Opinion Pierre-Olivier Pineau

Hydro-Québec et la spirale de la mort

Le PDG d’Hydro-Québec a souligné en entrevue le 9 janvier dernier le risque de la « spirale de la mort ». Cette spirale est très importante à comprendre pour l’avenir d’Hydro-Québec, et pour tout le secteur de l’électricité. D’autant plus critique que l’électricité devrait être appelée à jouer un grand rôle dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), et que le Québec vise exactement cela. 

Cette spirale est la suivante : l’essentiel des coûts d’Hydro-Québec sont fixes. Les barrages, les lignes électriques, les compteurs ont tous un coût fixe qui ne dépend en rien de la consommation. Si vous arrêtez de consommer, Hydro-Québec devra quand même payer les investissements. Par contre, Hydro tire l’essentiel de ses revenus de la vente de kilowattheures (kWh), qui sont variables. Quand la demande est stable, tout va bien : les coûts totaux sont divisés par les kWh vendus, et on a un prix raisonnable. Mais si subitement la demande baisse, les coûts totaux restent identiques, mais sont divisés par une plus petite consommation, donc le prix pour chaque kWh est plus élevé. Comme ce prix est plus élevé, la demande diminue… et le prix doit encore augmenter pour les kWh restants. La spirale se poursuit, jusqu’à la mort ou la faillite. 

Avec l’efficacité énergétique et les possibilités croissantes de produire chez soi (avec des panneaux solaires de plus en plus abordables), Hydro-Québec est exposée à cette « spirale de la mort ».

L’an 2025 semble être l’année où les choses pourraient commencer à mal tourner pour Hydro, selon son PDG Éric Martel.

Dans les endroits plus chaud que le Québec, comme l’Australie ou la Californie, cette dynamique fait déjà très mal à plusieurs entreprises d’électricité. 

Il faut évidemment trouver une solution. Le danger n’est pas imminent pour le Québec – mais il est réel à moyen terme. Et comme les tarifs d’électricité ne sont pas un sujet facile, particulièrement au Québec, il est important de s’y prendre à l’avance. Avant que la spirale ne fasse agoniser notre fleuron national. 

La solution la plus naturelle est de mettre fin au déséquilibre coût fixe–revenus variables. Les consommateurs résidentiels québécois payent en effet de petits frais fixes d’environ 12 $ par mois, qui correspondent à environ 10 % des dépenses d’Hydro-Québec, qui sont à presque 100 % fixes : barrages, transmission, distribution. 

Le coût réel d'une connexion

Pour rétablir un prix qui a du sens, et qui protégerait Hydro-Québec de la spirale de la mort, il faudrait faire payer aux consommateurs ce qui coûte vraiment quelque chose : être connecté au réseau, selon le niveau de puissance maximal demandé. Entre une petite ampoule 100 watts (W) ou une maison avec 12 plinthes de chauffage et une sécheuse en marche (16 000 W), la puissance demandée au réseau n’est pas la même. Ce serait normal de payer plus cher la connexion dans le deuxième cas que dans le premier. Or, au tarif actuel d’Hydro-Québec, les deux connexions coûteront exactement le même prix fixe : 12 $ par mois. 

En faisant payer le niveau de connexion (la « puissance »), non seulement les revenus fixes soustrairaient Hydro-Québec au plus grand danger de la spirale de la mort, mais les clients québécois seraient davantage disciplinés pour gérer leur consommation – et cela éviterait les grandes pointes de consommation que nous connaissons. Le déploiement des voitures électriques et des maisons « intelligentes » rendra la tarification par kWh, sans égard à la puissance demandée, encore plus désuète et dangereuse. Le premier et véritable service offert par Hydro-Québec est avant tout de nous brancher. Payons donc pour cela, plutôt qu’uniquement pour notre consommation de kWh. Le cri d’alarme d’Éric Martel était clair. Les solutions tarifaires sont là. C’est au gouvernement et à la Régie de l’énergie de nous préparer à cette transition énergétique, avant que les dégâts ne soient trop grands.

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