Le Nobel de la paix à Trump ? Vraiment ?
NEW YORK — Dans l’esprit du sénateur républicain Lindsey Graham et de plusieurs partisans de Donald Trump, l’affaire est entendue : la signature d’un traité de paix entre les deux Corées devrait valoir au président américain le prix Nobel de la paix. Vraiment ? La Presse a abordé cette question et plusieurs autres, hier, avec George Lopez, ancien conseiller des Nations unies en matière de sanctions économiques et professeur de relations internationales à l’Université Notre-Dame, dans l’Indiana.
La plus grande récompense que l’on pourrait attribuer à un dirigeant autre que ceux des deux Corées est un lien en pointillé vers le prix Nobel de la paix. Car, au bout du compte, ce sont les dirigeants coréens qui font les concessions nécessaires à ces avancées. Je pense que le bon sénateur et plusieurs autres tombent dans une fâcheuse habitude, celle d’américaniser l’interprétation de ce qui se passe dans la péninsule coréenne.
À ce stade-ci, il a joué un rôle important pour favoriser l’application de sanctions plus efficaces et sévères. Mais en même temps, ces sanctions plus efficaces et sévères sont, de mon point de vue, celles du Conseil de sécurité de l’ONU, qui ont suivi chacun des essais et explosions en Corée du Nord. Oui, il y a eu de nouvelles sanctions imposées par les États-Unis, et elles ont aidé. Mais la rhétorique belliqueuse de M. Trump n’a pas vraiment fait peur à M. Kim. Vous pourriez expliquer les concessions de M. Kim à la Corée du Sud autant par sa satisfaction d’avoir démontré aux États-Unis qu’il possède désormais une force de dissuasion efficace que par le poids des sanctions sur son régime.
C’est un objectif ambitieux. […] Mais un accord même intérimaire ou partiel serait très important. Après la crise que la péninsule coréenne a connue il y a un an, il serait remarquable que les relations entre le Nord et le Sud finissent par être meilleures que jamais. Cela ne réglerait cependant en rien la question de la dénucléarisation.
Tout dépend de la façon dont les membres de l’équipe de Trump voient ce sommet. Est-ce que ce sera tout ou rien pour eux ? J’ai eu assez de rencontres et de conversations téléphoniques pour croire que la position de Trump sera renforcée par les avancées réalisées par les deux Corées. Trump pourra se présenter au sommet et dire à Kim : « Nous vous avons dit déjà que nous ne vous récompenserons pas en levant les sanctions à moins de voir de vrais progrès. Cela dit, nous sommes heureux de pouvoir commencer à définir avec vous ce en quoi consistent de vrais progrès. » Kim pourrait désarmer Trump en répliquant : « C’était très agréable de vous rencontrer et, soit dit en passant, j’espère qu’Air Force One a de la place pour les trois Américains que nous ne voulons plus détenir, ramenez-les à la maison, s’il vous plaît. » Il pourrait ajouter une chose ou deux et permettre à Trump de rentrer à la maison en revendiquant une sorte de victoire sans avoir eu à parler sérieusement de dénucléarisation.
Je ne sais pas s’ils en arriveront là, mais Kim pourrait dire à Trump : « Je suis absolument de votre avis, nous voulons une dénucléarisation complète de la péninsule. Par conséquent, nous voulons voir les bombardiers nucléaires disparaître de l’île de Guam. Car ils sont là seulement parce que vous voulez larguer des bombes nucléaires sur la péninsule. » Ce n’est pas ce que Trump entend par dénucléarisation. Mais c’est certainement ce à quoi pense Kim.