Un projet de canettes « made in Québec »
Le vieux rêve québécois de fabriquer des canettes avec l’aluminium local vient de se réveiller grâce à un entrepreneur du Saguenay et aux besoins grandissants d’une industrie en pleine croissance, les microbrasseries.
Langis Savard, un entrepreneur de Laterrière, veut fabriquer des canettes avec l’aluminium du Saguenay pour desservir les petits marchés, comme celui de microbrasseurs. « C’est un projet très sérieux, mais encore embryonnaire », a-t-il indiqué à La Presse.
Son projet a été soumis à la Société de la Vallée de l’aluminium, dont la mission est justement de développer des projets de transformation du métal produit au Saguenay. Il est aussi examiné par Alu-Québec, l’organisme dont la mission est de doubler la transformation d’aluminium en 10 ans.
C’est un défi, reconnaît Marie Lapointe, présidente par intérim d’Alu-Québec.
« Avec les technologies traditionnelles, on n’a pas la masse critique pour rentabiliser une usine de canettes. »
— Marie Lapointe
« Mais ça ne veut pas dire qu’on n’est pas prêt à avancer. Le Québec amorce son virage vers les canettes, et la technologie évolue. C’est sûr que l’avenir est à l’aluminium », ajoute Mme Lapointe.
Même si des tonnes d’aluminium sortent des usines voisines, la microbrasserie locale, la Voie Maltée, doit s’approvisionner en canettes aux États-Unis et commander une quantité minimale de contenants imprimés aux couleurs de chacun de ses produits. Ces canettes voyagent sur des centaines de kilomètres et doivent être entreposées avant d’être utilisées.
Tous les autres microbrasseurs du Québec sont dans la même situation. « Il y a un besoin pour les petits marchés, pour la bière et les autres boissons », affirme Langis Savard.
L’entrepreneur est conscient des investissements considérables qui seraient nécessaires pour concrétiser son projet, notamment avec la technologie traditionnelle qui utilise de l’aluminium laminé. « Mais il y en a d’autres, comme les pucks d’aluminium, qu’on va regarder. »
La canette a la cote. Gros et petits brasseurs optent maintenant de plus en plus pour la canette d’aluminium, d’abord parce que les consommateurs la demandent. Plus facile à transporter et à recycler, la canette d’aluminium n’est plus synonyme de bière insipide et bon marché.
Farnham Ale & Lager, qui brasse la bière du même nom, a très vite préféré la canette à la bouteille. « Ça coûte un peu plus cher, mais on n’a pas besoin de poser des étiquettes ni de récupérer, explique Jean Gadoua, directeur général de la microbrasserie. Et puis, il y a énormément de formats de bouteilles sur le marché, et les détaillants, qui doivent les récupérer, sont écœurés. »
Même les grands brasseurs s’y mettent. « Aujourd’hui, 60 % de la bière que nous produisons au Québec est en canettes. Il y a cinq ans, c’était l’inverse », dit Jean Gagnon, vice-président de Labatt au Québec. Labatt vient d’investir 46 millions pour doter son usine d’une deuxième ligne de canettes pour répondre à la demande.
La fabrication de canettes est dominée par deux géants, Ball Corp. et Crown Holdings, tous deux installés aux États-Unis. Pour s’approvisionner en canettes, les microbrasseries du Québec doivent en commander de grandes quantités, soit un minimum de 24 palettes contenant 6224 canettes pour chacune de leurs sortes de bière. Si ça ne pose pas de problème pour les gros comme Labatt, les petits microbrasseurs sont de plus en plus contrariés par cette exigence de leurs fournisseurs. « Ça nous empêche de faire des cuvées spéciales ou des éditions limitées », souligne Francis Foley, de la brasserie À La Fût, de Saint-Tite.
« Les brassins exclusifs, les bières saisonnières et les bières de festival, c’est avec ça qu’on fait notre argent », renchérit Jean Gadoua, de Farnham Ale & Lager.
Labatt, qui n’est pas dans la même situation, se dit quand même prête à envisager de s’approvisionner en canettes au Québec. « On est toujours ouverts à recevoir d’éventuels nouveaux fournisseurs », a indiqué son porte-parole Jean Gagnon.
Deux gros fabricants
Siège social
Philadelphie
Employés
24 000
Revenus annuels
8,8 milliards US (2015)
Siège social
Broomfield (Colorado)
Employés
18 700
Revenus annuels
11 milliards US (2015)