CHRONIQUE ENTENTE AVEC LES OMNIPRATICIENS

Sans tambour… ni Barrette

La semaine dernière, on a assisté à un véritable petit miracle, un peu passé sous le radar politique et médiatique, quand le gouvernement Couillard et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) en sont arrivés à une entente de principe.

On ne semble pas avoir réalisé à quel point c’est un tour de force. D’abord, le simple fait qu’on ait pu signer une telle entente après huit mois de négociations, quand on sait à quel point le dossier de la rémunération des médecins est à la fois explosif et complexe.

Mais surtout, on y est parvenu dans le calme, sans crise, sans menaces, sans insultes, sans conférences de presse enflammées, sans ultimatums gouvernementaux, sans non plus de menaces de moyens de pression, bref, sans les tensions et la violence verbale qui caractérisent les débats dans le monde de la santé.

Comment ce miracle a-t-il été possible ? Je ne connais évidemment pas les détails d’une négociation qui s’est déroulée à huis clos. Mais je sais très bien ce qui la distinguait : le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, ne pilotait pas le dossier.

Il est difficile de croire qu’il n’y ait pas un lien de cause à effet.

Comme par hasard, en l’absence de celui qui gère ses dossiers à la tronçonneuse, qui privilégie l’affrontement, les tensions et les escalades verbales, les négociations se sont déroulées dans la discrétion et l’harmonie.

Le premier ministre Couillard a donc pris la bonne décision, en novembre dernier, en écartant M. Barrette du dossier des négociations avec les fédérations médicales pour les confier au président du Conseil du trésor, Pierre Moreau, avec un comité de négociation en bonne et due forme et des négociateurs extérieurs chevronnés.

Le ministre Barrette avait été ulcéré d’être mis de côté et d’avoir été relégué au second plan dans ces négociations, confiné à « y participer avec des observations techniques ou des conseils techniques », comme l’avait précisé le premier ministre.

Détail cocasse, la plupart des médias qui ont annoncé l’entente, vendredi et samedi, ont illustré leur nouvelle d’une grosse photo de Gaétan Barrette, même si ce n’était plus son dossier.

J’avais déjà écrit pour suggérer que les négociations avec les médecins ne soient pas confiées au ministre Barrette. J’évoquais le fait qu’il était en situation de conflit d’intérêts, parce qu’il avait piloté les négociations précédentes pour la partie syndicale et parce qu’il avait manifesté, dans toutes ses fonctions, une hostilité envers les médecins généralistes. J’évoquais aussi sa propension au chaos. Le gouvernement semble aussi avoir été sensible à l’importance de casser l’image de « gouvernement de docteurs ».

Je ne connais pas les détails de l’entente de principe que la FMOQ voudra d’abord présenter à ses quelque 9500 membres lors d’une tournée provinciale en septembre, avant de la soumettre à leur approbation. Tout ce qu’on sait, c’est que le président de la fédération, Louis Godin, l’a qualifiée de « juste et acceptable ».

On en déduit que les parties ont trouvé une façon équilibrée de concilier l’inquiétude de la population à l’égard de la rémunération des médecins et la préoccupation des généralistes qui se plaignent de l’écart salarial avec les spécialistes, ceux dont les salaires dépassent ceux des médecins canadiens.

Sans avoir vu les chiffres, comme c’est le Conseil du trésor qui pilote le dossier, on peut supposer qu’on y est parvenu en se basant sur des normes, des objectifs et des paramètres vérifiables, et comme ce ministère est près de ses sous, on peut aussi supposer qu’on n’aura pas cherché à acheter la paix sociale en dilapidant des fonds publics.

On ne sait cependant pas si ces négociations sont sorties du cadre classique pour aborder d’autres enjeux fondamentaux, notamment le mode de rémunération à l’acte, qui est de plus en plus anachronique.

Mais rétrospectivement, le fait que ce dossier difficile semble en voie de se résoudre sans tensions nous fait regretter que l’on n’ait pas appliqué la même méthode dans d’autres dossiers, comme celui des pharmaciens.

Je me suis demandé souvent pourquoi Philippe Couillard a toléré si longtemps les excès de son brutal ministre, dont les méthodes sont si différentes des siennes quand il était lui-même ministre de la Santé. Sans doute voulait-il miser sur la manière forte pour s’attaquer aux corporatismes et au poids de l’inertie.

Mais la méthode a ses limites, comme nous le rappelle le dossier des négos avec la FMOQ. Elle a aussi des limites politiques. Les citoyens n’aiment pas le chaos et les crises. Un sondage Léger, publié samedi dans Le Devoir et Le Journal de Montréal, révélait que Gaétan Barrette est le ministre qui a, de loin, le plus de notoriété, avec 76 %, mais qui est aussi, de très loin, le plus impopulaire – avec 20 % de bonnes opinions et 56 % de mauvaises.

Ce coup de sonde nous dit que le bully est devenu un boulet.

Nombre d’omnipraticiens : 9500

(Source : Fédération des médecins omnipraticiens du Québec)

Rémunération totale : 2,43 milliards (2016) (Source : ministère de la Santé)

Rémunération moyenne : 244 674 $ (2015) (Source : Régie de l’assurance maladie du Québec)

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.