement veut mettre en œuvre une réforme, c’est le genre de mesures qu’il [devra] valoriser. »

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