Éditorial : Politique sur la recherche et l’innovation

Combler le vide… et vite

Les scientifiques québécois sont un peu comme des musiciens privés de chef d’orchestre depuis l’élection du gouvernement Couillard. Les fonds de recherche du Québec continuent de financer leurs travaux, mais la politique gouvernementale qui leur donnait une vision commune et établissait des priorités a été mise au rancart.

Cela a créé un vide inexcusable.

La ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, Dominique Anglade, planche sur une nouvelle politique sur la recherche et l’innovation. Il était temps. Le Québec et le Canada font piètre figure par rapport aux autres pays développés en termes de recherche et de développement. Notre manque d’innovation mine la compétitivité de nos entreprises et nous empêche de trouver des solutions à nos problèmes, pour ne nommer que ces deux effets. Il est donc essentiel d’avoir un plan pour la stimuler.

Mais la ministre Anglade devra éviter certains pièges si elle veut que sa politique ait des impacts réels. Et l’erreur la plus grave serait de trop tarder.

Le gouvernement provincial ne peut fonctionner en vase clos lorsqu’il établit une stratégie de recherche. Il doit tenir compte du bouillonnement qui touche maintenant Ottawa. Le gouvernement Trudeau a annoncé des réinvestissements substantiels en recherche. Le vis-à-vis fédéral de Dominique Anglade, le ministre Navdeep Bains, tient actuellement des consultations en vue d’un futur « Plan d’innovation ». On s’attend à ce que les grandes orientations soient annoncées dans le prochain budget fédéral, au printemps 2017.

Le fait que le Québec n’ait pas encore défini ses propres priorités en recherche place la province dans une position de faiblesse pour influencer celles d’Ottawa. Les millions du fédéral seront canalisés vers des orientations bien précises.

Si Québec ne sait pas ce qu’il veut, il ne pourra convaincre Ottawa de tenir compte de ses besoins.

Au cabinet de la ministre Anglade, on assure avoir déjà une idée des priorités québécoises et être en contact étroit avec Ottawa. Il reste que les consultations québécoises qui doivent justement établir ces priorités ne seront lancées qu’à la fin septembre. La politique québécoise, elle, est promise pour le printemps 2017. Il y a donc un risque réel de rater cette trop rare valse des millions et de ne pas tirer le maximum des investissements fédéraux. Si l’Alberta convainc Ottawa de financer massivement la recherche sur le charbon propre, par exemple, le Québec sera complètement exclu de ce programme.

Mme Anglade a non seulement l’obligation de faire les choses rapidement, mais aussi de bien les faire. Avec l’économie qui fait du surplace, il sera tentant de favoriser la recherche directement associée au développement économique. Cette recherche est importante, mais elle ne doit pas faire oublier la science fondamentale.

C’est sans compter un autre type de recherche qui se retrouve souvent entre deux chaises dans les programmes gouvernementaux : celle qui se penche sur nos problèmes de société. Le Québec est plus touché par le vieillissement de sa population que les autres provinces. Montréal est ralenti par les travaux et la congestion routière. Notre système de santé est surchargé, nous peinons à réduire nos émissions de gaz à effet de serre et certains de nos jeunes, comme ceux d’ailleurs, se laissent séduire par les sirènes de la radicalisation. Les chercheurs qui peuvent apporter des solutions à ces problèmes méritent d’être soutenus, et il faut en encourager d’autres à s’y pencher. Il en va de la santé du Québec.

La recherche est un atout indispensable pour une société. Le Québec, avec ses moyens limités, doit se doter d’une politique pour canaliser ses efforts. Les scientifiques attendent beaucoup de ce qui se prépare actuellement à Québec et à Ottawa. Tous les Québécois ont intérêt à ce qu’ils ne soient pas déçus.

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