Breath de Tero Saarinen

Deux corps et un accordéon

Deux corps et un accordéon, qui respirent, qui résonnent et qui dansent ; tel est l’intrigant amalgame qu’a voulu explorer le chorégraphe et danseur Tero Saarinen. Avec l’accordéoniste Kimmo Pohjonen, il a imaginé Breath, qui sera présenté à Québec et à Montréal dans les prochains jours.

Depuis 20 ans, le danseur finlandais a signé plus de 40 pièces pour la Tero Saarinen Company et d’autres compagnies majeures, comme le Nederlands Dans Theater, la Batsheva Dance Company et le Ballet de l’Opéra de Lyon. Il alterne les grandes formes et les solos où il poursuit, en tant qu’interprète, ses explorations qui mélangent ballet, danse traditionnelle japonaise, butō et arts martiaux.

Il a fallu qu’il se retrouve en Chine en même temps que son compatriote Kimmo Pohjonen pour que le musicien et le danseur commencent à explorer comment marier accordéon et danse dans une création.

« C’était si absurde de se retrouver si loin et d’avoir du temps. Nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas échapper ce moment. »

— Tero Saarinen

Pour Tero Saarinen, tous les langages artistiques bougent. « J’aime penser que la scène est un canevas en trois dimensions, qu’on y assemble des actions physiques, lumineuses et sonores », indique-t-il.

L’artiste a été peintre bien avant d’être danseur et, pour Breath, il s’est nourri du théâtre de Samuel Beckett. « Ç’a toujours été une inspiration pour moi, souligne-t-il. On attend tous Godot. On vit tous cet éternel sentiment de solitude, même lorsqu’on se sent lié à quelqu’un. On cherche tous à établir une véritable connexion, une vraie communication avec les autres, mais c’est laborieux. »

« Une respiration commune »

À l’origine de Breath, il y a eu une rencontre et un lien à créer. « Jouer de l’accordéon met le corps en mouvement. Je crois que Kimmo est un danseur-né », expose le chorégraphe.

« L’accordéon est un instrument qui respire et, dans mon propre travail en danse, je tiens beaucoup compte de la respiration, du mouvement qu’elle suscite à l’intérieur de soi, de cette vague. Il y a certainement une respiration commune entre le corps qui danse et l’instrument. »

Pour faire bouger l’accordéoniste, dont les deux mains et toute la musculature du haut du corps sont sollicitées pour le maniement de l’instrument qui pèse près de 20 kilos, le danseur le libérera à certains moments de son fardeau. « Il peut aussi se coucher ou se déplacer au sol avec l’instrument. Il a ses moments de repos, j’ai les miens, nous sommes comme deux énergies opposées », explique-t-il.

La danse, comme la musique, est un langage abstrait, qui permet d’aborder la condition humaine par la voie des émotions. 

« J’essaie de m’adresser au subconscient, à l’universel. En Finlande, nous avons l’impression que l’accordéon est finnois, mais en Argentine, ils croient qu’il est argentin. Le son de l’accordéon appartient à la fois à tous et à personne. » 

— Tero Saarinen

Pour répondre à cette musique, il a commencé à utiliser sa propre voix comme un instrument.

« J’essaie de produire des sons longs, de jouer avec des tonalités plus basses et plus hautes. Nous avons cherché comment intégrer le mouvement dans le son. J’ai l’impression d’amener mon corps, qui est mon instrument en quelque sorte, beaucoup plus loin qu’avant, en y faisant résonner ma voix. »

Se reconnecter avec soi

Le créateur cherche aussi à susciter un écho chez les spectateurs, pour les reconnecter avec eux-mêmes à une époque où leur attention est sursollicitée. La salle de spectacle n’est-elle pas l’un des derniers endroits où l’on est tenu de fermer son téléphone pour vivre, totalement, l’instant présent ? 

« L’artiste a la responsabilité de générer une résonance chez le spectateur, pour qu’il se sente présent, vivant, alerte et impliqué, soutient Tero Saarinen. Breath parle de notre temps. Je crois que nous nous isolons, à l’ère de la mondialisation et des grandes vagues d’immigration. Les gens se referment, essaient de se protéger et cessent d’écouter l’autre. Il faut réapprendre à communiquer, à écouter, sinon on sera tous seuls et en colère. »

Il promet de finir son récit dansé, hors du temps et sans lieu précis, par un élan d’optimisme, un nouveau souffle.

À la salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre de Québec le 12 avril ; à la Cinquième Salle de la Place des Arts du 17 au 21 avril, dans le cadre de Danse Danse et du Printemps nordique

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