KIDNAP CAPITAL

Le calvaire après le calvaire

Pour les immigrants partis d’Amérique centrale ou d’Amérique du Sud en quête d’une vie nouvelle, des semaines, voire plus, peuvent s’écouler avant qu’ils parviennent à traverser illégalement la frontière américaine. Mais une fois cette étape franchie, ils ne sont pas toujours au bout de leur calvaire.

Car souvent, les passeurs sont associés à des membres de gangs de rue qui amènent de force ces immigrants dans des maisons à l’aspect anonyme où ils les détiennent contre leur gré en échange de rançons.

Les drop houses, comme on appelle ces endroits, sont au cœur de Kidnap Capital, premier long métrage de fiction de Felipe Rodriguez, un jeune réalisateur de 34 ans qui a grandi à Laval et demeure maintenant à Toronto. Ce dernier nous parle de son film, auréolé de quelques prix et nominations à l’étranger, et présenté dans le cadre du festival Fantasia.

Quelle est l’essence du film ?

Il y a beaucoup d’attention, dans un sens politique comme on l’a vu lors de la convention du Parti républicain, sur l’immigration illégale aux États-Unis. Mais personne n’en parle dans son aspect humain. On croit savoir tout de l’immigration illégale, mais ce n’est pas vrai. Une fois arrivés aux États-Unis, de nombreux individus affamés et sans identification sont séquestrés par des membres de gangs de rue qui tentent de nouveau d’extorquer leur famille. Ils sont entassés dans des sous-sols, violentés, etc.

L’idée de cette fiction vient d’abord d’un documentaire, n’est-ce pas ?

Oui, J’étais le directeur de la photographie sur le film Wetback : the Undocumented Documentary. J’ai marché avec des gens du Nicaragua jusqu’à la frontière américaine. On parle toujours du rêve américain mais souvent, tout ce qu’ils désirent est gagner un peu plus de sous pour envoyer à leur famille. C’était une façon d’ouvrir les yeux des gens sur le sens de l’immigration illégale. On m’a dit : ton film est bien, mais tu devrais maintenant parler des drop houses, que je ne connaissais pas. C’est incroyable ce que des individus peuvent faire à d’autres.

En quoi la fiction sert-elle mieux le propos qu’un documentaire ?

Ce n’est pas toutes les catégories de gens qui écoutent du documentaire. En plus, en documentaire, il peut survenir des choses très dangereuses que tu ne peux pas filmer. Utiliser la fiction est parfois le bon chemin à suivre pour ouvrir les yeux des gens. Ainsi, dans le film, on a évacué toute notion politique pour se concentrer sur une histoire humaine. Certains croient que mon film est trop tiré par les cheveux, mais non, pas du tout. C’est la cruelle réalité et on doit en parler. J’espère que nous pourrons le projeter durant la campagne présidentielle américaine.

À la salle J.A. de Sève de l’Université Concordia ce soir, 21 h 30

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